Night Swim


Dans la cuvée 2024 estampillée Jason Blum, on s’intéresse tardivement à Night Swim (Bryce McGuire, 2024), une énième variation des thèmes de maisons hantées et de possession qui font sursauter. Alors que vaut-il ? Grand cru ou piquette qui tâche ?

Une jeune femme flotte dans une piscine sombre, plan du film Night Swim.

© Universal Studios

Mouillez-vous la nuque avant

À la faveur de nos bilans de l’année 2023, nous revenions sur l’état de l’horreur de ce début de XXIe siècle, et sur la place de Jason Blum dans l’industrie horrifique hollywoodienne. S’avançant, volontairement ou non, comme un digne héritier de Roger Corman tant par le rythme effréné d’une production à la qualité variable que par une réelle démarche de pygmalion pour de solides cinéastes, lui et Blumhouse, sa société, nous gâtent chaque année d’une tripotée de long-métrages que l’on attend quelque peu prudents. Car la grande majorité des œuvres estampillées Blum n’a pas su toujours convaincre : pire, elle s’enlise souvent dans le ridicule – on pense à Nightmare Island (Jeff Wadlow, 2020) par exemple – quand elle ne capitalise pas sans retenue aucune sur de vieilles licences essorées. Pour quelques bonnes fournées comme Insidious (James Wan, 2011) ou The Visit (M. Night Shyamalan, 2015), combien d’indigestions au rabais ? Alors ce n’est pas peu dire que l’on attendait ce Night Swim en fronçant les sourcils, déjà inquiets d’une proposition vue et revue au sein même du catalogue du producteur. Bryce McGuire, dont c’est ici le premier long-métrage, reprend ici le concept de l’un de ses nombreux courts, sorti il y a dix ans. Une famille, dans laquelle le père souhaite se donner un nouveau souffle, achète une nouvelle maison – comme dans Sinister (Scott Derrickson, 2012) – dont la piscine s’avère être hantée par une présence démoniaque – à vous de voir à quel film de chez Blumhouse cela peut vous faire penser. Le père, sportif en convalescence, va guérir plus rapidement que prévu au contact de cette piscine et les enfants vont mener leur enquête pour contrer ce mal qui les guette.

Une famille trempée est au bord d'une piscine pavillonnaire, anxieuse, dans le film Night Swim.

© Universal Studios

Si l’on prend Night Swim pour ce qu’il est, un pur produit d’exploitation, on élimine d’office des attentes trop hautes en termes d’esthétique ou de narration, le véritable souci de ce film c’est qu’il ne prend même pas la peine de créer la moindre angoisse. La première scène, qui se situe des années avant le récit principal, arrive à susciter un minimum d’intérêt car le spectateur ne sait pas encore à quoi s’attendre sur la menace qui plane. Mais le long-métrage dévoilant son jeu trop tôt, lors d’une scène assez ridicule où l’entité est révélée, les dés sont alors pipés : plus jamais il ne pourra installer quelconque tension. Pourtant le jeune cinéaste essaye et multiplie les séquences se voulant angoissantes. L’usage du jump scare est assez parlant, utilisé quand il ne faut pas, absent quand il le faudrait. Et si on en vient presque à espérer que le réalisateur ait recours au plus pauvre des outils du cinéma d’horreur, c’est qu’on aimerait au moins que la misère soit cachée par les effets qui nous rappellent devant quel genre nous sommes. En fait, Night Swim est tout à fait symptomatique de la production selon Jason Blum, ici accompagné de James Wan, soit une idée de court-métrage – ce que le scénario de Bryce McGuire est à la base – étirée péniblement dans tous les sens pour parvenir jusqu’à une sixième bobine. Ce n’est malheureusement pas l’histoire racontée-là qui justifiait de s’obstiner à rallonger le déplaisir… Cette histoire de famille, assez dysfonctionnelle pour créer un semblant d’enjeu, ne parvient pas à faire oublier d’autres modèles maisons plus inspirés comme dans Sinister, encore une fois. Ici tous les personnages sont fonctionnels au possible, ce qui fait que si vous avez vu un film d’horreur de ces dix dernières années, vous aurez compris dès le premier acte quelles seront les fortunes de chacun.

Une jeune femme flotte, plongée dans une lumière bleutée de nuit, dans le film Night Swim.

© Universal Studios

Toutefois comme on est gentils, nous sauverons de la noyade le très bon Wyatt Russell, fils de Kurt, qui incarne le père de la tribu avec une certaine physicalité et une généreuse ambiguïté. Il avait déjà prouvé sa grande valeur Black Mirror (Charlie Brooker, depuis 2011) ou dans Sur Ordre de Dieu (Dustin Lance Black, 2022) donc on ne doutait pas de son talent, même dans une production comme celle-ci. Sa seule présence permet carrément de sauver des scènes de l’ennui complet : on pense notamment à une séquence de pool party qui vire au cauchemar. Kerry Condon qui interprète sa femme désemparée est assez solide pour intéresser a minima le spectateur lors d’une « enquête » pas bien passionnante. Et Amélie Hoeferle et Gavin Warren, les enfants s’en sortent plutôt bien également malgré le peu qu’ils ont à se mettre sous la dent. Comme c’est souvent le cas dans les productions Blumhouse, ce sont donc ses comédiens que le réalisateur peut remercier car ils évitent à Night Swim le naufrage complet. C’est bien peu de chose et cela ne permettra assurément pas au film de surnager dans le bassin de l’horreur 2024 tant il apparait comme un produit balisé, déjà démodé et sans âme. Même le fameux high concept, cher à Jason Blum, et qui consiste ici à remplacer avec fénéantise une maison hantée par une piscine, semble à bout de souffle et émoussé. À trop se reposer sur des préceptes, le producteur en oublie de servir de l’épouvante à son menu et se perd dans des films qui ne savent pas mettre en scène convenablement une créature qui aurait été plus réussie cinquante ans plus tôt chez Roger Corman. De là à dire que l’on attend le prochain Blumhouse le couteau entre les dents, il n’y a qu’un pas…


A propos de Kévin Robic

Kevin a décidé de ne plus se laver la main depuis qu’il lui a serré celle de son idole Martin Scorsese, un beau matin d’août 2010. Spectateur compulsif de nouveautés comme de vieux films, sa vie est rythmée autour de ces sessions de visionnage. Et de ses enfants, accessoirement. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rNJuC

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