Le Retour des Morts Vivants 5


A l’occasion de sa ressortie en Blu-Ray dans un sublime cadeau de noël signé Le Chat qui Fume, retour sur un classique de la série B : Le Retour des Morts Vivants de Dan O’Bannon qui se voulait originellement une suite directe au chef-d’œuvre de George Romero, La Nuit des Morts Vivants (1968).

Cervelle servie sur son lit d’hémoglobine coagulée

A l’origine, c’est le réalisateur Tobe Hooper – Massacre à la Tronçonneuse (1974), Massacres dans le train fantôme (1980), Poltergeist (1982) ou encore Lifeforce (1985) – qui devait prendre les commandes de ce Retour des Morts Vivants. Issu d’un scénario de John Russo qui avait déjà travaillé sur la fameuse Nuit des Morts Vivants (George A. Romero, 1968) c’est donc finalement Dan O’Bannon qui s’est vu proposer à l’époque la mise en scène du screenplay. Alors qu’il était surtout connu pour ses scénarii – Dark Star (1974) ou Alien (1979) – l’Américain bénéficie, à juste titre, de la confiance des producteurs pour remplacer un Hooper parti réaliser son Lifeforce, dont le script est écrit justement par… O’Bannon lui-même. La force de Dan O’Bannon, à l’époque, est d’avoir su se démarquer d’un modèle un peu trop encombrant en la personne de George A. Romero. En effet, le réalisateur « débutant » accepte cette nouvelle fonction à la condition de pouvoir réécrire complètement le script. Conservant uniquement le code principal destravaux de Romero, autrement dit le principe de personnes enfermées dans une maison ou tout autre bâtiment à la merci d’une horde de zombies affamés, O’Bannon va donner une dimension bien plus large à son récit, devenant plus qu’une simple suite à La Nuit des Morts Vivants. Depuis, le film bénéficie d’une popularité à l’épreuve du temps qui en fait un véritable classique du cinéma bis et du cinéma tout court.

Le synopsis est assez simple : Freddy se fait embaucher dans un entrepôt médical. Accompagné par son oncle, notre jeune protagoniste, intrigué par des vieux containers ayant appartenu à l’armée américaine, va libérer un gaz toxique capable de ramener les morts à la vie. La Trioxine 245 finit par survoler un cimetière voisin, réveillant tous les morts de ce dernier et provoquant une confrontation mythique entre les fameux morts-vivants et les amis punks de Freddy se trouvant sur les lieux au moment de la transformation. Un propos volontairement absurde qui donne le ton général car dès les premières secondes de la projection on se rend compte que c’est un humour décomplexé que pratique Dan O’Bannon. « Attention, ce film est tiré de faits réels », voilà les premiers mots qui apparaissent à l’écran, indiquant immédiatement aux spectateurs qu’ils s’apprêtent à voir une œuvre totalement extravagante. Place ensuite à un générique devenu mythique à lui seul. Excellemment mis en valeur par une musique de Matt Clifford, ce générique laisse place à un spectacle à la fois drôle et gore. C’était le but premier d’O’Bannon : se démarquer de Romero en proposant une œuvre beaucoup plus comique que les œuvres de ce dernier. Employant un humour absurde et morbide, fort de dialogues tous plus excentriques et poussifs les uns que les autres, et interprétés par des personnages on ne peut plus singuliers, Le Retour des morts-vivants est également l’occasion pour O’Bannon de démonter toute la rigueur qu’il est capable de proposer en tant que réalisateur. Équipé d’un véritable sens du rythme et du découpage, celui qui fait ses débuts à la réalisation ne déçoit pas et parvient à mettre en avant son histoire et ses personnages grâce à sa mise en scène toute en simplicité et sobriété, parvenant à ne pas tomber dans le piège d’une réalisation excessive. O’Bannon n’utilise pas de techniques superflues, pas de contre-plongées ou de travellings à l’excès sur-signifiants comme c’est parfois le cas dans ce genre de métrages, ici la mise en scène reste très académique mais dans le bon sens du terme.

Surtout, même s’il souAfficher l'image d'originehaite se démarquer le plus possible des codes du genre, le réalisateur n’en oublie pas les bases intangibles de la série B d’horreur : peur, violence et sexualité. On a donc droit à des coups de pioche en pleine tête, du sang, des images très graphiques, de la nudité, des zombies qui n’hésitent pas à manger la cervelle de leurs victimes et j’en passe… En fait, Dan O’Bannon parvient à associer humour et horreur avec une efficacité saisissante. L’un et l’autre sont complémentaires et ne sortent jamais le spectateur du propos. Au final, cette balance entre humour et horreur est tellement contrôlée par le réalisateur qu’il parvient à faire de son film une œuvre quasiment plus sombre que celles de George A. Romero, pourtant maître. Peut-être tout simplement parce que dès les premiers instants de ce récit apocalyptique s’il en est, le spectateur se doute qu’il n’y a aucun espoir pour les personnages d’en sortir vivant, une perspective bien plus sombre que tous les derniers scénarios de Romero ouvrant sur un final épique, qui à lui seul donne l’aura mythique.. Les personnages au destin funeste du Retour des morts-vivants sont l’une des principales qualités du film. En effet, de par l’ambiance humoristique et absurde qui circule autour d’eux, le spectateur n’a jamais l’occasion de vraiment s’attacher à eux mais est plutôt dans une espèce d’attente morbide d’assister à leur démembrement prochain. Des personnages qui sont interprétés – pour la plupart – par des acteurs méconnus et pourtant forts d’un charisme indéniable, singulier et efficace. Comment oublier Don Calfa, interprétant Ernie, cet embaumeur fasciste ! Que dire également des zombies, tous plus loufoques les uns que les autres, bénéficiant pour certains de designs complètement fous !

