Les Allemands, ce n’est pas qu’Angela Merkel mais aussi ce Rammbock, huis-clos zombiesque tout resserré made in Berlin de Marvin Kren diffusé par les copains de Outbuster. Critique de ce petit nouveau dans un genre ultra-balisé.
La vie de quartier
Le film de zombies en a vu de toutes les couleurs. Genre codifié parmi les plus codifiés des genres codifiés (j’aime bien les répétitions, c’est mon côté pédagogue), il apparaît de plus en plus difficile à retourner aujourd’hui. En schématisant, on pourra noter que la dernière « cassure » du genre, en excluant celles qui prennent le thème par un biais auteurisant non-horrifique (je pense à la série Les revenants créée par Fabrice Gobert et au film du même nom réalisé par Robin Campillo) vient des zombies vénères des 28 jours plus tard (Danny Boyle, 2002) ou L’Armée des Morts (Zack Snyder, 2004). Mais si la surprise avait été de taille, il ne peut plus suffire de faire courir les morts-vivants voire jouer au foot (Goal of the Dead, Benjamin Rocher & Thierry Poiraud, 2013-2014) ou être de doux animaux domestiques (Fido, Andrew Currie, 2006). En réalité, à l’image du slasher ou d’autres sous-genres usés jusqu’à la moelle, rares sont les expériences zombiesques qui apportent quelque chose de neuf.
On ne peut pas dire que Rammbock représente un coup de pied dans la fourmilière. Il applique à la lettre bien des codes et un canevas déjà vu : simplement, un trentenaire looser se retrouve coincé dans un immeuble à la suite d’une infection de zombies que les forces de l’ordre peinent à maîtriser. Comme dans chaque film de Romero, on ne sait pas d’où les zombies viennent. Comme dans chaque film de morts-vivants, il y a des « règles » de propagation (morsure ou griffure), d’antidote (l’utilisation d’un sédatif peut ralentir la transformation) et/ou de combat (les zombies de Rammbock ne supportent pas les flashs des appareils photo). De manière obligée, le long-métrage suit donc le tracé du personnage principal qui tente de s’enfuir puis doit faire face à des sacrifices et une nécessité de prendre des décisions s’il veut survivre. Le mérite de Rammbock est de placer ces éléments aisément, balançant les enjeux du personnage principal en une minute trente (cet immeuble, c’est celui où vit son ex de laquelle il n’arrive pas à se séparer…Mauvais jour pour aller lui supplier de se remettre avec) ou les différentes règles sus-citées d’un coup limpide. Dommage que quelque chose n’empêche pas quelques longueurs malgré une durée courte d’à peine 75 minutes, le récit peinant à trouver de quoi remplir entre les étapes nécessaires de prise de conscience-flippe-mort d’un camarade-désir de survie-échappée. La love story du protagoniste à la base de la narration se ressent comme un peu de côté, ne servant qu’à une fin un peu trop sirupeuse pour passer…
Par contre là où Rammbock gagne en fraîcheur, c’est en la critique acerbe qu’il livre de la petitesse de nos congénères. Sorte de Julien Courbet avec des zombies, le dispositif du long-métrage place plusieurs voisins dudit immeuble contre la même problématique. Et ces chers voisins se refilent le bébé de la moindre tâche, balancent leurs voisins quand il s’agit de savoir qui a de la bouffe ou des médocs, restent confortablement derrière leurs rideaux à mater lorsque le mec du palier d’en face tente une sortie et se fait bouffer dans la cour intérieure. De lâchetés en lâchetés, n’épargnant pas non plus le voyeurisme et la bêtise du monde contemporain (y a du selfie), Rammbock est une satire horrifique des travers de nos semblables, parvenant à saisir l’actualité tout en répondant à ce que doit être, initialement, un film de zombies intelligent : un discours sur l’Homme bien vivant.