The Cured


Non, être un zombie ne signifie plus spécifiquement être mort. Même si l’appellation inaugurale du mort-vivant indique explicitement qu’un résidu de vie existe encore en leur sein, il fut rare dans l’histoire du cinéma de voir des macchabés en marche revenir à leur existence initiale. C’est à présent chose faite. Et malheureusement pas pour le meilleur.

A cure d’idées ?

Si nous ne croisons pas beaucoup de zombies dans les cinémas pour l’instant cette année – à l’exception peut-être de La Nuit a Dévoré Le Monde (Dominique Rocher, 2018) sorti dans l’intimité de nos salles les plus obscures – il en est tout autre pour les domaines de la VOD et des DTV. Du très mauvais Day of The Dead : Bloodline (Hèctor Hernández Vicens, 2018) – remake du cultissime Day of The Dead du très regretté George Romero (1985) – en passant par Mayhem (Joe Lynch, 2017) – où les déçus de The Walking Dead peuvent continuer de voir Steven Yeun défoncer du contaminé à tour de bras dans une ambiance Planète Terreur (Robert Rodriguez, 2007) huis clos un peu poussif – jusqu’au dernier Cargo (Ben Howling & Yolanda Ramke, 2018) sorti il y a quelques mois sur Netflix. Le dernier en date, The Cured, premier long-métrage de l’inconnu David Freyne, sorti en DVD très récemment – mais que j’ai eu l’occasion de voir au festival Hallucinations Collectives à Lyon en avril dernier – fait directement suite au court-métrage The First Wave (2014) du même réalisateur. Ce court de six minutes – visionnable ici – nous faisait vivre le réveil tourmenté d’une jeune femme, première patiente soignée d’une apocalypse zombie datant déjà de quelques temps. Une première donc dans la très riche histoire de ce que j’appelle la zombixploitation, nos braves morts-vivants seraient capables d’être traités et pourquoi pas de reprendre une vie tout ce qu’il y a de plus normale. C’est cette idée que reprend The Cured – littéralement, Les Traités – déroulant sa trame quelques années après l’affliction mondiale d’une infection dégénérative appelée Maze rendant les sujets à celle-ci absolument ivres du sang de leurs congénères. Un traitement mis en route plus tard et ce n’est pas moins de 75% de la population des infectés qui sont susceptibles d’être traités, alors que 25% d’entre eux demeurent « incurables ».

Il nous est donc, en début de récit, permis d’assister à un semblant de retour à la civilisation de certains de ces infectés, étant traités et libérés de cette entre-vie destructrice. Mais ce n’est bien évidemment pas sans poser certains problèmes, ceux-ci étant systématiquement rejetés par la majorité de la population ayant subi durant des années le joug de ces anciens assoiffés d’hémoglobine. Anticipant de véritables manifestations anti-zombies sous forme de racisme ordinaire et de ségrégations quotidiennes, le début du film se pose en moralisateur d’épisodes sociétaux et politiques bien trop évidents à l’œil du spectateur, entre crise des migrants et dérives de la droite radicale. Les premiers instants mettent d’ailleurs le personnage principal, Senan, joué par Sam Keeley – croisé dans Anthropoid (Sean Ellis, 2016) ou Jadotville (Richie Smyth, 2016) – face à l’image archétypale de l’ordure militaire, haineux et prêt à tout pour nuire à ce qu’il appelle ces « vermines », ces « animaux ». Mais tout n’est pas forcément gris dans cette société nord-irlandaise gravement traumatisée – rappelant par certains aspects et surtout par les teintes d’images post-apo dépressives et suintantes Les Fils de l’Homme (Alfonso Cuaron, 2006) – et certains humains non contaminés savent encore faire preuve de bienveillance, à l’instar d’Abbie – jouée par une Ellen Page au visage fatigué – la belle-sœur monoparentale de Senan, qui décide de l’accueillir contre toute attente dans ce qui est son ancienne demeure, et ce même sous peine de brimades et de mépris. La grande première partie du métrage s’affiche donc comme une réponse proposée à l’idée d’une réinsertion de ces post-zombies, meurtriers malgré eux, rejetés majoritairement par leurs pairs et désignés à l’écran comme victimes de cette société malade, pensant difficilement ses plaies. Il faut soulever que le retournement de situation ici est habile, changeant drastiquement les notions habituelles de victimes – bourreaux des séries B zombiesques dont on a l’habitude.

Seulement, après cette phase de victimisation massive où le film s’étend dans certaines mollesses – la tendance à laisser s’échapper l’attention est prégnante – et des propos moralisateurs trop exposés, on passe à une phase où les complots et machinations des Traités luttant contre ces humains oppressants se font de façon infiniment trop prévisible. On découvre que les humains mettent en place l’éradication prochaine de tout les infectés dits « incurables », et que bien trop hâtifs de se débarrasser de la vermine pour éviter une ré-apocalypse, ils se mettent à dos une des principales scientifiques du programme, en charge de l’élaboration d’un traitement plus efficace et passant donc du côté post-zombie-révolutionnaire. On passe aussi de manière trop succincte sur la notion d’ubiquité intérieure des Traités, Senan affrontant son passé d’infecté – grâce à quelques flash-back épileptiques et tout en jump-scare, seuls moments dynamiques de cette première partie – en même temps que l’on découvre que son ami Conor – ici aussi personnage assez caricatural du mâle alpha, manipulateur et ex-homme politique subjuguant aisément les foules – avait arrêté très tôt de combattre le zombie à l’intérieur de lui. Comme si les deux entités avaient le pouvoir de survivre ensemble à jamais après l’infection, l’humain ne reprenant le dessus sur son enveloppe charnelle qu’après traitement tout en gardant un instinct primitif et explosif. En d’autres termes le réalisateur divague d’idées en idées, cherchant continuellement à enrichir son récit et extraire du neuf dans le vieux grâce à son inspiration débordante, quitte à perdre totalement son spectateur.

Pourtant, après les complots et la révolte totale des Traités, le récit passe très vite du thriller psychologique plus ou moins intéressant au film d’action survival-zombie frénétique, sorte de 28 jours plus tard (Danny Boyle, 2002) trop pressé d’en finir. Comme si David Freyne s’était rendu compte en plein milieu de tournage que son film commençait à trop pousser sur le réflexif, qu’il s’emmerdait lui-même et qu’il y allait manquer d’action virevoltante pour un long-métrage de genre. On ne se rend que trop bien compte du manque de temps pour mettre tout ce qu’il voulait dans ses 95 minutes d’allocations visuelles. Et c’est bien là que surgit la difficulté. En voulant trop en mettre, en prenant trop son temps, la pellicule finit par se consoler sur une conclusion accélérée et bourrée des poncifs du genre, entre éruption de violence et rythme volcanique – et les petites pointes de faux suspens qui ne fonctionneront malencontreusement jamais. Au final c’est un bilan très mitigé qui prédomine après mes deux visionnages de The Cured tant l’objet ne parvient pas à contenter mon expectative d’un zombie nouveau et assez intéressant. Seule l’humeur grisâtre nord-irlandaise subsistera à la péroraison d’une pellicule aussi terne que sa photographie.

 


A propos de Willys Carpentier

Son prénom n’est pas une référence cinéphile au Bruce que l’on connait tous, même s’il partage son nom avec son idole absolue, John. Sa passion pour le cinéma qui fait pas genre découle de celle qu’il a pour le Death Metal, elle fait peur et est pleine de saturation et d’hémoglobine et ce même si plus jeune, il ne décrochait pas de Peter Pan. Enfin, fait intéressant, il porte une haine sans égards pour Woody Allen.

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