Hercule 1


Après le film passé complètement inaperçu La Légende d’Hercule (Renny Harlin, 2014) en début d’année, le fils de Zeus revient aux affaires sous les traits du catcheur à la retraite Dwayne « The Rock » Johnson, pour un film inégal et oubliable, mais pas dénué de surprises.

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Je ne suis pas un héros !
(faut pas croire ce que disent les journaux)

Le dernier fait d’armes en date de Brett Ratner était son ignoble segment pour l’ignoble film à sketches My Movie Project – sûrement l’une des pires daubes de 2013. Entre temps, le gars avait quand même réussi à se faire virer de la réalisation des Oscars pour des propos homophobes, une tâche de plus dans la carrière catastrophique de celui qui avait réussi à se mettre les fans de sa propre franchise à dos en livrant un immonde Rush Hour 3 (2006) – dans lequel, souvenez-vous en, Roman Polanski était venu tapiner un gros chèque – et les fans d’une franchise qui n’était pas la sienne avec le tout aussi immonde X-Men : l’Affrontement final (2005), que les fans des super mutants avaient jugé tellement raté qu’ils avaient donné au réalisateur le petit surnom sympatoche d’Antéchrist. Depuis Bryan Singer a rattrapé le coup en inventant une manière très habile d’effacer le film de l’univers des mutants Capture d’écran 2014-09-04 à 13.17.13avec X-Men : Days of Future Past (2014). C’est donc après avoir été humilié, raillé, rayé de la carte, que Brett Ratner revient aux affaires en se prenant pour Zack Snyder en adaptant un roman graphique façon péplum, Hercule : Les Guerres Thraces de Steve Moore.

Soyez informés, si vous n’avez pas encore vu Hercule, ne vous attendez pas à voir le film que vous vend la bande-annonce. En effet, si celle-ci nous tease à grands renforts de scènes de combats et d’effets spéciaux tonitruants ce qui semble être une relecture des fameux douze travaux, sachez qu’en réalité cela n’est qu’un écran de fumée, puisque dès les cinq premières minutes – oui, oui – tout ce qui concerne le Lion de Némée, l’Hydre de Lerne ou le Sanglier d’Erymanthe est torché en trois coups d’épée, servant d’introduction pour présenter la star du cat… euh, la légende qu’est Hercule. Et c’est là toute l’originalité de cette relecture du mythe, puisqu’on y découvre tout au long du film qu’en réalité la légende n’est qu’un tissus de conneries et que The Rock n’est pas suffisamment fort, en vrai, pour tuer tout seul un Lion ou nettoyer les montagnes de merde des écuries les plus dégueulasses de la Grèce antique. On y apprend donc qu’il est en réalité bien aidé par une troupe de potes, qui préfèrent rester sagement dans l’ombre pour entretenir la légende de leur meneur et ainsi Capture d’écran 2014-09-04 à 13.23.07bénéficier, sur les champs de bataille, d’un réel avantage – on comprendra que penser qu’on va se combattre contre le fils de Zeus peut un peu foutre les jetons.

L’originalité de cette relecture du mythe est malheureusement contrebalancée par le fait que passée la révélation – on la comprend très tôt – le scénario en lui-même n’a rien d’original. On peut lui trouver d’ailleurs pas mal de similitudes avec celui du Roi Arthur (Antoine Fuqua, 2004) qui lui aussi travaillait à détruire une légende pour lui donner une nouvelle réalité presque historique. Comme dans Le Roi Arthur où Arthur menait une sorte d’unité spéciale de mercenaires étrangers chargé d’une mission de protection, notre Hercule est ici le leader d’une troupe de fiers bras qui accepte de protéger une cité contre le poids des muscles de Dwayne Johnson en or. Comme dans Le Roi Arthur, ce qui devait être leur dernière mission s’avérera être l’avant-dernière, car comme dans Le Roi Arthur, les mercenaires vont suivre à la vie à la mort leur ami et leader, et l’épauler dans sa dernière bataille. Pire encore, on retrouve des canevas de personnages assez semblables à ceux du film d’Antoine Fuqua. On a la belle archère qui décime à chaque flèche et montre son nombril à l’ennemi, rappelant le personnage de Guenièvre incarné par Keira Knightley dans le film de 2004. L’éclaireur que l’on voit trois fois dans le film, double du personnage de Tristan joué par Mads Mikkelsen sauf qu’il est carrément moins cool. Mais encore, le beau gosse ténébreux qui est Capture d’écran 2014-09-04 à 13.18.12à deux doigts d’abandonner le héros vers la fin, exactement comme Lancelot. Le personnage du semi-sauvage à peine calqué sur celui de Dagonet, avec la même séquence de sacrifice héroïque du barbare. Et enfin, le devin Amphiaraos, ersatz à six sous de Merlin.

Parce que l’intérêt que l’on peut porter au traitement de cette légende connue de tous est très vite désamorcée par une mécanique bien huilée – comme le torse de Dwayne Johnson – on se raccroche, en tant que spectateur, aux seuls moments quelque peu accrocheurs du film que sont les séquences de batailles. Étonnamment, ces dernières échappent à la mode actuelle de la profusion d’effets spéciaux dans ce genre de film, où les héros se battent trop souvent contre des créatures numériques pas souvent du plus bel effet. Pour Hercule, Brett Ratner a au moins réussi à retrouver l’âme des bons vieux péplums – même si c’était aussi le cas… du Roi Arthur d’Antoine Fuqua ! – et s’éloigne délibérément du fantastique, ce qui lui permet de donner un peu de poids et de force à sa relecture anti-héroïque et anti-mythologique de l’histoire du célèbre colosse. Au final, on est quand même obligés de se demander si cette histoire de mission de protection d’une cité était la meilleure idée à traiter pour déconstruire la mythologie d’Hercule. Revisiter l’épreuve des douze travaux pour nous expliquer qu’en réalité Hercule n’aurait pas pu accomplir ses exploits sans l’aide de ses fidèles amis guerriers aurait été peut-être plus intéressant. C’est d’ailleurs ce que semble se dire Brett Ratner au moment du générique, puisque celui-ci propose, dans une animation rappelant le style du roman graphique, la relecture des exploits herculéens avec ces camarades pour l’épauler. Voilà donc un film dont la véritable bonne idée est en fait dans le générique de fin. Bon, je m’arrête là, c’est pas tout, mais je dois aller me refaire l’intégrale de la série avec Kevin Sorbo.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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