Le bossu de la morgue 1


Quasiment inconnu chez nous, Le bossu de la morgue est sans aucun doute l’un des meilleurs films de Paul Naschy. Une histoire d’amour, de violence, de folie et de rejet qu’il nous est donné de redécouvrir grâce à une superbe édition en DVD par nos amis d’Artus Films.

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Quasimodo d’El País

En 1973, Paul Naschy est déjà un nom célèbre du cinéma fantastique espagnol. Cinq ans après la sortie des Vampires du Dr. Dracula, le personnage de Waldemar Daninsky a eu le temps d’apparaître dans cinq autres films, auxquels on peut ajouter quelques autres performances de l’acteur dans des rôles différents. C’est au début de l’été, à la mi-juillet, que Le bossu de la morgue débarque dans les salles espagnoles, trois mois après avoir été projeté au 2è Festival International de Paris du Film Fantastique et de Science-Fiction, créé l’année précédente par Alain Schlockoff. Un film qui ne bénéficie pas du tout d’un budget plus conséquent que les films précédents de Paul Naschy et qui possède des capitaux exclusivement espagnols, mais qui se révèle être très surprenant dans sa trame comme dans son leobssudelamorgueinterprétation, puisque Naschy s’offre ici son plus beau rôle.

Gotho (Paul Naschy) est un bossu aux facultés mentales relativement limitées qui travaille au service d’entretien de la morgue d’un hôpital situé dans les Alpes allemandes. Son physique est le sujet préféré des railleries des employés de l’hôpital, des moqueries qu’il subit tous les jours sans relâche. Son amie Ilse (Maria Elena Arpon), dont il est fou amoureux, a une maladie incurable qui l’emporte peu de temps après ; Gotho refuse d’accepter sa mort, cache le corps pour le conserver dans un souterrain, et demande au docteur Orla (Alberto Dalbes), un savant fou travaillant à l’hôpital, de redonner la vie à sa bien-aimée.

Avec Le bossu de la morgue, Paul Naschy trouve un rôle complètement opposé à sa démesure habituelle. Le scénario (dont il est, comme toujours, l’auteur) revisite en quelque sorte les mythes de Frankenstein et de Quasimodo, comme des destins croisés. Gotho est clairement le pendant ibérique du personnage de Victor Hugo, avec une caractérisation similaire ; mieux, il marque même un emploi inhabituel du personnage du monstre dans le cinéma d’horreur puisque celui-ci s’affranchit presque totalement de la menace à la Universal Monsters (malgré quelques renvois toujours présents) pour pencher plutôt vers la littérature fantastique française. En effet, Le bossu de la morgue comporte par exemple des échos à La belle et la bête, qu’il s’agisse du conte lui-même comme du film de Cocteau. Il y a quelque chose d’infiniment touchant dans le personnage interprété par Paul Naschy, et d’infiniment triste aussi. Et c’est là le plus beau point de salebossudelamorgue performance.

On ne peut malheureusement pas en dire autant des autres acteurs : le film étant avant tout un film d’exploitation, il est bien normal de rencontrer des acteurs qui en font des caisses. C’est le cas d’Alberto Dalbes (un acteur récurrent des films de Jess Franco : ceci explique cela), qui interprète le docteur Orla, par exemple, dont le jeu exagéré à l’extrême ferait même peur au Robert De Niro post-Mafia Blues 2 : la rechute (Harold Ramis, 2002). Mais ce qui vaut surtout, c’est l’atmosphère du film. Javier Aguirre réalise un film qui se réclame, à certains égards, du gothique italien, mais dont l’atmosphère macabre, l’aspect poisseux, les accès de violence et de gore (démembrements et autres rats brûlés) et la mystérieuse créature rapprochent plutôt le film d’une bande dessinée pour public averti. Une bande dessinée déguisée en film d’exploitation, comme en témoigne par exemple la séquence d’amour, invraisemblable, entre Gotho et Elke (Rosanna Yanni), une grande blonde sexy dotée de deux arguments décisifs. Des invraisemblances et des maladresses qui ajoutent un charme kitsch au film, sans pour autant en atténuer le côté tragique.

Tout comme La mariée sanglante et Les vampires du Dr. Dracula, Le bossu de la morgue est disponible en DVD chez Artus Films depuis le 3 septembre dernier dans la nouvelle collection Cine de Terror. Le film, comme les deux titres précédemment cités, est proposé pour la première fois en France dans sa version intégrale (79 minutes au lieu de 70 minutes, durée du film lors de sa sortie initiale dans les salles françaises et en cassette vidéo chez VIP). Si l’image ne présente aucun défaut majeur et qu’elle cherche, avec succès, à être le plus net possible, elle est parfois sujette à une sorte de filtre bleu qui change légèrement la couleur de l’image – on le remarque en général sur les plans les plus clairs –, donnant ainsi au film un air plus « daté ». Une faiblesse minime de l’image qui est tout à fait excusable. Le film est proposé dans deux versions, une VO espagnole Dolby Digital 2.0 avec sous-titres français et une VF Dolby Digital 2.0, qui switchera sur la VOST lors des séquences rajoutées. Dans la crypte à bonus, si les deux autres titres d’Artus étaient assez pauvres, celui-ci a beaucoup à revendre. D’abord, le DVD est proposé dans un joli coffret cartonné contenant le film et un livret de 64 pages signé Alain Petit, Le cinéma de terreur espagnol. Sur le support DVD lui-même, l’on trouve une scène alternative, qui n’est autre que la séquence d’amour entre Paul Naschy et Rosanna Yanni dans une version où l’actrice est habillée. Et, si les habituelles bandes-annonces et galerie d’images sont de la partie, le clou du spectacle est ce long entretien (89 minutes !), toujours avec Alain Petit, qui revient sur l’âge d’or du cinéma espagnol, à savoir la période 1968-1976. Un très long et très passionnant entretien, qui aurait pu toutefois être divisé en trois parties, afin de rendre un certain équilibre aux suppléments de chacun des trois titres de la nouvelle collection d’Artus Films, dont on attend avec impatience la suite. Et si possible, encore du Paul Naschy. Beaucoup de Paul Naschy.


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.


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