Sans un bruit : Jour 1


John Krasinski ouvrait son Sans un bruit 2 (2020) par l’arrivée brutale de le menace extra-terrestre, puis reprenait le récit là où il l’avait laissé à la fin du premier volet. Dans cette préquelle, Michael Sarnoski, qui s’est distingué avec Pig en 2021, développe les événements qui ont déclenché l’apocalypse et ont réduit l’Humanité à un silence forcé.

Au milieu d'une foule sous un ciel qui brûle, une jeune femme porte les mains à sa bouche, apeurée ; scène du film Sans un bruit : jour 1.

© Paramount Pictures

Plus dur sera le chut !

Les deux premiers épisodes de ce qui est désormais une franchise – une suite directe est encore prévue pour 2025 – étaient pour ainsi dire tout entier portés par Emily Blunt. La tâche n’était donc pas aisée pour trouver un personnage fort dont l’objectif ne serait pas simplement d’échapper à l’ennemi dans diverses situations ponctuées métronomiquement de jump scares, et c’est Lupita Nyong’o qui a recueilli les faveurs de la production. Désormais habituée aux grosses productions comme Star Wars ou Black Panther, elle a également fait ses preuves dans le genre horrifique ainsi qu’on a pu le constater dans Us (Jordan Peele, 2019) et Little Monsters (Abe Forsythe, 2019). Elle interprète ici le rôle de Sam, qui vit ses derniers moments dans un hôpital new-yorkais. Atteinte d’un cancer incurable, elle attend l’inévitable, aux côtés de son chat impassible mais toujours présent, murée dans un refus des rapports sociaux. Alors qu’elle assiste avec d’autres patients à un spectacle de marionnettes dans un petit théâtre de la ville, l’enfer se déchaîne avec l’arrivée soudaine de monstres venus de l’espace, aveugles mais dotés d’une ouïe sur-développée qui leur permet de traquer les humains. Tandis que les autorités débordées tentent d’isoler l’invasion en détruisant tous les ponts et d’évacuer les survivants en bateau, Sam parvient à échapper aux créatures et rencontre Eric (Joseph Quinn) jeune étudiant apeuré qui s’accroche à elle. A noter que Djimon Hounsou – vu récemment dans les deux calamiteux Rebel Moon (Zack Snyder, 2023-2024) et prochainement à l’affiche de Gladiator 2 (Ridley Scott,2024) – fait une courte apparition, histoire d’être raccord avec Sans un bruit 2.

Djimon Hounsou met une main sur la bouche de Lupita Nyong'o, assise par terre, apeurée dans le film Sans un bruit : jour 1.

© Paramount Pictures

Les exemples de formules déclinées ad nauseam sont légion dans les cinémas de genres, on aurait donc pu légitimement penser que l’idée simple (simpliste ?) qui sert de base à la franchise aurait rapidement trouvé des limites déjà presqu’atteintes dans les deux premiers films. Parmi les pistes à explorer, les mœurs des aliens auraient pu constituer une voie intéressante, mais elle n’est pas exploitée ici. Tout juste apprend-on qu’ils élèvent des cocons au chaud pour… Les dévorer ? Dès lors immanquablement, Sans un bruit : jour 1 utilise les éléments qui ont fait le succès de ses prédécesseurs dont les aspects typiques du survival et de nombreuses scènes de tension tournant autour du bruit que font ou ne font pas les protagonistes luttant pour leur vie. Toutefois celles-ci sont plutôt concentrées dans la première partie du récit et sont reléguées au second plan dans la seconde pour laisser la place à la quête de Sam et à la relation amicale qu’elle noue avec Eric. A contre-emploi de ceux que Nyong’o a pu interpréter précédemment, ce rôle de malade résignée et affaiblie qui va trouver une raison d’avancer l’espace de quelques heures pour retrouver des souvenirs enfouis est assez touchant, le personnage ne tombant pas dans les travers hollywoodiens de la femme forte qui se comporte comme un homme pour être reconnue. Dépourvue de tout ce qui pourrait la rendre attirante, Sam n’a à offrir que sa rage intérieure, son désespoir et son empathie qui refait surface par instants.

Lupita Nyong'o déambule dans une rue dévastée, au milieu des décombres et d'une carcasse de voiture abandonnée dans Sans un bruit : jour 1.

© Paramount Pictures

Michael Sarnoski joue sur des oppositions assez évidentes tel le contraste entre l’homme et la nature. Alors que la ville grouillante, bruyante, constitue une proie de choix pour les envahisseurs, la nature est une alliée : l’eau dont le clapotis permet de se parler, l’eau qui protège des monstres extraterrestres incapable de nager et offre aux survivants une chance de fuir en bateau, le roulement du tonnerre qui masque le vacarme, une porte que l’on enfonce ou un cri d’impuissance. Le metteur en scène tente aussi par divers moyens de se détacher des clichés qui collent au genre. Malgré d’inévitables voire de prévisibles moments censés faire sursauter le spectateur, il y parvient çà et là, en alternant généreusement les séquences de traque et de fuite avec des scènes où les personnages ont le temps de prendre de l’épaisseur, tel ce spectacle de magie improvisé et muet qu’Eric offre à Sam dans le club de jazz que fréquentait le père pianiste de la jeune femme, un moment qui rate de peu la perfection du fait de l’adjonction inutile d’une musique larmoyante. Paradoxalement, les moments les plus effrayants sont ceux qui s’annoncent de loin comme cette foule cherchant à atteindre le port, grandissant inexorablement en même temps que l’agitation qu’elle produit et dont on comprend vite que son destin sera tragique. S’il contient son quota d’action, Sans un bruit : jour 1 n’est donc pas mortellement effrayant et risque de décevoir ceux qui cherchent ce frisson qu’ils ont peut-être ressenti dans les épisodes précédents. A l’instar d’un Cloverfield (Matt Reeves, 2008) par exemple, les extra-terrestres belliqueux ne sont finalement qu’un moyen de s’interroger sur ce qui fait notre humanité, ce qui importe vraiment lorsqu’on ne maîtrise plus rien, ce qui nous reste au crépuscule de la vie. Sans y chercher toutefois une quelconque dimension philosophique, on peut, au travers des thèmes sous-jacents que soulèvent deux personnages remarquablement incarnés, y trouver davantage de matière que le pur divertissement sans conséquence d’un film post-apocalyptique générique.


A propos de Jean-Philippe Haas

Jean-Philippe est tombé dans le cinéma de genre à cause d’Eddy Mitchell et sa Dernière Séance, à une époque lointaine dont se souviennent peu d’humains. Les monstres en caoutchouc et les soucoupes volantes en plastique ont ainsi forgé ses goûts, enrichis au fil des ans par les vampires à la petite semaine, les héros mythologiques au corps huilé, les psychopathes tueurs de bimbos et les monstres préhistoriques qui détruisent le Japon. Son mauvais goût notoire lui fait également aimer le rock prog et la pizza à l’ananas. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/ris8C

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