Cats


L’adaptation de l’une des plus célèbres comédies musicales du West End londonien est à l’affiche dans les cinémas français depuis ce 25 décembre 2019 et se fait injustement démolir. Il en revient à nous, amateurs de genres et de chats, de réhabiliter (un petit peu) Cats de Tom Hooper.

Les Jelllicle Cats du film Cats (critique)

                                                         © Universal

Le petit chat est mort

En 2016 Universal annonce aux fans de comédies musicales l’adaptation du génial Wicked de Stephen Schwartz et Winnie Holzman pour finalement en 2019 sortir le londonien et curieux Cats d’Andrew Lloyd Weber… Les trois petits points précédents sont écrits pour marquer MA désapprobation quant à ce retournement de situation. Promettre le formidable prequel du Magicien d’Oz (Victor Fleming, 1939) pour nous pondre une sombre histoire de chats qui se roulent dans des poubelles et qui attendent de pouvoir se réincarner dans un nouveau corps, c’était culotté. Il faut dire que depuis sa création en 1981, Cats s’est imposé comme un classique du West End et de Broadway, avant de rencontrer un franc succès en France à Mogador. Traduit dans deux dizaines de langues, joué dans une vingtaine de pays, le musical aura attiré plus de soixante-dix millions de spectateurs en plus de trente ans. Pour les producteurs (sauf pour Maxwell Sheffield, et si t’as la référence, viens chez moi j’ai l’intégrale en DVD) il était donc assez évident que ce succès serait prolongé par une adaptation au cinéma.

Ian McKellen dans le film Cats (critique)

                                            © Universal

Adapté d’un recueil de poèmes des années trente de T.S Eliott, Le guide des chats du Vieil Opossum, Cats est un spectacle complètement baroque qui s’adresse à un public plutôt averti (et plutôt anglo-saxon aussi) composé par Andrew Lloyd Weber à qui l’on doit notamment Jesus Christ Superstar ou encore Le fantôme de l’Opéra, pour n’en citer que deux. En 1980, Andrew Lloyd Weber monte un petit spectacle musical à partir du recueil et invite la veuve du poète qui lui donnera alors des poèmes inédits « pas pour les enfants » sur Grizabella, la chatte glamour déchue, traînant dans les rues et se prostituant. C’est ce qui donnera la trame principale à Weber pour monter la comédie musicale qu’on connaît, car c’est l’histoire de Grizabella et de sa rédemption qui donne le liant pour assembler tous les poèmes  de T.S Eliott et en faire une histoire plus dense. L’histoire donc, d’une bande de chat les « Jellicle Cats » qui se réunissent une fois par an pour élire l’un des leurs pour qu’il se réincarne et démarre une nouvelle vie. Parmi eux, la jeune Victoria fraîchement abandonnée et le vilain Macavity qui veut sa part du gâteau. Entièrement chorégraphié et chanté, le spectacle est un ovni dès sa sortie, mais un succès immédiat. Les danseurs évoluent dans une décharge à échelle de chat, qui déborde sur le public, dans des costumes improbables de chats sexy et provocateurs et franchement punks, pendant pas moins de deux heures. La chanson phare de la comédie musicale, la sublime Memory, n’est pas adaptée d’un poème et est créée de toute pièce pour les besoins de la narration. Cette chanson emblématique devait à l’origine être interprétée par Judi Dench (qu’on retrouve dans le film) qui se blesse au tendon d’Achille quelques jours avant la première représentation. Ce titre devenu depuis un classique sera notamment repris par Barbra Streisand, rien que ça.

Judi Dench dans Catts (critique)

                                             © Universal

Le casting de cette adaptation cinématographique est hyper cool et on ne peut pas enlever aux acteurs leur implication dans ce qui ressemble ni plus ni moins qu’à une captation augmentée. Judi Dench renoue avec ce spectacle en interprétant le rôle du Old Deuteronomy, un vieux chat d’ordinaire joué par des hommes. Idris Elba met toute son âme et ses abdos numériques en méchant chat, Ian McKellen en chat comédien excelle et émeut. Taylor – TayTay – Swift fait suffisamment de figuration pour tenter de ramener un peu de public et Jennifer Hudson incarne l’une des meilleures Grizabella qu’il nous ai été donnée de voir (en même temps en France on a eu Chimène Badi c’est pas foufou). Alors, pourquoi cette adaptation cinématographique de Cats reste toutefois décevante ? Tout simplement parce que Tom Hooper se contente de prendre des comédiens et danseurs en capture de mouvements, de recréer numériquement poils et moustaches pour que le rendu final ne soit au final qu’une version « améliorée », modélisée, 3Disée, des costumes de scènes (donc avec des mains et des visages humains). Dès la première bande-annonce en juillet, les réactions du grand public promettaient déjà un naufrage au box-office, ces derniers manifestant leur gêne face à ces corps de chats dotés de seins qui bougent (bien que ce soit dans la nature des seins de bouger…) et d’abdos saillants. Ces réactions incita le studio à modifier à la dernière minute ses effets, désexualisant les chats (sauf Taylor Swift, va savoir pourquoi) et ramenant davantage de leurs traits de visages aux détriments de leur masque numérique félin.

Taylof Swift dans Cats (critique du film)

                                         © Universal

Adapter un spectacle vivant n’est pas chose aisée au cinéma et ce n’était pas le premier essai du réalisateur. Si on peut trouver la mise en scène de l’adaptation des Misérables (2012) classique et chiante, cette comédie musicale se prêtait plus facilement à l’exercice de la transposition sur grand écran, probablement du fait qu’elle était elle-même l’adaptation d’un roman et non de poèmes sans trame narrative comme c’est le cas ici. Adapter Cats, spectacle composé à 90 % de morceaux de danse contemporaine c’était d’avance une fausse bonne idée. Le public au cinéma veut voir des choses crédibles et est sans cesse en quête de réalisme (à une époque ou le réalisme est de plus en plus issu d’ordinateurs), et il aurait été peut être plus crédible de voir des vrais chats (ou tout au moins, des chats numériques) se dandiner en chantant leurs Jellicles songs à la manière d’un O’Malley dans les Aristochats (Wolfgang Reitherman, 1971) plutôt que de voir ces hybrides humanoïdes gênants, du moins autant gênants que les danseurs du musicals, car soyons honnête, c’est un spectacle hyper creepy malgré toutes ses qualités. Oubliable, le film n’est néanmoins pas le nanar annoncé pour qui a déjà vu Cats mais est certainement un film difficile d’accès pour un public toujours plus en quête de vérité numérique. Mais qu’on se le dise, avoir réalisé une version cinématographique d’une pièce aussi baroque est un acte de rébellion de la part d’un Tom Hooper d’ordinaire plus sage, et une tentative assez culottée dans un Hollywood de plus en plus aseptisé et incapable de prendre des risques.


A propos de Angie Haÿne

Biberonnée aux Chair de Poule et à X-Files, Angie grandit avec une tendresse particulière pour les monstres, la faute à Jean Cocteau et sa bête, et développe en même temps une phobie envers les enfants démons. Elle tombe amoureuse d'Antoine Doinel en 1999 et cherche depuis un moyen d'entrer les films de Truffaut pour l'épouser. En attendant, elle joue la comédie avant d'ouvrir sa propre salle de cinéma. Ses spécialités sont les comédies musicales, la filmographie de Jean Cocteau, les sorcières et la motion-capture.

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