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Après le génial District 9, son premier film sorti en 2009 sous la houlette du producteur Peter Jackson, Neill Blomkamp revient à la science-fiction avec ce second essai, Elysium, emmenant dans l’aventure un casting de haut-vol et un budget hollywoodien.

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Partir là bas.

Lorsque sort en 2009 son premier film District 9, personne n’a encore entendu parler de ce petit prodige sud-africain nommé Neill Blomkamp. Pourtant, il a déjà été fortement remarqué sur YouTube où plusieurs de ses courts-métrages avaient fait forte impression. Le nouveau nabab du cinéma mondial, qui a su imposer son île néo-zélandaise comme le nouvel Hollywood, j’ai nommé Peter Jackson, fut le premier à croire en ce jeune talent expatrié loin de Los Angeles. Il lui propose de réaliser l’adaptation du jeu-vidéo Halo et même les services experts de Weta, sa boîte d’effets spéciaux – qui restera d’ailleurs fidèle à Blomkamp pour ses deux prochains projets. Si l’adaptation du fameux jeu-vidéo n’aboutit pas – les financiers ne croient pas autant en ce jeune sud-africain que Peter Jackson – ce dernier souhaite tout de même donner sa chance à son protégé et lui propose une somme confortable de 30 millions de dollars pour mettre en chantier District 9. Ce film de science-fiction fut un véritable succès public, mais aussi et surtout critique. D’emblée on reconnaît unanimement que le premier essai de Blomkamp est un coup de maître. La presse cite Spielberg, Verhoeven, puis Cronenberg. Les adjectifs ne manquent pas pour parler de ce film de genre qui surprit son petit monde en arborant une esthétique documentaire vivifiante, mêlés à des effets spéciaux numériques qui feraient pâlir les superproductions hollywoodiennes, et surtout, une véritable identité d’auteur, tant dans les thèmes esthétiques que politiques : l’histoire de District 9 – des extraterrestres débarquent à Johannesburg et sont entassés dans un bidonville géant – étant une évidente (mais brillante) métaphore de l’apartheid.

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Après cette première claque, Neill Blomkamp était particulièrement attendu au tournant pour son second film. Elysium s’inscrit dans la droite lignée de son prédécesseur, même plaisir à manier les codes de la science-fiction, sujet tout aussi politique – alors que la Terre est laissée à l’abandon, les pauvres vivent dans un bidonville géant tandis que les plus riches se sont réfugiés sur une station spatiale quatre étoiles – mais, il faut bien le noter, tout de même, un budget trois fois supérieur. Si Weta est toujours aux affaires, ce ne sont pas vraiment les effets spéciaux qui gonflent considérablement le budget, mais bel et bien le casting. Matt Damon est Max, un homme ordinaire pour qui rejoindre Elysium est vital, un accident du travail le condamne à mourir dans cinq jours, et seules les machines ultra-sophistiquées présentes sur la station spatiale peuvent le sauver. Dans sa quête de rejoindre l’espace, il tombe sur Julio (Diego Luna) et sa bande mafieuse, qui peuvent lui assurer un ticket pour l’espace s’il accepte une mission très particulière consistant à s’élever contre la Secrétaire Delacourt (Jodie Foster) et son sbire (Sharlto Copley) : s’il réussit, il pourra sauver non seulement sa vie mais aussi celle de millions de personnes sur Terre.

elysium-5Sur le papier, le pitch de Elysium promet une simple transposition du combat ancestral entre les riches et les pauvres. Une version high-tech de Robin des Bois en somme, agrémenté d’une part, d’un univers post-apocalyptique rappelant Soleil vert (Richard Fleischer, 1974) ou Mad Max (George Miller, 1979) et de l’autre, le high-tech de Bienvenue à Gattaca (Andrew Niccol, 1997) ou THX 1138 (George Lucas, 1971). C’est peut être probablement ce qui fait de Elysium, un film un peu plus décevant que son grand frère. Car si District 9 avait probablement autant secoué le petit monde de la SF, c’est qu’il apparaissait comme un véritable OVNI, mêlant les codes du genre à ceux du documentaire – devrait on dire plutôt docu-menteur – un mélange déstabilisant pour un public non-averti. Parce qu’il fait appel à davantage de lieux communs, et parce qu’il s’imbibe bien d’avantage des codes hollywoodiens, le nouveau Blomkamp étonne finalement peu, et marquera sans doute moins les esprits.

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Néanmoins, on ne peut pas nier que le film possède avec District 9 des liens concrets, dévoilant une fois de plus de véritables obsessions, celles-là même qui créent la substance des grands auteurs. On retrouve cette même fascination pour la mutation, l’hybridation, déjà présente dans District 9 – où un policier était contaminé par un virus le transformant en extraterrestre. Il devenait dès lors la proie du gouvernement qui voyait en lui la possibilité de tester les armes ennemies, qui ne fonctionneraient qu’en reconnaissance d’un ADN alien. Cette scène, incroyable, dans le précédent film, où Sharlto Copley est attaché à une machine à ses dépens pour des tests d’armes fonctionnait même sur un schéma de triple hybridation – alien/humain/machine – qui fait véritablement le pont avec les fascinations présentes dans Elysium. Car dans ce dernier, l’hybridation se retrouve bien sûr dans le personnage de Matt Damon, qui dès le premier quart du film, subit une opération qui lui ajoute une sorte de squelette mécanique relié au cerveau, le transformant en homme-machine redoutable. Il est donc vrai que l’on retrouve chez Neil Blomkamp des fascinations concrètes, une réelle vision d’un futur proche gangrené par les machines. Si on lui reproche bien souvent d’être manichéen, le réalisateur ne souhaite pas – comme beaucoup d’autres avant lui – dénoncer le clivage moral entre des gentils pauvres et des méchants riches, mais plutôt mettre en avant que les évolutions technologiques et l’avènement des machines, profitera plus particulièrement à une partie du monde – les plus fortunés – et accentuera davantage les clivages sociaux. Le personnage de Matt Damon fait bien plus partie de la classe moyenne ouvrière que des misérables entassés dans les bidonvilles. Le clivage visionnaire énoncé par Neil Blomkamp n’a donc rien de manichéen, car il ne s’articule pas sur la logique pauvres contre riches. Les hommes sur Elysium sont des milliardaires, et non pas des chefs d’entreprises millionnaires – qui au mieux, peuvent s’y rendre pour des réunions tel le personnage de William Fichtner, jouant le patron de Matt Damon. Il s’agit plutôt d’un véritable message politique qui dénonce que les plus riches de ce monde détiennent la puissance technologique, et financent son évolution pour leur propre suprématie. Si Elysium ne marquera pas autant les esprits que son prédécesseur, il confirme que la petite sphère en crise de la science-fiction a bel et bien trouvé là un nouveau maître. Neill Blomkamp s’impose comme l’un des grands auteurs visionnaires de ce Hollywood next gen, et pourrait bien avec beaucoup d’autres – Jeff Nichols, J.J Abrams, Bong Joon-Ho– devenir d’ici cinq ou dix ans, l’un des grands monstres du cinéma américain et/ou mondial.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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