[Entretien] David Scherer, l’émotion avant l’épate 1


Grand succès télévisuel de la fin d’année 2019 sur TF1, la série d’Alexandre Laurent, Le Bazar de la Charité est déjà disponible sur Netflix avant de débarquer ce 15 janvier en DVD et Blu-ray. Nous y voyons l’occasion de nous entretenir avec son superviseur maquillage SFX, David Scherer, et de revenir plus généralement sur la carrière et la passion de cet artisan amoureux du cinéma de genre italien et ayant œuvré sur la plupart des tentatives de cinémas de genres à la française depuis une quinzaine d’années…

David Scherer et une de ses monstrueuses créations (interview)

                                            © Marie Bortolotti

Emouvoir avant d’épater

Une première question un peu plate probablement : en quoi consiste ton travail de maquilleur SFX et comment travailles-tu aujourd’hui ?

Pour essayer de faire simple et concis, je fabrique toutes les prothèses – qu’on colle sur les acteurs, allant par exemple du faux nez à la blessure, en passant par la reproduction de parties du corps ou les maquillages de créatures – ou les accessoires spéciaux qu’on utilise sur le plateau – les faux morceaux de verre, les fausses armes, les faux animaux. L’idée est de fabriquer les choses en réel, par opposition avec les images de synthèse, même si nos effets sont parfois couplés avec du numérique. Donc, on fabrique les éléments, et ensuite c’est nous qui les activons, les mettons en place et en marche sur le plateau.

Comment tu arrives à un métier comme celui-là, qu’on pourrait imaginer bien moins important à l’époque du « tout numérique » ?

J’ai commencé à travailler réellement à partir de 2006. La question que tu évoques on se l’est posée plutôt à la fin des années 90. On se demandait vraiment si les effets numériques n’allaient pas supplanter les effets « réels », les maquillages spéciaux. Aujourd’hui la question ne se pose plus, parce qu’on s’est rendu compte que ce n’était pas du tout le cas ! Non seulement aujourd’hui il y a un retour des effets de plateau, du désir des réalisateurs d’utiliser du faux sang, du latex, ce genre de choses par goût du cinéma des années 70-80, mais en plus il y a beaucoup de projets où on va trouver un couplage d’effets par ordinateur et d’effets réels. Un exemple : sur un film en Algérie, on avait des plans sur des animaux blessés. Le plan étant fixe, le superviseur VFX va amplifier par ordinateur des blessures dont on avait juste pu faire une « base » sur le plateau. C’est la mode en ce moment. Sur Acide de Just Philippot, pareil, tout le nuage est en numérique, mais toute la fin où les personnages sont atteints par la pluie et commencent à fondre, on a quand même fait tous les effets en réel. Seuls des détails ont été repris numériquement à ce niveau. Le maquillage a donc encore de beaux jours devant lui.

Les garçons sauvages sur lequel David Scherer a travaillé (interview)

                    Les Garçons Sauvages / © Tous droits réservés

Qu’est-ce qui t’a mené à ce métier ?

Tout simplement la découverte de beaucoup de films d’horreur dans ma jeunesse. Ma cinéphilie m’a permis de voir les différences entre tous ces films et de développer un amour immodéré particulier pour le cinéma italien. Un cinéma qui m’interpellait dans son goût de l’inédit, de faire toujours des séquences « jamais vues ». Dans tous ces films, italiens ou non, forcément, les effets étaient réalisés de manière traditionnelle et j’y ai trouvé la voie qui permettrait de combiner mon envie de faire du cinéma tout me consacrant pleinement au cinéma fantastique qui reste ma première passion. Le plaisir que j’ai dans ce métier est aussi de faire des choses toujours différentes. Un éventrement, une tête coupée, n’importe quoi, il y a cinquante façons différentes de faire ces choses-là. Je n’ai pas trouvé d’école. Je suis de Strasbourg, je n’avais pas envie de m’installer à Paris tout de suite. Naïvement – à la manière du cinéma des années 80 que je considère naïf dans le bon sens du terme – je me suis mis à tester des choses, à bricoler dans mon coin. A l’époque j’avais envoyé des photos à Mad Movies, quelqu’un m’avait contacté, j’avais pu tourner un court-métrage à Paris. Pour moi, c’était extraordinaire ! Petit à petit, je me suis créé un réseau, en ayant la chance d’arriver à un moment propice. Au début des années 2000, il n’y avait pas encore eu toute la vague des French Frayeurs, mais les choses commençaient à se faire un peu, et j’ai pu vite mettre la main à patte. Je me suis ensuite créé deux niches, une niche série TV, et une niche de films de genre à micro-budget, vraiment bricolés. Par exemple, les films de François Gaillard I am the Ripper (2004) Blackaria (2010) Last Caress (2010) ou encore un des segments du film à sketch Tokyo Grand Guignol (2015). C’est sur ces films que j’ai pu vraiment me spécialiser, ce qui m’a permis de rencontrer Bertrand Mandico, Hélène Cattet et Bruno Forzani, Lucile Hadzihalilovic et d’autres. Encore une fois, je revenais souvent avec certains d’entre eux vers ma passion du cinéma de genre italien…

