Cargo


Après la relecture télévisuelle de Fargo (Joel et Ethan Cohen, 1996), voici Cargo. Pas de neige, ici, pour Martin Freeman, mais un outback ardent envahi par les zombies. Retour sur une des dernières productions d’anticipation horrifique signée Netflix.

Cargaison Bébé

Cinq ans après avoir dirigé un court-métrage du même nom, petit essai d’une modique dizaine de minutes – finaliste entre autres du Tropfest Short Film 2013 – le duo formé par Yolanda Ramke et Ben Howling revient cette année, chapeauter la production par le géant américain Netflix pour adapter le pitch de départ de leur court-métrage en long-métrage. Bonne opportunité pour les deux comparses d’exploiter un scénario jugé prometteur en cette époque de surconsommation et de fin de cycle pour le genre zombie. Parce qu’à l’instar de The Girl With All The Gifts (Colm McCarthy, 2017) sorti l’année dernière, ou plus récemment de La nuit a dévoré le monde (Dominique Rocher, 2018) le film se veut novateur dans son intrigue : suivant le parcours jusqu’au-boutiste d’un père infecté pour sauver sa fille et lui retrouver une famille digne de ce nom, ce en 48h dans la moite atmosphère d’apocalypse du désert australien. L’anglais Martin Freeman incarne ici ce père courage, nous permettant d’assister, non pas à la quête de Frodo pour sauver l’anneau, mais à celle de Bilbo pour sauver le bébé, devant éviter non pas les orcs sur son passage, mais les morts-vivants. 

Blague à part, en proposant pour la première fois de suivre le cheminement d’un homme dans son combat contre la montre, et contre l’épidémie qui contamine son corps, le script avait l’avantage de nous proposer quelque chose de relativement neuf dans son traitement. Ce 48 heures Chrono (Morgan O’Neill, 2012) sauce fin du monde et culture aborigène, avec des vilains vivants et d’autres l’étant beaucoup moins, promettait un rythme endiablé. Mais seulement en façade. Parce qu’au bout du long-métrage, ce sont certaines nuances d’ennui qui prédominent, avec cet arrière-goût d’amertume propre aux idées mal exploitées. L’introduction laisse paraître les prémices du pétard mouillé, rien qu’en ratant la scène tout sauf inattendue et de surcroit idiote, de la morsure de la mère, première victime du film et déclencheur du concept. La suite se complaît dans une démonstration d’impuissance du personnage du père par rapport à tout ce qui l’entoure, se contentant presque simplement de marcher et de subir, avant de réagir au gré des rencontres et des évènements. Démonstration très bien qualifiée d’ailleurs par la prestation de Martin Freeman, qui joue de cette manière atavique qui lui est propre, ce personnage normal étant assez dépassé par ce qui lui arrive. Il ne décollera malheureusement pas de son postiche de porte-enfant et ce jusqu’aux moments fatidiques. Un autre gros problème réside dans le trop peu de zombies proposés à l’écran – un comble pour un film en faisant un de ces principaux arguments de vente – ceux-ci simplement dispersés, à droite, à gauche, en second plan, pour les besoins de la pellicule et de l’intrigue. Bien sûr, l’argument probable disant qu’il serait réellement possible de ne voir que très peu de morts-vivants dans un désert comme celui de l’outback australien se tient – l’ennemi dans ce cas, étant le désert et ses gigantesques étendues lui-même – mais le long-métrage en propose si peu que la narration apocalyptique en pâtit et l’intérêt préalable avec.

Mais si les morts ne sont pas assez présents pour envenimer ou sauver la situation, restent toutefois les vivants. Et c’est par là que le film se montre finalement le plus intéressant. En dehors du père mourant et cherchant à tout prix à refourguer le fardeau qu’il porte sur le dos, l’intrigue nous emmène à la découverte de ce que pourrait être la perception de cette fin du monde par la culture et le peuple aborigène, premiers représentants de ces terres ancestrales d’Australie. Cet axe se structure par l’intermédiaire du jeune Thoomi, pré-adolescent autochtone refusant de se séparer de son père devenu zombi jusqu’à ce qu’il soit capturé par Vic – vilain faussement approfondi tant il est le stéréotype du blanc ethnocentriste, sexiste et raciste – usant de lui comme un animal en cage jusqu’à l’arrivée de notre héros, bienfaiteur zombifiant. C’est toute une trame militante qui s’offre alors au spectateur, accusant un colonialisme primaire – par l’archétype du « méchant » accaparant les territoires et doté de peu de réflexion pour d’autres domaines que tuer – et avançant une compréhension plus aboutie du passage de vie à trépas –  et donc une meilleure assimilation du phénomène apocalyptique – de la part du peuple prétendument « sauvage ». 

Malheureusement, ce n’est pas ce qui permettra à mon sens de sauver un objet par bien des aspects morne, tirant infiniment trop sur les longueurs de son histoire. Le court-métrage initial était lui fort sympathique et avait comme point positif principal ce qui le définissait comme court : permettant à l’idée centrale de percuter rapidement l’audience. Un père infecté en pleine transformation, qui a pour but ultime de sauver son bébé – qui n’est jamais très épanouissant comme personnage dans un film – ce n’est certainement pas le projet le plus aisé à faire tenir sur un si long format, bien qu’on ait heureusement vu pire. Malgré nos espérances, cette nouvelle production horrifique signée Netflix, a beau avoir pour elle sa belle photographie orangeâtre léchée – collant parfaitement à cette ambiance suintante des arrières contrées australiennes – cela ne suffit pas à camoufler ses faiblesses. Cela laisse toujours penser que le cinéma de genre produit par la société californienne de vidéo à la demande reste encore en dilettante, après pourtant la sortie de la merveille Okja (Joon-Ho Bong, 2017) – ô combien militante, elle aussi – sortie sur sa plateforme l’an dernier.


A propos de Willys Carpentier

Son prénom n’est pas une référence cinéphile au Bruce que l’on connait tous, même s’il partage son nom avec son idole absolue, John. Sa passion pour le cinéma qui fait pas genre découle de celle qu’il a pour le Death Metal, elle fait peur et est pleine de saturation et d’hémoglobine et ce même si plus jeune, il ne décrochait pas de Peter Pan. Enfin, fait intéressant, il porte une haine sans égards pour Woody Allen.

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