You’re Next 3


A ce moment de la compétition, on a peur : sur neuf films, cinq ont déjà été présentés ; sur ces cinq films, un seul était vraiment bon. You’re Next est le sixième film en compétition, celui qui peut faire tout basculer : s’il est bon, cela laisse de l’espoir pour le reste des films à venir. S’il ne l’est pas, il y aura donc définitivement une majorité de mauvais films à l’affiche de la compétition des vingt ans du festival de Gérardmer.

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Ma famille d’abord

Personnellement, j’avais complètement oublié le sujet du film, et j’ai préféré ne pas le relire avant le début de la séance, histoire de garder le suspense et d’être éventuellement surpris, sait-on jamais. Mais You’re Next, en quelques mots, c’est l’histoire d’une bande de tueurs masqués, armés de haches et d’arbalètes, qui viennent troubler – c’est le moins que l’on puisse dire – la réunion de la famille Davison. Sauf que ces tueurs sans pitié ne s’attendaient sûrement pas à ce qu’ils tombent sur quelqu’un de plus malin et de plus courageux…

Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, Adam Wingard est un réalisateur indé dont le genre de prédilection est l’horreur. Jusqu’à maintenant, il a surtout réalisé des courts métrages, quelques longs, et est très proche du mouvement mumblecore dont son ami Joe Swanberg, acteur dans You’re Next, est l’une des figures de proue. Petite parenthèse pour présenter le mouvement mumblecore, qui mérite d’être bien plus connu et distribué au-delà des States : apparu il y a une dizaine d’années avec le film Funny Ha Ha, ce mouvement particulier et minoritaire au sein du cinéma indépendant américain s’inspire beaucoup de l’œuvre de Cassavetes, Ferreri, Von Trier aussi (personne n’est parfait), et qui repose sur une vision naturaliste (au sens zolien du terme) du quotidien, dans des films joués par des acteurs majoritairement non-professionnels. Les deux seuls exemples sortis chez nous sont l’excellent Humpday de Lynn Shelton, et Jeff, Who Lives at Home des frères Duplass (même si, déjà là, l’appartenance au mouvement mumblecore est contestable, du fait de son casting professionnel).

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On retrouve justement un peu de cette influence dans You’re Next, à travers les dialogues du repas de famille notamment, bien écrits, très crédibles et souvent drôles. C’est d’ailleurs une force majeure au niveau des dialogues : faire prendre du recul au spectateur en installant cette situation à priori commune, grâce à des dialogues tellement réels que l’on finit par en rire. C’est clairement son côté hérité du mumblecore qui repose là-dedans, mais Adam Wingard fait prendre une toute autre direction à son film. On sait que ça va péter, on ne sait juste pas quand ; et ça, c’est son côté horrifique. Il y a bien longtemps que le film de home invasion n’est plus représenté dignement (les deux derniers bons films de ce sous-genre sont Panic Room et The Strangers, qui datent respectivement de 2002 et 2008, ce qui commence un peu à dater), et Wingard réussit à réconcilier le public avec un long métrage particulier, qui surprend parfois, mais surtout, qui repose beaucoup sur le côté fun de la chose.

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Le réalisateur offre des rebondissements pas très novateurs, mais correctement amenés, et surtout, il renverse totalement la situation après une petite heure de film, alors que la plupart des membres de la famille Davison sont morts. C’est Erin, la fiancée du fils aîné des Davison (jouée par la charmante actrice australienne Sharni Vinson), qui va prendre les choses en main, et se révéler elle-même plus dangereuse que les tueurs. Et au lieu de traiter cela comme l’ont fait Peckinpah ou Michael Winner en leur temps, c’est-à-dire de manière très sombre et presque nihiliste, Adam Wingard offre un pur moment de défoulement pour le personnage, mais aussi pour le spectateur, qui s’éclate à voir des gens se faire éclater à leur tour. Ce qui est un peu dommage, c’est qu’Adam Wingard se perde parfois lui-même dans son film, et l’on ne sait plus toujours où s’arrête le premier degré et où commence le second. C’est parfois gênant, mais on lui pardonne tant il offre un vrai moment de divertissement où tout l’ennui éprouvé lors des séances précédentes est déjà oublié. Un soulagement, qui a droit à une sortie chez nous le 4 septembre prochain.


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.


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