Ton expérience est intéressante parce qu’elle t’a permis de traverser finalement deux « vagues » du cinéma de genres en France. La French frayeur d’abord, qui s’est soldée malgré tout par un échec, et le mouvement qu’on peut observer aujourd’hui à la suite de Grave (Julia Ducournau, 2017) en particulier, mais qui semble plus général puisque composé de plusieurs familles différentes. Toi qui es au cœur du réacteur, tu as le sentiment d’un vrai « renouveau » des cinémas de genres en France ces toutes dernières années ? Ou est-ce que tu aurais tendance à relativiser ce constat ?

Non, il y a vraiment quelque chose. Le plus important, c’est que le cinéma de genre français est aujourd’hui plus estimé. Après, sans vouloir froisser personne, la vague French Frayeur témoignait d’abord et avant tout du désir de faire le film le plus gore possible. Au milieu de ça, on voyait émerger quelques merveilles – Vinyan de Fabrice du Welz (2008) m’avait enchanté – mais sinon on voyait beaucoup de films certes bien fichus, mais qui manquaient à mon avis d’une autre dimension. La Horde (Yannick Dahan, Benjamin Rocher, 2009), par exemple, en termes d’action c’est correctement filmé, mais c’est difficile de trouver autre chose. Aujourd’hui, on observe quand même beaucoup d’auteurs qui vont dans les grands festivals. Ce n’est plus seulement un cinéma gore. Cela étant, l’institution ne fait pas tout. Je n’ai rien contre Grave, mais pour moi un film comme Dans Ma Peau de Marina De Van (2002) explorait déjà les mêmes choses et de façon, à mon sens, bien plus mystérieuse et inquiétante. Le film est totalement passé inaperçu… Je pense qu’on peut questionner quand même l’honnêteté de certains films de genre « institutionnels » qui font parfois ce qu’il faut pour plaire, et qui sont au bord de l’opportunisme.

Il se trouve qu’en plus de longs-métrages professionnels, tu continues à faire beaucoup de films étudiants. En parlant d’opportunisme, est-ce que les projets que tu vois passer te paraissent tous sincères, venant de vrais passionnés de cinémas de genres, ou bien plutôt surfant sur cette vague qui commence à être vraiment à la mode ?

Il y aura toujours des opportunistes, mais ce n’est pas la majorité. Dans ce que je fais de films étudiants et de micro-budgets, ce sont des films ultra-sincères et surtout variés dans leur approche du genre. Quand on parle de l’essor du cinéma de genre français, je préférerais qu’on parle de ces films-là, ce qui fait que je suis forcément un peu plus critique sur certains films « institutionnels » portés au nu. Je suis très fier de ma filmographie, en particulier en termes de courts. Il y a une vraie génération de jeunes auteurs très sincères et très respectueux du cinéma fantastique. J’ai fait par exemple le court qui a gagné Gerardmer l’an dernier, Et le Diable rit avec moi de Rémy Barbe, ou encore les courts de mes potes des Films de la Mouche. Pour moi, le vrai renouveau est à chercher dans ces potentiels-là, dans ces propositions bien plus fauchées mais réellement inventives, sincères et fortes. L’avenir et le talent du cinéma de genre français est là.

