Une troupe de confédérés après la défaite du Sud massacre une tribu Indienne et capture la fille du chef de clan que leur supérieur souhaite faire sienne. S’échappant de justesse, elle s’allie avec un ancien soldat dont la femme fut tuée par des Indiens. Désormais recherchés par les militaires, les deux vont former une alliance improbable pour survivre et découper quelques cuirs chevelus… Restauré et édité par Le chat qui Fume, retour sur Scalps, western spaghetti tardif par le duo Claudio Fragasso/Bruno Mattei.
Scalp ou pas Scalp ?
En 1987, l’âge d’or du western spaghetti est déjà passé depuis des années – sans parler de l’âge d’or du western tout court, achevé presque trois décennies auparavant. Sergio Leone a d’ailleurs déjà réalisé son ultime film, et même Sergio Corbucci est lui aussi en bout de course. C’est pourtant cette année-là que le duo Bruno Mattei et Claudio Fragasso, va tenter de ressusciter le genre avec Bianco Apache, long-metrage également dité ce mois par le Chat qui Fume (et dont on vous avait déjà parlé dans un précédent article) puis Scalps. L’idée de « résurrection » employée ici et dans le synopsis présent sur l’édition Blu-Ray n’est absolument pas innocente. C’est une résurrection oui, mais bien plus dans une veine « Frankenstein » que Christique. Parce qu’ici, comme pour la célèbre créature, les pièces, les cicatrices, les raccords et les coutures, sont bel et bien visibles. Et également comme avec Frankenstein, le résultat final, parfois horrifique, parfois impressionnant, parfois pathétique, parfois les trois, vaut nettement le coup d’œil.
A première vue, rien de bien étonnant dans le synopsis et le scénario de Scalps. Yarin, une jeune indienne, la fille du chef de la tribu (bien sûr) est capturée par un général de l’armée sudiste durant la Guerre de Sécession, qui a auparavant bien pris le soin de massacrer l’entièreté de son clan. Réussissant de justesse à s’échapper, elle va trouver un refuge inattendu auprès d’un fermier, ancien soldat sudiste nourrissant une rancœur certaine pour ses anciens camarades d’armes, et dont la femme semble avoir été assassinée par des Indiens. Ensemble, malgré le rempart culturel et linguistique qui les sépare, ils vont former une bien improbable alliance contre ce sudiste-tyran et son armée.
Tous ces éléments, pris séparément ou assemblés les uns avec les autres, nous semblent tous familiers. Beaucoup du contexte ou des points d’intrigues du récit sont des incontournables du western classique ou spaghetti, que l’on retrouve entre autres dans La Prisonnière du Désert (Howard Hawks, 1952), Bronco Apache (Robert Aldrich, 1954) ou Le Bon, La Brute et Le Truand (Sergio Leone, 1966). Pourtant on aurait bien tort de n’y que voir la copie d’une copie d’une copie. Mattei et Fragasso, tout en reprenant nombres de codes et de schémas éculés du western, arrivent tout de même à y imprimer également une sorte d’étrangeté, un grain de sable dans le rouage de ce qui nous semble si familier. L’illustration parfaite de ce processus de déconstruction et détournement des codes établis trouve certainement son paroxysme dans le final. On ne peut guère trouver figure plus ressassée qu’un “duel final au soleil” dans un western, mais Scalps y insuffle un nouveau genre de violence, confinant parfois à du torture porn, préfigurant d’une certaine façon ce que deviendra le western contemporain à l’aune de l’horreur des années 2000, on pense notamment beaucoup au Bone Tomahawk de S. Craig Zahler dans les élans jusqu’au-boutiste, violents et radicaux du duo Mattei/Fragusso.
Comme d’habitude, l’édition proposée par Le Chat qui Fume est proche de de la perfection. Adjoint à une très belle copie haute définition, on pourra apprécier un très long et passionnant entretien (40 minutes) avec l’un des réalisateurs, Claudio Fragasso. Un bien bel hommage pour cette production si singulière et de surcroît rare, qui, si l’on outrepasse ses dialogues parfois peu inspirés et certaines scènes un poil racoleuses, ce qui rappelle tout de même son statut de série B (mais cela n’est pas un gros mot) le long-métrage parviendra à captiver à condition de s’intéresser à l’histoire de ce genre et à la place singulière qu’il y occupe.