Universal dépoussière un autre de ses Classic Monsters en confiant au duo Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett – responsables des derniers volets de la série des Scream et la franchise V/H/S – une réécriture de La Fille de Dracula (Lambert Hillyer, 1936). Projeté en avant-première dans le cadre du Brussels International Fantastic Film Festival, et visible en salles ce mercredi, Abigail mélange subtilement les genres en ne commettant aucun faux pas. Une sortie à ne pas manquer !
Le Petit D(rat)cula de l’Opera
Dès les toutes premières images d’Abigail, nous sommes amené.es à faire connaissance avec les futur.es protagonistes de l’histoire à travers une belle mise en parallèle : d’un côté, Abigail, une jeune danseuse passionnée en pleine répétition, et de l’autre la bande de malfrats qui orchestrent son enlèvement. Pourquoi voudrait-on enlever une petite fille ? La réponse tient en deux mots : grosse rançon. Il n’en faut pas plus pour convaincre six inconnu.es de mener à bien cette mission. Avant d’aller plus loin, passons en revue leurs profils car, comme dans tout bon film de casse qui se respecte, il faut que la bande soit bien équilibrée pour que le plan fonctionne. On retrouve ainsi le chef ténébreux et assoiffé de pouvoir (Dan Stevens), la mère qui aspire à retrouver son enfant qu’elle a abandonné (Melissa Barrera), le type solitaire et silencieux (William Catlett), le himbo tout en muscle avec un petit pois à la place de la cervelle (Kevin Durand), le bébé hackeur (Kathryn Newton), et enfin l’électron libre/as du volant (le regretté Angus Cloud) – un rôle qui avait par ailleurs eu son heure de gloire avec Baby Driver (Edgar Wright, 2017). Que ce soit au niveau de la répartition des rôles comme du casting, l’équilibre est atteint. Les énergies des un.es et des autres se complètent bien et on prend plaisir à voir leurs relations se développer au long de la narration. Petit détail sympa : l’hommage au Rat Pack dans le choix de leurs surnoms – Joey, Frank, Dean, Sammy, Peter et Rickles – qui vient apporter une petite dimension supplémentaire. N’oublions pas non plus la présence de Giancarlo Esposito dans le rôle du commanditaire de la mission dont le surnom – Lambert – est peut-être aussi un clin d’œil, à Breaking Bad (Vince Gilligan, 2008-2013) cette fois…
Après s’être acquitté.es de leur tâche, nos kidnappeur.euses se dirigent en fanfaronnant vers un manoir abandonné au milieu d’une forêt du Massachussets – un terreau déjà très fertile pour un film d’horreur, qui sera l’unique théâtre des événements qui vont suivre – et se voient expliquer que le reste du job consiste à babysitter l’enfant pendant les prochaines 24 heures en attendant la rançon. Fastoche. En plus, c’est open bar dans le manoir avec nourriture et alcool à volonté ! On a du mal à imaginer ce qui pourrait mal se passer… Vraiment ? Absolument pas. En tant que spectateur.trice, on se réjouit de voir arriver le moment où tout va partir en cacahuète. Abigail nous laisse d’ailleurs entrevoir que ça ne va pas être très joli en s’excusant d’avance auprès d’une de ses ravisseuses pour ce qui va leur arriver à tous.tes. À peine le temps de faire connaissance et de profiter de la soirée que l’électron libre du groupe est retrouvé avec la tête arrachée, pour bien lancer le début des hostilités – et aussi pour bien donner le ton du film : gore et sanglant. Ça jette un froid parmi notre joyeuse bande qui, comme dans tout bon survival, s’interroge alors sur les circonstances du décès. On émet des hypothèses sur la présence d’un violent meurtrier sur les lieux, on s’accuse mutuellement, on crée des alliances, et puis on part à la recherche de réponses tout en essayant de sauver sa peau.
Un événement va venir couper court à leur traque : la soudaine réalisation qu’Abigail n’est absolument pas une petite fille comme les autres. “We kidnapped a fucking vampire. A ballerina vampire.”. Le chat devient alors la souris. S’en suivent de ridicules tentatives de se débarrasser de la gamine au moyen des outils habituels pour repousser les vampires : ail, pieu, crucifix. Rien n’y fait mais on se marre à les regarder galérer, il faut dire que nos criminel.les ne sont pas tous très doué.es. Qui plus est, Abigail est beaucoup trop balèze. Notre quatuor final piégé comme des rats en prennent plein la tronche. Pour elle, d’ailleurs, tout cela n’est qu’un jeu qu’elle organise pour se distraire et pour se venger des personnes qui ont voulu nuire à son père – le terrible Dracula, qu’elle cherche à impressionner. Qui aurait cru qu’une adorable petite fille en tutu se révélerait être une sadique comme Jigsaw ? Le cinéma de genre nous a offert son lot d’enfants maléfiques tels que les iconiques Regan dans L’Exorciste (William Friedkin, 1973), Damien dans The Omen (David Seltzer, 1976), mais on a rarement l’occasion de voir des monstres comme celui-ci.
En parlant de genre, Abigail est donc bien présenté comme un film de vampire, un genre qui a la cote en ce moment avec les sorties récentes de Renfield (Chris McKay, 2023), Le Vourdalak (Adrien Beau, 2023) et Vampire humaniste cherche suicidaire consentant (Ariane Louis-Seize, 2023). Abigail se distingue par son côté ultra graphique et par les quantités de sang qui sont déversées. Tête coupée, visages arrachés, corps qui explosent, piscine de cadavres, il y a définitivement de quoi ravir les fans de gore. Les amateurs d’action ne seront pas non plus en reste car on assiste à de nombreuses bastons très bien chorégraphiées – avec un combat final à la limite du match de catch – ce qui est plutôt logique pour un film dont le personnage principal est une danseuse. Saluons à ce propos la performance d’Alisha Weir, la jeune actrice irlandaise qui a eu le plaisir d’incarner Abigail, aux côtés du casting 4 étoiles cité ci-dessus. J’en profite par ailleurs pour préciser qu’on devrait offrir plus de rôles de vampire à Dan Stevens, à qui les canines pointues vont assez bien. Mais pour en revenir au film, de manière générale, le timing est bien calculé et la tension bien maîtrisée. On passe de rebondissement en rebondissement, ne ressentant jamais de longueur sur les 1h50. Le timing de livraison des punchlines est lui aussi toujours très juste, et aucune d’entre elles ne tombe à plat. L’humour est d’ailleurs un des points forts du scénario, ce qui fait d’Abigail un bon film absolument pas prise de tête à regarder pour se divertir. En tout cas, le public est sorti de cette avant-première avec des visages contents. La collaboration entre Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett semble avoir encore de beaux jours devant elle. Des films comme celui-ci, on en redemande volontiers !