Si on en revenait vraiment à ton travail, ton goût de l’artisanat ! Il me semble que tu travailles la plupart du temps seul dans ton atelier…

Oui ! Je suis « une petite structure ». Mon atelier est à Strasbourg, il n’est qu’à moi. Je n’ai pas d’obligation absolue de devoir faire des gros films, des gros projets. Je peux faire des budgets plus modestes, toujours en fonction du metteur en scène. Même quand, sur de la télé en particulier, il peut m’arriver de travailler avec une équipe, ce qui compte c’est le réalisateur… Je participe en fonction de la rencontre que j’ai eue avec lui, pas du scénario ou même des effets qu’il y aura à accomplir. Je pense à ces choses-là, mais elles restent secondaires. Alexandre Laurent (réalisateur du Bazar de la Charité) a beau faire une grosse série TV, il sait te donner envie, il a de l’enthousiasme, on a des références communes. D’une manière générale, je travaille seul en prépa, en particulier parce que je fais beaucoup de projets modestes, mais ça m’arrange. Faire de la grosse technique pour faire de l’épate ne m’intéresse pas. L’effet spécial, le trucage en tant qu’objet, je m’en fous, il n’a pas de valeur intrinsèque. Ce qui m’intéresse, c’est de voir la vision d’un metteur en scène, comment d’un effet parfois sommaire il va apporter sa vision et en faire quelque chose d’efficace, ou même une image forte. Des gens comme Mandico, Gaillard ou Cattet et Forzani sont très forts pour ça. Ces derniers par exemple sont précis au millimètre. Tout ce que tu vas faire correspond à leur vision. Ils te donnent le cadre, ce qui va être filmé, tu fabriques en fonction.

Le travail de David Scherer sur la série Le bazar de la charité (interview)

                                                   © TF1

Pour faire une étude de cas plus précise sur une série, Le Bazar de la Charité sort en Blu-Ray et DVD ce mois-ci après avoir cartonné sur TF1. Quelle a été la nature de ton travail dessus ?

Sur le Bazar de la Charité il y avait plusieurs gros défis ! En premier lieu, gérer le maquillage des figurants brûlés qui sortent de l’incendie, il y en avait des dizaines chaque jour pendant les dix jours de tournage de cette incroyable scène ! Ensuite il y avait les blessés et les morts que l’on retrouve à l’hôpital et à la morgue, on avait préparé une vingtaine de corps factices entiers à différents degrés de brulures, certains étaient réduits à l’état de carcasses, d’autres étaient encore reconnaissables… On avait fait aussi quelques corps “sacrifiables” que l’on a brulés pendant l’incendie… Enfin il y a le personnage de Rose, interprétée par Julie de Bona, que l’on suit pendant toute la série… Son visage et son corps devaient porter les marques de l’incendie, ça a été un maquillage assez long à mettre en place, on a cherché avec Alexandre ce qui fonctionnerait le mieux tout en essayant au maximum de limiter le temps de pose car les procédés sont inconfortables… Mais finalement, ça vraiment fonctionné, le personnage est vraiment passionnant ! Ça résume ce que je te disais juste avant, l’effet en soi n’est rien, il faut toujours le mettre dans un ensemble. Là, en l’occurrence, la façon dont Alexandre filme ce personnage et la façon dont Julie l’interprète ont donné la bonne combinaison. Il n’y a qu’à voir les réactions du public ! Ce personnage a vraiment remporté l’adhésion ! Julie et Alexandre ont vraiment fait un job incroyable ! C’était un sacré rythme à tenir, et cette fois-ci je n’étais pas seul. Sur le plateau, on était jusqu’à sept maquilleurs pour gérer les figurants, c’était énorme. Il a fallu que je forme une petite équipe pour pouvoir remplir la charge de travail quotidien. Pour maquiller Julie, on était à trois à s’affairer autour d’elle pour lui appliquer les brûlures.

Au vu de la nature de la production – série TF1 – on peut se demander si tu ne t’es pas senti bridé dans certains effets, notamment les plus gores.

Absolument pas. La violence de l’incendie impliquait de montrer certains dégâts et Alexandre a su l’imposer. On a donc des corps dans des états assez gores, bien entendu. Mais cela a toujours un sens ! Alexandre n’oublie jamais qu’il filme des personnages et non des effets spéciaux, il privilégie l’émotion ! Il y a une séquence terrible où Julie découvre l’état de son corps dans le miroir… On se focalise sur ses yeux, l’émotion de l’actrice, il n’y a pas besoin de faire une démonstration d’effets à ce moment-là. C’est très intelligent, et c’est vraiment la meilleure façon d’aborder ce type de séquence. C’était du coup très satisfaisant de travailler dans cette optique. La séquence de la morgue où le personnage de Josiane Balasko cherche le corps de sa fille devait être anxiogène, dérangeante. La mise en scène était en adéquation avec ça. C’est l’un de mes passages favoris !