Bien plus qu’un simple film bis, Le Retour des Morts Vivants est également une œuvre intimement liée à son contexte. Tout dans la réalisation, de sa mise en scène à sa photographie en passant par la bande son, respire les années 80. Sorti en salles en 1985, le film de Dan O’Bannon est marqué par cette décennie. On pense bien sûr dans un premier temps aux looks et styles vestimentaires des protagonistes, ces jeunes punks aux vestes en cuirs et coupe de cheveux typiques. Que dire également de la bande son, marquée essentiellement par des musiques aux sonorités très punk rock. Bref, Le Retour des Morts Vivants est ancré dans son époque,une époque marquée par le pessimisme, la peur de l’apocalypse mais aussi par des changements sociétaux majeurs tels que la fin de la Guerre Froide et surtout le soulèvement d’une certaine population, plus rebelle et libérée qu’auparavant, mise en exergue par le mouvement punk fortement représenté dans l’œuvre d’O’Bannon. Une œuvre qui ouvrira finalement la voie à d’autres réalisateurs mettant en scène des films non consensuels, ne se pliant pas à tous les codes du genre comme il était coutume jusqu’à présent. Comment ne pas penser par exemple que Dan O’Bannon a ouvert la voie à Bad Taste (1987) et Braindead (1992) de Peter Jackson, ce dernier citant d’ailleurs largement son modèle le temps d’une séquence opposant morts vivants et punk… Dans un cimetière ! Après Le Retour des Morts Vivants, bien d’autres petites productions du même genre verront le jour, rencontrant très souvent un accueil critique favorable malgré des recettes en salles pas toujours au mérite de ces œuvres. N’oublions d’ailleurs pas que Le Retour des Morts Vivants n’a pas bénéficié d’un énorme succès au box-office à l’époque de sa sortie, ce qui ne l’a pas empêché de devenir un classique du cinéma bis au fil des années.

Comme à son habitude, Fais pas Genre tire les honneurs au Chat qui Fume pour son remarquable travail d’édition. En plus d’une image et d’un son d’une qualité parfaite permettant au film d’être admiré dans ses plus beaux habits, le coffret s’accompagne, comme à chaque fois, d’une flopée de suppléments de qualité dont un entretien précieux avec John Russo et des focus passionnants sur la musique du films et ses effets spéciaux. Plus encore, ce qui fait de chaque édition du Chat qui Fume des must-have c’est le soin apporté à l’ouvrage d’un point de vue esthétique. Ici, le coffret s’offre l’affiche non censurée du film sur laquelle l’héroïne dévoile ses seins nus dans une illustration aguicheuse. Encore une pièce à ajouter à vos collections et à offrir à Noël si vous avez des cadeaux à faire en retard.


A propos de Flavien Albarras

Un amour infini pour le cinéma de Kubrick, une passion perverse pour les super-héros en slip moulant, un intérêt certains pour le cinéma indépendant et une curiosité malsaine pour le cinéma d'horreur, on peut dire que les goûts de Flavien sont le reflet du pandémonium qui règne dans sa tête.


Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

5 commentaires sur “Le Retour des Morts Vivants

  • P.O.

    Film culte, et chouette édition !
    Un bémol toutefois, la VF n’est pas à la bonne tonalité, elle est plus haute que la VO, ce qui déforme les voix et surtout les musiques. La comparaison entre les deux pistes lors des passages musicaux est éloquente.
    C’est dommage de se retrouver avec une tonalité de diffusion TV ou de DVD PAL sur un Blu-ray, alors que le film est bien à la bonne cadence en 24p.
    A noter que la VF présente sur le Blu-ray US de 2011 n’est pas impactée par ce problème de tonalité, étrange…

    • Joris Laquittant

      sBonjour et merci de votre commentaire ! Je vous invite à directement en avertir l’éditeur “Le Chat qui Fume” via leur page Facebook, ils auront surement des précisions techniques à vous donner sur ce choix. Bonne année qui fait pas genre !

      • P.O.

        Merci pour la suggestion, je l’ai déjà fait mais ils n’ont pas daigné apporter de réponse technique. Pire encore, ils ont tout nié en bloc, tout en adoptant une attitude méprisante et hautaine, allant jusqu’à prétendre que c’est moi qui avait des hallucinations auditives…
        Avant de supprimer toute trace de ces messages sans doute un peu trop “dérangeants” sur leur page.
        Une réaction curieuse, et vraiment décevante de la part de responsables d’édition que je pensais un peu plus professionnels et ouverts.