Road House


Vous regrettez les années 80 ? Amazon Prime Video a décidé de vous faire voyager dans le temps avec sa nouvelle production. Loin de faire oublier Patrick Swayze, ce nouveau Road House (Doug Liman, 2024) ose toutes les outrances et peut s’avérer rigolo à condition de le prendre pour ce qu’il est : un revival des années Cannon.

Jake Gyllenhaal rose nu, en lutteur clandestin, entouré d'un public qui brandit des billets, dans le film Road House.

© Amazon Prime Video

Je mets les pieds où je veux, et c’est souvent dans la gueule

Entre deux épisodes des sagas Die Hard (1988-2013) et L’Arme fatale (1987-1998) le célèbre producteur Joel Silver dégainait Road House (Rowdy Herrington, 1989), un long-métrage reprenant le schéma classique du western dans un contexte contemporain qui ne faisait pas dans la dentelle, récoltant au passage une demi-douzaine de nominations aux Razzie Awards. Pourtant, l’objet a acquis avec le temps un statut de petit film culte – aidé, il faut le dire, par la présence du toujours très sympathique et regretté Patrick Swayze dans le rôle de Dalton, le justicier au grand cœur – tant et si bien qu’il a eu le droit à une suite tardive en direct-to-video, Road House 2 (Scott Ziehl, 2005), et à un remake maintes fois annoncé et reporté. Le voici donc aujourd’hui, toujours produit par Joel Silver, qui arrive sous pavillon Amazon Prime, précédé de deux polémiques sur lesquelles nous reviendrons tant elles infusent ce Road House (Doug Liman, 2024) nouvelle génération. L’histoire est toujours la même : Dalton, un homme sachant se battre est appelé à la rescousse d’un bar routier, les fameux road houses américains où règnent la castagne et le chaos. À la force de ses poings, il va vite faire comprendre aux locaux les plus récalcitrants qu’il n’est pas venu pour cueillir des fraises. Et alors qu’il commence à nouer une relation amoureuse avec une jeune femme du coin, il se rend compte qu’il commence à déranger des gangsters qui avaient d’autres projets…

Jake Gyllenhaal tord le poignet d'un client de son bar s'apprêtant à mettre le bazar ; plan issu de Road House 2024.

© Amazon Prime Video

Rien de nouveau sous le soleil donc, mais de légers changements tout de même qui tendent à inscrire ce remake dans une veine plus nanardesque assumée. Ce Road House tente étonnamment le discours meta en revendiquant une filiation au genre du western à la faveur de dialogues sur-explicatifs. Ce n’est pas l’idée la plus originale qui soit, ça a le mérite toutefois de ne pas se prendre trop au sérieux. Et de fait, le long-métrage de Doug Liman se tourne le plus souvent vers le grotesque voire la comédie pure pour éviter tout quiproquo, là où le film original, encore pris dans la folie des années 80, était moins clair sur ses intentions. Le cinéaste et ses scénaristes ont donc compris et digéré le côté gentiment ridicule de l’œuvre originelle et ne comptent pas faire de la désormais licence autre chose qu’un divertissement bas du front en témoignent les scènes de rixes au bar où la présentation du boss final, « joué » par Conor McGregor, qui versent allègrement dans le second degré réjouissant. De même, en déplaçant l’action en Floride – alors que le film avec Patrick Swayze se déroulait dans le Missouri – ce Road House s’offre un cadre propice à tous les excès visuels en déployant l’action sur les eaux de l’océan pacifique et en troquant les fripes eighties et les mulets contre les chemises hawaïennes. Le projet de Liman s’offre donc une identité et une ambiance propres qui le distinguent de son ainé, mais qui ne l’empêchent pas de sombrer en cours de route.

Tout amusant qu’il soit dans sa façon de représenter une violence décomplexée et rigolarde, Road House interroge en premier lieu sur Doug Liman. Qu’est-il arrivé au talent de celui qui était à la barre de sympathiques bobines des années 2000 comme La Mémoire dans la peau (2002), Mr. et Mrs. Smith (2005) ou encore Edge Of Tomorrow (2014) ? Dans la première aventure de Jason Bourne, par exemple, il avait déployé un véritable sens de la bagarre à l’écran, initiant une violence viscérale que Paul Greengrass allait sublimer par la suite. Comment se fait-il que les bastons de Road House – qui revendiquent pourtant une certaine authenticité – soient à ce point empruntes de CGI dégoulinante ? Il faut voir l’affrontement final entre Jake Gyllenhaal et Conor McGregor pour comprendre à quel point la véracité des coups est quasiment inexistante et noyée dans un déluge d’effets visuels numériques. Et cela rejoint l’une des deux polémiques entourant la sortie du film, Amazon étant accusé d’avoir eu recours à l’intelligence artificielle pour achever la production dans un contexte de grève des acteurs et des scénaristes. Sans vouloir alimenter une controverse qui ne concerne peut-être même pas les séquences de combat, le rendu de ces scènes questionne à tout le moins sur l’investissement physique des comédiens. Plus globalement, le film jouit d’une esthétique lisse et très « numérique », ce qui ne sert jamais une histoire si anachronique.

Un baiser fougueux sur une plage, entre un homme et une femme, cheveux aux vents, dans le film Road House.

© Amazon Prime Video

Malgré la présence de Jake Gyllenhaal qui incarne impeccablement un Dalton devenu combattant de MMA et de Conor McGregor qui n’a peur de rien (surtout pas d’en faire des caisses) Road House pouvait-il prétendre à autre chose qu’une sortie en SVOD ? Il s’agit là de l’autre polémique : Doug Liman aurait signé pour une sortie en salle et a appelé à boycotter le film. Quand on voit le résultat – bien que le cinéaste regrette ouvertement de potentielles nominations aux Oscars (sic) – on ne peut que se dire que la place du long-métrage est bien sur une plateforme où il viendra nourrir les soirées pizzas/bières des amateurs de nanars de luxe et finir sa course au fin fond du catalogue de Prime. En actualisant un film culte qui n’en demandait pas tant, Doug Liman contredit son statut de bon faiseur hollywoodien – il est censé diriger Tom Cruise dans une production tournée réellement dans l’espace – avec un ouvrage qui n’a d’intérêt que son nouveau décor et quelques saillies bien sympatoches. Même les séquences tournées lors d’un véritable évènement UFC, largement mises en avant dès le lancement du tournage et lors de la promotion, déçoivent autant par leur place au sein du récit – elles servent à alimenter un pseudo trauma chez notre héros – que par leur manque d’ampleur esthétique. Pour autant, si on se raccroche à la générosité de bêtise que le long-métrage véhicule à chaque photogramme, ce Road House peut s’avérer plaisant pour les spectateurs en manque des productions Cannon de la grande époque !


A propos de Kévin Robic

Kevin a décidé de ne plus se laver la main depuis qu’il lui a serré celle de son idole Martin Scorsese, un beau matin d’août 2010. Spectateur compulsif de nouveautés comme de vieux films, sa vie est rythmée autour de ces sessions de visionnage. Et de ses enfants, accessoirement. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rNJuC

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