Tu as le sentiment qu’une telle série aurait-été possible il y a quelques années ? Marque-t-elle à ton sens un tournant dans le rapport de la France au cinéma ou plutôt à la fiction dite « de genre » ?

Je ne sais pas trop… Effectivement une scène comme celle de l’incendie est très puissante en ce sens. Je pense plutôt que le succès témoigne du fait qu’on peut intéresser le public avec une histoire forte, ancrée dans notre patrimoine historique, tout en étant parlante pour le monde contemporain. Sur « le genre » à proprement parler, je ne sais pas. Par contre l’une des belles qualités de cette série est justement de ne pas chercher à imiter les Américains. Je suis heureux de son succès en tous cas, car il va très certainement ouvrir la porte à de futurs projets passionnants. Et si c’est encore avec des réalisateurs aussi impliqués, enthousiastes et passionnés qu’Alexandre Laurent, ce ne peut être que prometteur !

Ça m’intéresse que tu parles beaucoup de metteurs en scène, car généralement la cinéphilie et l’amour du cinéma se fondent sur l’admiration qu’on a pour des auteurs – pour toi, les Argento, Fulci, & compagnie. Je me demande, cela dit, si ta cinéphilie et ton désir de faire ce métier venait aussi d’une admiration pour les superviseurs des effets spéciaux des films que tu aimais ?

Je dirai que c’est une totalité. Je vais prendre L’Au-Delà (Lucio Fulci, 1981), certainement l’un de mes films préférés, comme exemple. C’est un film qui correspond à son âge d’or où il créait avec son équipe parfaite : Sergio Salvati à la lumière, Fabio Frizzi à la musique, Giannetto De Rossi au maquillage, Vincenzo Tomassi au montage et Dardano Sacchetti au scénario. Tout ça fait que c’est parfait. Le travail de Giannetto De Rossi m’a donc beaucoup influencé et me fascine toujours autant, mais c’est toujours par l’intermédiaire du regard génial d’un metteur en scène. Grâce à la vision morbide obsessionnelle d’un Fulci, ou l’intelligence d’un Alexandre Aja qui avait eu la bonne idée de l’appeler pour son Haute Tension (2003).

Effet gore conçu par David Scherer pour Laissez bronzer les cadavres (interview)

               Laissez Bronzer les Cadavres / © Tous droits réservés

Comme tu sembles avoir une certaine vision de la mise en scène, et d’être actif dans la réalisation des films que tu fais, il t’arrive d’avoir des déceptions sur l’exploitation de tes effets ? De voir un produit fini et de te dire que l’effet n’a pas été mis en valeur comme il l’aurait dû ? Ou tu te dis que tu as fait ton travail, et « tant pis pour eux » …

Non sûrement pas. Beaucoup de maquilleurs fonctionnent comme une entreprise et ont ce genre de raisonnements : « j’ai facturé cet effet, et basta ! ». Ça ne m’intéresse pas et je ne travaille pas en toute petite structure pour rien ! A l’époque, ça m’est arrivé de voir des courts-métrages où j’avais le sentiment que mon effet n’était pas mis en valeur comme il aurait dû l’être. Aujourd’hui, je fais plus attention. J’essaye de faire en sorte qu’on soit le plus précis possible dans la mise en scène pour faire l’effet spécial adéquat. Quand tu ne sais pas filmer un truc, tu es obligé de te couvrir et de dépenser beaucoup d’argent. Plus tu es précis, mieux tu t’en sors, même financièrement ! Cattet et Forzani sont capables de me dire la durée du plan, comment ce sera sonorisé, à quel moment il interviendra dans le montage. J’ai fait avec eux L’étrange couleur des larmes de ton corps (2013) et Laissez bronzer les cadavres (2017), deux expériences extraordinaires pour savoir comment on peut tout optimiser. Mandico fait pareil. Alors après, l’effet spécial se voit souvent, l’idée n’est pas de l’effacer. Dans Utra Pulpe, les visions sont hyper fortes alors que franchement, les effets que je lui avais fournis pouvaient me paraître un peu bancals au départ. Il sait en faire quelque chose, il est habité.

