Tokyo Tribe


Vous aimez la violence décomplexée des films où ça tabasse dur ? Vous voulez passer une soirée sous le signe du gangsta rap à la sauce nipponne ? Outbuster a la solution pour vous ! Sono Sion est au rendez-vous avec une comédie musicale nous entrainant le temps d’une nuit dans un Tokyo pris d’assaut par plusieurs gangs dans une guerre fun et burlesque au rythme endiablé de rappeurs pour le moins insolites.

Sono MC Sion

Sono Sion est l’une des figures de proue incontestables du cinéma japonais des années 2000, et ce pour une raison particulière : il n’y a pas un genre que le réalisateur n’a pas expérimenté. Le catalogue d’Outbuster regroupe plusieurs de ces pépites, du thriller Cold Fish (2010) à la comédie ultra-violente Why Don’t You Play in Hell? (2013) en passant par l’érotique Guilty of Romance (2012) dont nous vous avions déjà parlé. Parmi les films les plus décalés et improbables de Sion, Tokyo Tribe (2014) tient une place de choix tant la production d’un tel ovni pourrait paraître improbable. Adapté du second tome de la série de manga Tokyo Tribe parue entre 1988 et 2006, le film s’inspire librement de l’adaptation animée réalisée et scénarisée par Sato Tastuo (connu notamment pour son dessin animé expérimental Cat Soup, 2001), diffusé entre 2006 et 2007. Si l’adaptation live de mangas à succès est tout ce qu’il y a de plus banal au pays du Soleil Levant, rares sont les auteurs à se risquer sur un terrain si glissant. D’une part, car leurs adaptations seront toujours comparées à l’œuvre originale, souvent imitée mais rarement égalée, et d’une autre car la fanbase cumulée autour d’un manga peut être bien trop regardante quant aux détails physiques et scénaristiques qui seront portés sur le grand écran. Si Sono Sion a expérimenté l’adaptation de manga avec le très réussi Himizu (2011), le réalisateur donne un souffle inattendu à cette guerre des gangs où se mêlent violence gratuite, sexe et musique.

Les films de gangsters sont monnaie courante dans le cinéma d’action, en particulier asiatique. Sono Sion tente une percée artistique pour le moins surprenante en choisissant de faire de l’adaptation de Tokyo Tribe une comédie musicale basée sur le gangsta rap et le hip-hop. L’esthétique du film a tout d’un clip sous acide teinté de personnages haut en couleurs qui chacun leur tour viennent prendre part à une narration chantée, ou plutôt rappée. Sono Sion nous propose une plongée dans un Tokyo sans foi ni loi, entre batailles de rue à la dure et kung-fu dans des maisons rhabillée en or du sol au plafond, où chaque détail est soigneusement pensé et mis en scène. Des scènes de boîtes de nuits bling-bling à néons surexposés en passant par les rues tokyoïtes malfamées, Sono Sion transforme la capitale nippone en un clip de rap grandeur nature où les gangs s’affrontent à coup de katanas et punchlines endiablées. Si la photographie peut paraître too much pour les plus sensibles, force est de constater le nombre de plans séquences chantés et chorégraphiés orchestrés par le réalisateur qui par un véritable tour de force impose une maîtrise des codes au summum de ses capacités. Les références aux figures de proue du hip-hop nippon et américain se succèdent, de même que les hommages à des monstres sacrés du genre, que ce soit à travers un costume à la Bruce Lee dans Le Jeu de la mort (Bruce Lee et Robert Clouse, 1978) ou à l’utilisation de meubles humains à la Orange Mécanique (Stanley Kubrick, 1971). Tokyo Tribe n’est pas une simple comédie musicale un peu trop barrée pour nous autres spectateurs occidentaux, mais use d’un mélange des genres décomplexé et absurde pour un spectacle auditif et visuel tout simplement jouissif.

Bien entendu, Tokyo Tribe a ses tares. On déplorera un scénario aux arcs narratifs simplistes et bâclés à l’extrême pour laisser davantage de place aux scènes d’action bien plus inventives et réussies. Le film ne brille clairement pas par sa subtilité, en particulier lorsque la cause de cette guerre des clans se révèle être un concours de bites, au sens strict du terme. Débranchez votre cerveau et laissez-vous porter par les douces mélodies teintées de fuck et autres motherfucker hurlés à tout va. Ça tranche, ça tue, ça chante, ça danse sans aucune retenue, et c’est dans ce joyeux chaos que Sono Sion vient poser sa caméra pour nous livrer une comédie musicale made in Japan comme vous n’en aurez jamais vue.


A propos de Jade Vincent

Jeune sorcière attendant toujours sa lettre de Poudlard, Jade se contente pour le moment de la magie du cinéma. Fan absolue de Jurassic Park, Robin Williams et Sono Sion, elle espère pouvoir un jour apporter sa pierre à l'édifice du septième art en tant que scénariste. Les rumeurs prétendent qu'elle voue un culte non assumé aux found-footages, mais chut... Ses spécialités sont le cinéma japonais et asiatique en général.

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