A l’occasion de sa sortie en vidéo chez Wild Side, focus sur ce film que l’on annonce comme le nouveau film d’horreur espagnol à la mode.
Cherche appartement ou maison…
Depuis le succès mondial de [REC] (Paco Plaza & Jaume Balaguero, 2007) il y a déjà presque dix ans, le cinéma espagnol a considérablement relancé son industrie du cinéma de genre, devenant même l’une des forces vives d’un cinéma européen qui ne fais pas genre. Des auteurs se sont mêmes distingués au fil du temps, proposant des œuvres singulières et de qualité : Juan Antonio Bayona et son brillant L’Orphelinat (2007), Alejandro Amenabar avec Les Autres (2001), Alex de la Iglesia avec Le Jour de la Bête (1996) ou Les Sorcières de Zuggaramurdi (2013), Guillem Morales avec Les Yeux de Julia (2010) et bien sûr l’expatrié Guillermo Del Toro avec Le Labyrinthe de Pan (2005). Tous ont permis au cinéma de genre hispanique de redorer son blason, déjà bien verni dans les années 70 avec des auteurs de série B tels que Narciso Ibanez Serrador et ses Révoltés de l’an 2000 (1977), Vicente Aranda et sa Mariée Sanglante (1972) ou bien encore Le Bossu de la Morgue (1972) de Javier Aguirre. Parce que le cinéma d’horreur espagnol s’est imposé, au même titre que la nouvelle vague d’horreur britannique du début des années 2000, comme la véritable autorité du cinéma de genre européen, chacune des nouvelles production ibérique qui flirte un tant soit peu avec les mauvais genres est forcément regardée à la loupe. La dernière en date se nomme Sweet Home et est l’oeuvre d’un certain Rafa Martinez dont c’est là, le premier fait d’armes.
Passé par Gerardmer où il a été montré hors-compétition lors de la dernière édition en date, Sweet Home y était aussi passé assez inaperçu. Et pourtant, le film se targue d’un plan promo assez malin : il se vend comme le croisement brutal entre un slasher et un home invasion movie – alors qu’il n’est en réalité ni l’un, ni l’autre – et se présente de par ses phrases d’accroches et pitch de départ, comme l’un de ces films pamphlétaires qui, derrière les apparats du genre, cherchent à critiquer la société contemporaine. Ici, c’est la crise des logements à Barcelone qui sert de théâtre et de prétexte à l’intrigue. L’accroche publicitaire du film présente le tableau ainsi : « Chaque année, en Espagne, il y a plus de 50.000 expulsions. 85% sont réalisées pacifiquement. 13% par la force. Et 2% en utilisant d’autres méthodes. ». Les premières minutes du film promettent d’ailleurs une dimension polémique assumée : l’un des personnages, un vieillard, ne veut pas quitter l’appartement qu’il habite depuis des années malgré les appels du pieds insistant de son propriétaire qui aimerait bien transformer son grand appartement en de petites chambres pour étudiants à louer une fortune. La critique de la montée des prix des logements des grandes villes est évidente, assumée, et le film promet alors d’être particulièrement incisif d’un point de vue politique. Puis vient finalement l’intrigue principal, celle d’un slasher poussif et bas de gamme. Alicia, jeune courtière en immobilier profite d’avoir les clés d’un immeuble quasi abandonné – le même où ne vit plus que le vieux dont on parlait plus haut – pour organiser une soirée coquine avec son boyfriend pour son anniversaire. Malheureusement, leur rendez-vous romantique va tourner court quand ils vont se rendre compte que le propriétaire a envoyé, le même soir, un groupe de tueurs pour éliminer le vioque qui refuse de lâcher domicile contre un gros chèque. Témoins de l’assassinat, les deux jeunes gens vont se retrouver confronter à cette bande de malotrus et à leur chef, un fou furieux à la hache, bien décidé à ne laisser aucune trace de ses méfaits.
Si la figure inquiétante du tueur masqué à la hache, présente d’ailleurs sur la jaquette de l’édition vidéo du film, rappelle à bien des égards quelques figures mythiques des fameux boogeymens qui tailladent sec dans les plus célèbres slashers, le film n’a pas vraiment l’énergie destructrice et cruelle de ce sous-genre. Quelque peu poussif, trop axé sur le couple qui tente de se sortir de ce piège, Sweet Home a un peu plus la gueule d’un survival movie un peu raté. Raté parce que, pour qu’un survival vous entraîne, vous cramponne à votre fauteuil, il faut nécessairement que vous ressentiez une certaine compassion, une connivence avec les héros, et que vous espériez plus que tout qu’ils s’en sortent. Ici, le couple est tellement insupportable et idiot, qu’on se réjouit plus de leur supposé sort que de leur survie. Présenté comme un croisement entre le slasher et le home invasion, le film est donc ni l’un, ni l’autre. Par définition, le home invasion voit un individu, ou un groupe d’individus, pénétrés par effraction dans le domicile d’un ou des héros. Ces derniers ont donc toujours un avantage : ils connaissent leur maison. Ici, au contraire, ce sont les héros qui en quelque sorte pénètrent par effraction dans un appartement qui n’est pas le leur. La recette du home invasion ne peut donc pas fonctionner car les tenants et motifs sont biaisés. Le cul entre deux, voir trois chaises, le film veut viser toutes les cibles en même temps, mais ne touche jamais le mille. Bien que sa mise en scène soit largement supérieure à ce que l’on peut voir dans la production de genre hexagonale, l’horrible photographie du film – un espèce de mélange entre le jaune pisseux de Jean-Pierre Jeunet, une caméra qui tremble à la Paul Greengrass et un patchwork de filtres Instagram – ternit le tout, même si ce n’est pas tout à fait le mot puisqu’au contraire d’être terne l’image est plutôt luisante et dégueulasse. Intrigue téléguidée, personnages insupportables, codes du genre mêlés mais sous-exploités, promesses non tenues quant au contenu politique du film : en tout point le film est une déception, si seulement on en attendait véritablement quelque chose…