Wedding Nightmare


Pot-pourri de tout ce que le cinéma d’horreur américain aime recycler, Wedding Nightmare (Tyler Gillett et Matt Bettinelli-Olpin, 2019) en divertira certains et en consternera d’autres.

Samara Weaving armée dans Wedding Nightmare (critique)

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Un mariage et quatre enterrements

La campagne marketing de grande ampleur pour Wedding Nightmare (2019) promettait l’un des films d’horreur les plus divertissants de l’été, aux côtés de Scary Stories (André Ovredal, 2019) qui fait quand même nettement plus peur, d’où le titre, mais on vous en reparlera bientôt. Distribué par Walt Disney Studios (c’est drôle, non ?) l’objet est réalisé par Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett qui ont notamment tous deux participé aux films collectifs V/H/S (2012) et Southbound (2015). Ryan Murphy fait quant à lui partie des scénaristes ce qui est relativement peu étonnant quand on connait son penchant pour l’horreur et la comédie – officiant sur des séries comme American Horror Story (2011-en production) ou Scream Queens (2015-2016). Ce qui est d’autant plus étonnant, c’est que c’est justement le scénario qui tourne vite au vinaigre dans ce Wedding Nightmare… L’histoire est celle de Grace (l’excellente Samara Weaving) qui se voit dans l’obligation de participer à un jeu de cache-cache avec sa belle-famille très riche et très étrange le soir même de son mariage. Son mari Alex (Mark O’Brien) la rassure : « c’est une petite tradition ridicule, t’inquiète ». Sauf que non. La pauvre va se faire traquer toute la soirée à coups de fusil de chasse et arbalète. Mais pourquoi donc ? Parce que les riches sont malsains et sans pitié ? Possible. Mais ils ont surtout besoin de sacrifier la nouvelle venue dans un rituel satanique afin d’honorer l’homme qui leur a permis de bâtir leur grand empire de jeux de société. Ça sent le gros n’importe quoi dès le premier tiers du récit, et les incohérences vont continuer de pleuvoir à grosses gouttes, à peine masquées par le ton lourdement humoristique de chaque scène.

Samara Weaving dans Wedding Nightmare (critique)

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Difficile de catégoriser Wedding Nightmare au premier abord : un thriller où il y aurait quand même beaucoup de scènes gores ? Un film d’horreur comique ? Une comédie d’horreur ? On pencherait plutôt pour cette dernière catégorie, tant le film repose sur l’humour noir et… sur malheureusement rien d’autre. Wedding Nightmare est superficiel, avec des personnages creux, au grand dam d’Adam Brody et Andie MacDowell qui auraient quand même beaucoup plus à offrir. D’un point de vue technique, la saturation des couleurs se prête assez bien à la grande bâtisse sombre où se déroule le jeu, mais s’avère au final inesthétique et vraiment peu flatteuse pour les acteurs. C’est d’ailleurs dommage que les recoins de la maison n’aient pas été mieux exploités dans cette partie de cache-cache morbide ; on voit et revoit Grace courir dans les longs couloirs sans jamais être repérée, ce qui peut paraitre bizarre étant donné le concept du jeu, mais ce qui reflète surtout l’incompétence générale des membres de la famille. La narration se base justement sur leur incapacité à manier correctement les armes, leur manque de cohésion et leurs névroses, pour créer des répliques cinglantes et des scènes de meurtres toutes plus grotesques les unes que les autres. Si certains spectateurs riront à gorge déployée devant toute cette hémoglobine versée si maladroitement, et n’auront pas d’autres attentes que d’être tout simplement divertis, d’autres passeront leur temps à chercher l’intérêt au-delà du grotesque pur et dur. Il n’y a peut-être pas ou peu d’intérêt de plus, et c’est ça le problème.

La belle-famille sataniste du film Wedding Nightmare (critique)

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Si on le compare à d’autres comédies d’horreur comme Tragedy Girls (Tyler MacIntyre, 2017) qui dénonce le désir de notoriété malsain des adolescents, ou même à des films d’horreur teintés d’humour comme Get Out (Jordan Peele, 2017) où le personnage comique de Rod n’enlève rien à la gravité raciale du sujet, Wedding Nightmare n’a pas grand-chose à dire. On ne peut même pas parler de comédie noire sur les riches car cet aspect social n’est pas suffisamment poussé pour être exploitable, contrairement à The Hunt. The Hunt, c’est ce film d’action/horreur dont Universal a finalement décidé d’annuler la sortie suite à l’éternelle polémique des armes à feu aux États-Unis, relancé par les tueries des 3 et 4 Août à El Paso (Texas) et Dayton (Ohio) qui ont fait 31 morts et plus de 50 blessés. Dans le long-métrage, un groupe de “pauvres” se fait chasser au fusil façon Battle Royale (2000) ou Hunger Games (2012), mais exclusivement par des riches. Autant dire que Donald Trump et ses amis conservateurs républicains ont naturellement tout fait pour enfoncer le film et accuser au passage The Hunt d’incitation à la violence, en témoigne ce tweet du président américain : “Le Hollywood de gauche est raciste au plus haut point, avec beaucoup de colère et de haine. Ils aiment se désigner comme “l’élite”. Mais ils ne sont pas “l’élite”. En réalité ce sont les gens auxquels ils s’opposent si fortement qui sont réellement l’élite. “The Hunt” ne vise qu’à enflammer et entraîner le chaos. Ces gens créent leur propre violence et essaient de blâmer les autres. Ce sont eux les vrais racistes, et ils sont mauvais pour notre pays !”. Si Wedding Nightmare a réussi à passer entre les mailles du filet malgré sa violence, c’est notamment grâce à son humour potache et son manque évident de charge satirique. Cette production n’est pas faite pour être prise au sérieux, tant mieux pour les spectateurs qui s’en satisferont, mais pour les autres qui en ont ras le bol du recyclage de final girl qui va survivre à coup sûr et des rituels sataniques sans queue ni tête, il vaut mieux passer son chemin…


A propos de Emma Ben Hadj

Étudiante de doctorat et enseignante à l’université de Pittsburgh, Emma commence actuellement l’écriture de sa thèse sur l’industrie des films d’horreur en France. Étrangement fascinée par les femmes cannibales au cinéma, elle n’a pourtant aucune intention de reproduire ces méfaits dans la vraie vie. Enfin, il ne faut jamais dire jamais.

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