Joe Lynch signe le coup d’envoi de la 23ème édition de l’Étrange Festival avec la projection en avant-première de son petit dernier Mayhem. Revisitant l’infection virale à travers un virus qui supprime toute notion de décence et de retenue à son hôte.
Joe Lynch voit rouge
C’est avec une petite retenue qu’est accueilli le dernier film de Joe Lynch, cinéaste très discret œuvrant majoritairement dans l’horreur, notable pour la réalisation du deuxième volet de Détour Mortel (2007). Après s’être essayé au thriller d’action avec le passable Everly (2015), le réalisateur se tourne à nouveau vers l’horreur avec Mayhem. On y suit les mésaventures de Derek Cho, avocat dans une grande firme, qui se fait renvoyer après être volontairement porté responsable d’un dossier mal géré. Alors qu’il s’apprête à quitter la société, le building est mis en quarantaine, la présence d’un virus très particulier ayant été détecté dans les locaux. La maladie infecte l’ensemble des employés, qui se voient supprimer toute notion de décence en libérant leurs pulsions violentes et sexuelles. Le fait est que les victimes de ce virus ne sont pas portées responsables de tous les actes de violence qu’ils commettront durant la quarantaine (meurtre compris), laissant ainsi à Derek huit heures pour se venger des supérieurs hiérarchiques ayant prémédité son renvoi. Si le fameux virus est au centre du film, sa mythologie est si mal amenée et expliquée que l’on ne comprend pas grand-chose à ses effets. À aucun moment il n’est précisé ce qui se passe après la quarantaine ou même pendant, et quel type de remède est mis en place pour la guérison des infectés (car apparemment il en existe un). La narration se fait en grande partie par la voix-off de Derek, ce qui laisse comprendre qu’il a survécu à la quarantaine, et amenant ainsi à une fin bien trop prévisible. On se retrouve pris au dépourvu devant ce virus qui paraît agir au besoin du scénario, et n’assume pas vraiment l’effet escompté sur les personnages. En effet, Mayhem s’ouvre sur une scène de chaos dans une salle de réunion, où l’on voit des employés sans aucune retenue s’entre-tuer, se battre et forniquer à tout va. Il est donc surprenant de voir pendant le reste du film des personnages dont beaucoup ne tombent pas du tout dans la rage promis par ce prologue, et qui semblent plutôt bien maîtriser les symptômes présentés comme ingérables. Peu à peu, on oublie cette maladie imaginaire qui ne sert qu’à justifier des scènes de bastons à coup de pistolet à clous, de ciseaux et de marteaux.
Le film porte une narration très classique largement inspirée des scénarios de jeux vidéo : pour atteindre chacun de ses supérieurs, Derek doit se déplacer uniquement via un ascenseur requérant une clé et un numéro d’accès pour parvenir à l’étage suivant, détenus par les supérieurs. Ainsi, chaque antagoniste fait office de boss de niveau, jusqu’au boss final et la récompense ultime. Une narration certes appréciable (bien maîtrisée par exemple dans le délirant Scott Pilgrim d’Edgar Wright, 2010), mais qui s’essouffle au bout de vingt minutes tant les issues de ces combats sont prévisibles et répétées. Ne reste alors à Mayhem que de longues scènes de discussions, dont une introduction très bavarde où les méchants sont cruels et manipulateurs, les gentils sont des victimes, bref, rien de nouveau sous le soleil. Le film parvient à être appréciable grâce à la mise en scène de Joe Lynch, accrocheuse durant la première heure, mais tombant trop facilement dans l’excès. Sanguines et très rythmées, les séquences de combats sont néanmoins amusantes à voir et satisferont l’impulsif qui sommeille en chacun de nous. On notera cependant une multitude de faux raccords, du plus discret au scandaleusement remarquable, qui gâcheront le plaisir des spectateurs les plus tatillons. Ceux qui passeront au long-métrage ses imperfections devraient apprécier ce huis clos inventif dans ses scènes d’action et généreux sur l’hémoglobine. Mayhem est en grande partie aussi sauvé du naufrage par son casting très impliqué et se libérant totalement devant la caméra de Lynch. Le très populaire Steven Yeun (The Walking Dead, Okja) porte le film à lui tout seul, et livre une performance impressionnante et fun. Accompagné d’un Steven Brand au top de sa forme et de la déroutante Caroline Chikezie, on regrettera que la partenaire de Yeun, Samara Weaving, se retrouve très limitée par son personnage de bimbo vengeresse blonde et clichée.
C’est un départ en demi-teinte pour l’Étrange Festival qui en aura laissé plus d’un indifférent avec un film au concept fun et gore mais au scénario bien trop bancal pour laisser passer ses nombreux défauts. Mayhem a pour l’anecdote été précédé par la projection de La Mort Père & Fils (Denis Walgenwitz et Winshluss). Cet adorable court métrage d’animation morbide et brillamment ficelé a volé la vedette au film de Lynch, qui a davantage l’effet d’un pétard mouillé que du chaos cinématographique promis.
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