Deux Japons parallèles interagissent à coup de tentatives d’assassinats et de cyborgs… L’originalité n’est pas forcément le maître-mot dans ce premier long métrage de Yuhei Sakuragi intitulé Les Mondes Parallèles, mais l’efficacité est au rendez-vous.
La Guerre des Mondes Animes
Voilà six ans que le légendaire Studio Ghibli, fondé par Hayao Miyazaki et Isao Takahata a sorti son dernier film en date Le Conte de la Princesse Kaguya (Isao Takahata, 2014), et quatre ans que Your Name (Makoto Shinkai, 2016), est devenu un succès planétaire. Le vide laissé par le Maître et le triomphe de l’animation japonaise pourrait laisser penser qu’il existe bel et bien une place à (re)prendre pour ce genre sur la scène cinématographique mondiale et française. Pourtant, c’est une crise du renouveau qui est pointée lorsque l’on évoque l’animation japonaise. Seuls Makoto Shinkai et Mamoru Hosoda – avec rétrospectivement Les Enfants Loups (2012) et Le Garçon et la Bête (2015) – semblent s’être réellement imposés en France. Qu’en est-il alors de cette nouvelle proposition, portée par un nouveau studio ?
Les Mondes Parallèles est bien une proposition neuve, c’est le premier long-métrage de Yuhei Sakuragi, plus connu jusqu’alors pour avoir officié sur des séries. Il a auparavant travaillé sur Hana et Alice Mènent l’Enquête (Shunji Iwai, 2015), animé un peu hybride puisqu’il est un prequel d’un film sorti dix ans plus tôt, tourné en prise de vue réelle. Ce nouveau projet est également hybride, puisqu’il repose sur un style d’animation ressemblant à une 2D « classique » d’anime japonais, mais avec une modélisation 3D des personnages. Et s’il y a bien quelque chose d’amusant c’est bien les personnages, qui existent quasiment tous en deux exemplaires. C’est ça le grand concept du scénario, des scientifiques Japonais, après la Seconde Guerre Mondiale, ont encore joué avec l’atome (ils auraient pu apprendre la leçon après Godzilla tout de même…), et provoqué une fissure de l’espace-temps, créant deux mondes parallèles. L’un « normal », l’autre où le Japon est devenu un état totalitaire. Vous l’aurez deviné, les grands quiproquos viendront principalement de cette scission. C’est rapidement une dynamique rappelant l’intrigue de Terminator 2 (James Cameron, 1991) qui s’installe ainsi, à base de tentative d’assassinats dans un monde, pour influer sur les deux à la fois. Qui plus est ce sont des cyborgs qui tentent de tuer et/ou de protéger les protagonistes. Ces ressemblances fortes ne gênent pas pour autant quand le long-métrage est aussi fortement ancré dans les codes de l’anime Japonais, tant dans l’esthétique que dans la caractérisation des personnages. Les cyborgs ne sont donc pas des T-800 body-buildés autrichiens mais des jeunes femmes à l’esthétique gothique – un classique de l’anime s’il en est. En plus d’être les combattantes, elles servent également de comic relief plutôt efficaces. Ce mélange singulier est à la fois familier et détonnant, et surtout assez efficace.
Si le résultat est amusant, rester trop dans la convention anime est aussi parfois limitant pour Les Mondes Parallèles. Sortir des techniques d’animation classiques pour aller vers une image de synthèse, c’est louable si cela produit une réelle différence à l’écran. Or, passé les premières minutes où cette animation particulière est quelque peu ressentie, la technique est rapidement oubliée. Les plans sont assez fixes à l’instar de l’animation « classique », et le style visuel ne se démarque pas du reste de la production d’anime japonaise des années 2010, notamment en ce qui concerne le chara-design (traits anguleux, couleurs des yeux et des cheveux très marquées). Finalement, c’est comme cela qu’on peut qualifier Les Mondes Parallèles : familier et divertissant, tant dans son style que dans son scénario, il n’est certainement pas aussi fort ou innovant que Le Voyage de Chihiro (Hayao Miyazaki, 2001) ou Your Name (Makoto Shinkai, 2016), mais on y trouvera des scènes d’action sympathiques et quelques punchlines bien senties, et quoi qu’on en dise, c’est déjà pas mal.