On revient à des formes presque primitives du cinéma, à du Méliès. Ce qui pour un responsable d’effets spéciaux doit quand même être assez enthousiasmant.

Tout à fait.

N’y-a-t-il pas un paradoxe à voir ces cinéastes défendre des auteurs initialement hyper populaires – Argento et Fulci pour, ne citer qu’eux, n’étaient pas du tout considérés comme des auteurs en leur temps mais plutôt des artisans de série B à succès – en faisant une œuvre malgré tout qui reste un peu « de niche ». Je caricature volontairement, parce qu’on défend ici beaucoup les œuvres de tous les cinéastes dont on parle, mais est-ce que ce retour à la « matière première », aux effets spéciaux à l’ancienne, en dur, ne sert pas un cinéma de genre « pour Beaubourg » ?

Bizarrement non. Quand tu vois les films de Yann Gonzalez ou de Bertrand Mandico, il est clair que leur propos dépasse totalement le simple jeu de références ou le petit objet chic. C’est pareil pour Cattet et Forzani. Bien sûr, on pourrait leur reprocher un certain élitisme dans l’empilement de références qu’ils mettent en scène, mais il y a une telle générosité chez eux qu’on voit bien que ça n’est pas que ça. Quand je travaille avec tous ces réalisateurs, je ne suis pas que dans la connivence et la référence, j’ai le sentiment d’accéder à de véritables univers personnels, propres. Ils ont parfaitement digéré leurs références et par là il retrouve l’essence même du cinéma. Cela étant, je suis forcément influencé par mon amour de cette cinéphilie. Il faut dire que je rencontre de plus en plus de jeunes qui sont intéressés par le cinéma de genre mais qui n’ont plus suffisamment de références, de connaissances du cinéma de genre ou même du cinéma dans son ensemble… C’est parfois un petit peu chiant. J’ai quand même besoin d’avoir des gens avec de vrais références. Je ne cherche pas le spécialiste, mais je cherche la personne qui a ressenti des émotions devant ce genre de films et qui veut mettre en scène ce même type de sensations. Pour l’exprimer et pour communiquer ensemble, les références communes sont utiles. Cette recherche de l’émotion peut donc dépasser le cadre du cinéma de genre. Par exemple, j’ai bossé sur une séquence de Amanda (Mikhael Hers, 2018) qui n’est donc pas franchement référencé Fulci. La séquence techniquement ne demandait pas grand-chose – ce n’était « que » des blessures par balles – mais émotionnellement elle est incroyablement impactante – c’est la découverte du parc après l’attentat. Un jeune qui sort d’école d’effets spéciaux, tu lui dis qu’il va faire des impacts de balle ça ne l’intéresse pas. Il voudra faire des créatures, des monstres ! Sauf que la séquence de Amanda est magnifique, glaçante, et j’en tire plus de satisfaction qu’en ayant fait un beau monstre au service de pas grand-chose… J’ai besoin que mon travail serve une histoire, une émotion. Mon travail sur Le Bazar de la Charité c’est en cela le meilleur exemple. Si on comprend que c’est cela qui compte – et pas de faire l’effet le plus gore, le plus impressionnant, le plus « jamais vu », comme ont pu le penser les membres de la French Frayeur d’une certaine manière – alors on ira peut-être définitivement dans le bon sens.

Propos de David Scherer
Receuillis par Pierre-Jean Delvolvé
Photo de Marie Bortolotti


A propos de Pierre-Jean Delvolvé

Scénariste et réalisateur diplômé de la Femis, Pierre-Jean aime autant parler de Jacques Demy que de "2001 l'odyssée de l'espace", d'Eric Rohmer que de "Showgirls" et par-dessus tout faire des rapprochements improbables entre "La Maman et la Putain" et "Mad Max". Par exemple. En plus de développer ses propres films, il trouve ici l'occasion de faire ce genre d'assemblages entre les différents pôles de sa cinéphile un peu hirsute. Ses spécialités variées oscillent entre Paul Verhoeven, John Carpenter, Tobe Hooper et George Miller. Il est aussi le plus sentimental de nos rédacteurs. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riNSm


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