Baby Driver


Qu’il est bon de retrouver Edgar Wright ! Après le capotage d’Ant-Man (2015) où le réalisateur a laissé l’intégralité de son travail préparatoire à Peyton Reed, Baby Driver est annoncé comme successeur du Dernier pub après la fin du monde (2013), ultime volet de la trilogie Cornetto. Construisant sa mise en scène sur le rythme d’une playlist à la fois rétro et endiablée sur fond de film de braquage, Baby Driver est la bouffée d’air frais de cet été, et marque le retour réussi de Wright.

Baby, Baby, Baby oh!

La musique et Edgar Wright ont toujours fait bon ménage. Pour cause le réalisateur met un point d’honneur à allier rythmes endiablés et mise en scène soignée aux petits oignons. La séquence musicale la plus culte de Wright prend place dans le délirant Shaun of the Dead (2005), alors que les protagonistes sont coincés dans un pub encerclés de zombie, un juke-box s’allume tout seul et lance l’emblématique Don’t Stop me Now de Queen. Shaun et ses comparses se mettent alors à dégommer du zombie en rythme, dans ce qui reste l’une des scènes les plus drôles de Wright qui déclare : « C’est presque comme si cette scène était un galop d’essai pour Baby Driver. Tu vois la séquence de Queen dans Shaun of the Dead ? C’est comme ça tout le long du film. » Si Scott Pilgrim vs. The World (2010) jouissait d’un bon nombre de séquences de combat chorégraphié de qualité pour un résultat pop et coloré, Baby Driver est le premier film entièrement chorégraphié du réalisateur. On notera cependant de fortes ressemblances entre le petit dernier de Wright et le clip de la chanson Blue Song qu’il a réalisé pour le groupe britannique Mint Royale en 2002, très similaire à la scène d’ouverture de Baby Driver. Le projet serait-il dans les tuyaux depuis bien plus longtemps que ce que Wright semble prétendre ? Le contraire ne serait pas étonnant.

On y suit donc les (més)aventures de Baby, jeune prodige du volant depuis son plus jeune âge, travaillant à la solde de Doc, organisateur de braquages de banques. Baby est employé comme chauffeur, chargé de semer la police lors de courses poursuites endiablées. Alors qu’il réalise sa toute dernière mission, préparé à reprendre une vie normale et entamer une relation avec la fille de ses rêves, Doc requiert sa participation à un ultime casse, accompagné d’une bande de gangsters instables et violents. Si la scène d’ouverture plus que réussie promet un film décomplexé et léger, le ton s’oriente davantage vers le drame pour prendre une tournure plus sombre, où chaque acte a ses conséquences : un revirement de situation quelque peu déstabilisant, qui met le film le cul entre deux-chaises, sans pour autant le condamner. Baby Driver reste avant tout un très bon divertissement, alliant émotion et action millimétrée au détail près, appuyé par un casting quelque peu inégal. Si on pouvait redouter Ansel Egort que l’on avait vu dans Nos étoiles contraires (Josh Boon, 2014) et la saga de bas étage Divergente (Neil Burger, 2014) et Lily James star du Cendrillon (Kenneth Branagh, 2015) low cost de Disney, les deux héros s’en sortent finalement admirablement, offrant des prestations émouvantes et touchantes. Kevin Spacey reste en second plan dans un rôle qui ne sera pas des plus mémorables, de même que Jamie Foxx en gangster imprévisible et déséquilibré. Baby Driver ne brille pas non plus pour son scénario plutôt banal ou son casting quatre étoiles, mais par sa mise en scène en tout point parfaite. L’ouverture du film est suivie d’un plan séquence impressionnant de Baby marchant dans la rue, écouteurs dans les oreilles, où chaque bruit, chaque parole du quotidien vient parfaitement s’accorder à la musique diégétique. Un univers coloré, énergique, où l’on se retrouve emporté quelque part entre jungle urbaine et univers vintage digne des 50’s.

Baby Driver est donc avant tout un film d’action musical chorégraphié au détail près, où chaque geste accompagne une playlist rock’n’roll. On vit l’histoire à travers les yeux et surtout les oreilles de Baby, atteint d’un acouphène lié à un accident dont il a été victime durant son enfance. Cet acouphène provoque chez lui un bourdonnement permanent et désagréable qu’il compense en écoutant sans cesse la musique de ses multiples Ipods (il en possède un pour chaque émotion). La musique régit la vie de Baby, justifiant ainsi cette mise en scène à la première personne, nous projetant dans les pensées et la vision du monde du personnage, renforcée par l’omniprésence de la musique qui dicte ainsi les émotions et les situations que vit le jeune homme. Wright instaure un amour pour la musique si fort que Baby ressent le besoin de créer des mixtapes à l’ancienne sur une bande analogique en se basant sur des samples de personnes qu’il enregistre dans son quotidien. Un véritable point de vue interne où le ton quelque peu instable du film est finalement justifié par l’état émotionnel changeant de Baby, qui figure dans chaque scène sans exception. Un exercice d’écriture de personnage d’autant plus intéressant qu’un véritable background est développé autour de Baby, nous ballottant entre le comique du personnage et le drame que devient sa vie.

Soyons clairs, Baby Driver n’est pas le chef-d’œuvre ultime d’Edgar Wright. Il n’en reste pas moins que Wright excelle dans l’art de la mise en scène, et gagne son pari d’entièrement chorégraphier un film sans tomber dans l’excès ou l’absurde, nous livrant l’un des immanquables de cet été. Faîtes chauffer vos moteurs et foncez voir Baby Driver !


A propos de Jade Vincent

Jeune sorcière attendant toujours sa lettre de Poudlard, Jade se contente pour le moment de la magie du cinéma. Fan absolue de Jurassic Park, Robin Williams et Sono Sion, elle espère pouvoir un jour apporter sa pierre à l'édifice du septième art en tant que scénariste. Les rumeurs prétendent qu'elle voue un culte non assumé aux found-footages, mais chut... Ses spécialités sont le cinéma japonais et asiatique en général.

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