Why Don’t You Just Die


Avec un peu de retard, on revient le temps d’une critique sur le grand gagnant du PIFFF 2019, l’ovni loufoque Why Don’t You Just Die du russe Kirill Sokolov qui sort en VOD sous l’égide de Wild Side.

Andrei les yeux exorbités, face caméra, du sang sur la tempe gauche, en fond un tapis en moquette aux motifs viellots, scène du film Why don't you just die.

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Meurs, papa, meurs !

Présenté en compétition lors de l’édition 2019 du Paris International Fantastic Film Festival en décembre dernier, Why Don’t You Just Die (Kirill Sokolov, 2020) a conquis les jurés et le public en remportant l’œil d’or du meilleur long-métrage international et le prix des lecteurs Mad Movies, avec en prime le réalisateur Kirill Sokolov comme invité spécial présent durant le festival. Quelle joie pour le jeune homme de se voir décerner autant de prix pour son premier long-métrage ! Scénariste, réalisateur, monteur, Sokolov a endossé toutes les casquettes pour aboutir à un travail particulièrement détonnant, après avoir déjà bossé auparavant sur de nombreux courts. Étonnamment soutenu par le ministère de la culture en Russie (étant donné la violence de l’objet), le réalisateur expliqua lors de sa session questions-réponses qu’il a été le premier surpris de cette indulgence, mais qu’il était encore plus surpris que l’engouement autour de Why Don’t You Just Die en festivals eut motivé le ministère de la culture russe à soutenir son prochain projet. Pourtant, Sokolov ne cache pas son désir de se différencier du cinéma russe qu’il qualifie de « monochrome » : il a donc voulu en prendre le contrepied stylistique en employant des couleurs vives, voire saturées, afin de rendre le film plus « excitant », tout en avouant avoir été fortement inspiré par le cinéma sud-coréen. Il serait en effet difficile de ne pas remarquer l’influence de Park Chan-wook (Old Boy, 2003) ou même des Kill Bill de Quentin Tarantino (2003-2004) sur cette comédie horrifique qui ne fait clairement pas dans la dentelle.

Un homme chauve au milieu d'un salon lance une vieille télévision cathodique, scène du film Why don't you just die.

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Quand Matvei (Alexander Kuznetsov) se pointe chez les parents de sa copine pour en découdre avec son père soi-disant abusif, Andrei (Vitaliy Khayev), à coups de marteaux, il est bien loin de se douter que le chef de famille ne se laissera pas abattre si facilement. Policier véreux et archétype physique du méchant russe, Andrei riposte et envoie valser le jeune Matvei dans des effluves de sang qui n’ont rien à envier aux cinéastes précédemment cités ou les pires films gores. Commence alors un huis clos haletant dans l’appartement des parents où les deux hommes s’affrontent en se balançant des télévisions en pleine tête ou en s’entaillant les jambes à la perceuse. On nage dans l’exagération la plus totale : les personnages ne cessent de se relever malgré leurs blessures fatales, d’où le titre, pourquoi est-ce que tu ne meurs pas ? Encore une fois l’inspiration sud-coréenne se fait ressentir face à la multitude de genres et sous-genres avec lesquels le long-métrage s’amuse, invoquant le western avec ses combats en duel mais aussi le torture porn tant il prend un malin plaisir à mettre en scène les pires sévices inimaginables (ou splatterpunk, appellation qui fait référence aux giclés de sang), et même le policier avec la sous-intrigue du père et de son collègue à la tête d’une manigance judiciaire. Sokolov est capable de jouer admirablement sur plusieurs tableaux au sein d’une seule et même séquence, tout en faisant le choix judicieux de découper son film en plusieurs parties, dédiées à différents personnages, une manière d’élargir les perspectives d’un métrage qui se serait autrement apparenté à un court-métrage rallongé.

L'acteur Aleksandr Kuznetsov est assis sur un canapé un sourire un coin, il porte un sweat à capuche Batman tâché de sang, en fond un papier peint vert viellot, en partie déchiré, scène du film Why don't you just die.

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Le découpage casse volontairement le côté cartoonesque pouvant vite lasser les spectateurs peu habitués à l’humour noir et décalé des comédies horrifiques. Il faut avouer que Why Don’t You Just Die démarre fort avec un montage énervé, une bande son ahurissante et une extrême violence qui malgré une légère atténuation par-ci par-là, continueront de rythmer le film jusqu’à la fin. Clairement destiné à un public niche ou de festival, le long-métrage ne séduira pas de larges foules tant il exploite le grotesque et le gore sans aucune demi-mesure. Si on ne discute pas les goûts et les couleurs de chacun, il faut aussi savoir rester objectif quant à la qualité de cette petite pépite à l’ambiance électrique. Comment ne pas compatir avec Matvei que le réalisateur décrit comme « un chevalier noir » qui voudrait rendre justice par amour mais se retrouve empêtré dans une situation familiale qui le dépasse totalement ? Le côté loufoque de Why don’t you  just die ? n’enlève rien à la réflexion dramatique que Sokolov invoque sur la société russe contemporaine, les relations familiales et amoureuses superficielles, et surtout l’avidité pour l’argent. Si au premier abord le film peut sembler unidimensionnel, les révélations et renversements progressifs amènent le spectateur vers un scénario bien plus construit qu’il n’y parait. Pour ceux qui adorent ce sous-genre, vous serez ravis d’apprendre que Wild Side se chargera de la distribution en France, et que le film sera en effet disponible en VOD et achat digital dès le 13 mars. 

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A propos de Emma Ben Hadj

Étudiante de doctorat et enseignante à l’université de Pittsburgh, Emma commence actuellement l’écriture de sa thèse sur l’industrie des films d’horreur en France. Étrangement fascinée par les femmes cannibales au cinéma, elle n’a pourtant aucune intention de reproduire ces méfaits dans la vraie vie. Enfin, il ne faut jamais dire jamais.

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