En Italie, la science-fiction n’a jamais été monnaie courante dans les productions de série B. En 1961, à une époque où la reconnaissance du bis rital se limitait au succès des péplums à petit budget, à Riccardo Freda et à Mario Bava, qui venait tout juste de connaître un succès non négligeable avec son premier film, Antonio Margheriti fait le pari difficile de s’essayer au genre, d’abord avec l’assez réussi Space Men en 1960, puis avec La planète des hommes perdus, qui bénéficie de la présence du grand Claude Rains.
Starship Bloopers
Après le succès inattendu de son premier film Space Men (tout de même produit par Goffredo Lombardo, président de la Titanus), Antonio Margheriti se voit confier un nouveau projet, une commande pour la Lux Film, autre grande société italienne de production et de distribution. Avec un budget plus confortable que pour son film précédent, Margheriti tourne La planète des hommes perdus, qui relate l’histoire d’une planète déviant dans l’espace et qui menace de s’écraser sur la Terre. Le professeur Benson (Claude Rains), qui ne vit que pour les calculs scientifiques, estime qu’elle ne s’écrasera pas ; il se trouve que la planète se met en orbite autour de la Terre et qu’il s’agit en réalité d’une menaçante invasion extraterrestre.
Si l’on connaît Antonio Margheriti en France, ce n’est que très rarement pour ses films de science-fiction ; pourtant, il s’est illustré à plusieurs reprises dans ce genre en étant l’un des pionniers de la SF italienne. Réalisateur d’une soixantaine de films qui ont parcouru tous les genres et tous les sous-genres de la série B (film de cannibales, western spaghetti, aventure, mélodrame, horreur gothique, spy movie, péplum…), il se distingue par une propension à réaliser des longs métrages au budget très serré dans lesquels il fait preuve d’une indiscutable inventivité en ce qui concerne les effets spéciaux qui lui sont si chers. Malheureusement, si La planète des hommes perdus possède un budget un peu plus important que Space Men, on sent que le film a été pensé pour être réalisé avec bien plus de moyens. Avec un scénario ambitieux qui finit par nous perdre et des effets spéciaux malheureusement bien moins crédibles que ceux de son film précédent, ce second long métrage de Margheriti se regarde malgré tout avec tout le plaisir que l’on peut éprouver devant un film de genre de l’époque, puisqu’il est loin d’être dénué de charme.
Au final, ce sont surtout les personnages qui sont les plus intéressants, car bien que très (trop) bavards, leur omniprésence se distingue par le talent qu’a Ennio De Concini (l’un des scénaristes les plus talentueux du cinéma italien de la grande époque) à construire des personnages très caractérisés et difficilement oubliables. Cela se vérifie bien sûr avec la prestation très excentrique de Claude Rains qui tenait là l’un de ses derniers rôles au cinéma. À noter aussi, la présence de futures légendes du bis italien comme Renzo Palmer (qui est… blond), Umberto Orsini et Giuliano Gemma, future gueule d’ange encore gueule de puceau, dans l’un de ses tous premiers rôles.
La planète des hommes perdus profite d’une exploitation française en DVD, dans une édition disponible dès le 6 mai 2014 chez Artus Films. Si le traitement de l’image est encore perfectible, le nouveau doublage français est très réussi. En plus des galeries photos et des bandes-annonces de rigueur, Alain Petit intervient sur la science-fiction dans le cinéma de Margheriti pendant un peu plus de vingt minutes. Une intervention plutôt intéressante mais qui est parfois gâchée par les digressions du cinéphile ; on ne lui en veut pas, on sait ce que c’est que de parler de cinéma avec passion.