Terra Formars


Takashi Miike, le stakhanoviste du cinéma nippon revient avec Terra Formars. Mais que vaut la nouvelle cuvée du grand Miike ? On vous dit tout sur Fais Pas Genre à l’occasion de la présentation du film à L’Etrange Festival.

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Miike sur Mars

On ne présente plus Takashi Miike. Le génial réalisateur de la trilogie Dead or Alive (1999-2001), du superbe Audition (1999) et de tant d’autres films au point qu’il en est presque difficile de suivre la cadence. Et le réalisateur le plus branque du Japon ne semble pas vouloir s’arrêter de si tôt comme le prouve sa nouvelle production, adaptée du manga homonyme de Yu Sasuga et Kenichi Tachibana. On suit l’histoire d’un groupe de criminels en tous genres – de yakuzas pétochards et grandes gueules à une ex-flic, en passant par un hacker et un terroriste ayant combattu au Moyen-Orient – mandatés pour faire le ménage sur Mars afin de préparer l‘arrivée de futurs colons. En effet, il y a cinq cents ans de cela, des lichens et des cafards génétiquement modifiés ont été envoyé pour réchauffer l’atmosphère de Mars afin de rendre la planète rouge habitable. Mais les choses se compliquent lorsque nos protagonistes se retrouvent non pas face aux bestioles que l’on connaît mais à des géants humanoïdes à la force démesurée. Un film qui, sur le papier, est plus qu’excitant : une version punk, gonzo et décomplexée de Starship Troopers (Paul Verhoeven,1997), l’un des films préféré de Miike.

1448547565640_imageLe film peut être vu comme l’un de ses films les plus audacieux sur le plan visuel. Des décors somptueux comme le quartier pauvre de la première partie faisant une référence directe à Blade Runner (Ridley Scott,1982) ou encore l’intérieur du vaisseau Bugs 2. Certains plans avec des effets spéciaux – nombreux dans ce film – imprègnent littéralement la rétine. La mise en scène de Miike jongle entre les genres et dynamise le film tout en portant la signature du gaillard au service d’un récit aux premiers abords classique mais qui tourne très vite au jeu de massacre. Faisant preuve d’un sadisme certain, Miike s’attache à faire péter le compteur en tuant sauvagement et parfois de manière inattendue ses personnages dans ce qui devient une véritable mission suicide – une vraie mission suicide, pas comme celle que Ayer nous a offert il y a de cela un mois avec Suicide Squad. C’est brutal et soudain et personne n’est à l’abri.

Mais c’est aussi là que les problèmes commencent, Miike ne parvenant pas à trouver un équilibre dans une galerie de personnage imposante. Le développement de ces derniers se fait parfois au détriment du rythme du film avec des flashback parfois lourds et mal placés ou tout bonnement inutiles et délaissant les personnages les plus intéressants, donnant l’impression que certains choix ont été faits grâce à la technique ancestrale du amstramgram. Le scénario, de par son (trop ?) grand nombre de rebondissements en tous genres, peine à être cohérent même dans une forme de folie narrative. On a plus l’impression de se retrouver devant une saison d’un animé japonais que l’on aurait condensé pour tout faire tenir dans un long métrage de 109 minutes, ce qui rappelle le récent Les Chevaliers du Zodiaque (Keichi Sato, 2015) qui adaptait le très long arc narratif du Sanctuaire en un temps record…Et se vautrant en tout pareil. De plus, si le film semble avoir capturé l’essence du manga, il n’en est pas meilleur pour autant, délaissant le côté hargneux, violent et parfois dérangeant du matériau de base au profit d’un film aseptisé sans la moindre fulgurance gore que l’on aime tant dans le cinéma de Miike. Si quelques effets spéciaux sont réussis, ce n’est pas le cas de tous qui, dans le meilleur des cas, sont juste laids comme en témoigne le design des cafards humanoïdes, trop proche d’un style manga terraforamrs-movie-image-788pour être crédible dans un film live-action – ou même dans une cinématique de jeu vidéo. Mais le gros problème du métrage est son côté citationnel où les œuvres de science-fiction de Ridley Scott telles que Blade Runner, mais aussi Alien (1979) – dans le jeu de massacre par une créature –  le très décevant Prometheus (2012) ou encore le récent Seul Sur Mars (2015), le Starship Troopers de Paul Verhoeven ou encore Dragon Ball Z – si si, je vous le jure ! – se croisent dans ce film, noyant toute tentative d’originalité et s’approchant dangereusement d’un côté kitch que l’on ne s’attend pas vraiment à voir dans ce type de production.

Terra Formars est un divertissement tiré par les cheveux mais néanmoins fun, bien qu’il ne remplit aucune des promesses qu’il portait en son sein. Une grosse déception pour les fans du seinen – manga à destination des jeunes adultes – et des OAV mais aussi pour les fans de Miike. Comme quoi même les plus grands peuvent se tromper. On préférera rappeler que la dernière bonne adaptation d’un manga reste 20th Century Boy (Yukihiko Tsutsumi – 2009) et on espère que Miike va nous revenir en pleine forme avec son(ses) prochain(s) film(s).


A propos de Mathieu Pluquet

C'est après avoir découvert Le Voyage de Chihiro, Blade Runner et L'Exorciste que Mathieu se passionne pour le cinéma; depuis cette passion ne l'a pas quitté. Sinon il aime les comics, le café et est persuadé qu'un jour il volera dans le TARDIS et rencontrera le Docteur (et qu'il pourra lui piquer son tournevis sonique). Ses spécialités sont la filmographie de Guillermo Del Toro, les adaptations de comics et le cinéma de science-fiction.

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