Le dernier pub avant la fin du monde 1


On l’attendait avec impatience, ce nouvel et dernier épisode de la Three Flavours Cornetto Trilogy, huit ans après Hot Fuzz. Pour l’occasion, Edgar Wright a réuni tout le beau monde qui faisait le bonheur des deux opus précédents, a ajouté quelques nouvelles têtes, mais le résultat est bien en deçà des attentes.

Les-sorties-cine-de-la-semaine-Le-dernier-pub-avant-la-fin-du-monde-Grand-central-et-Alabama-Monroe_reference

Blue Bloods

Gary King, le roi Gary, n’a jamais vraiment grandi. Il approche de la quarantaine, et alors que tous ses anciens potes l’ont quitté pour une vraie vie à Londres, avec un boulot, une femme et des gosses, lui ne vit plus que pour une chose : finir le barathon ultime qu’il a tenté vingt ans plus tôt avec sa bande, dans leur ville natale de Newton Haven : douze bars, douze pintes. Une beuverie sans nom qui commence au pub The First Post, traverse toute la ville et se termine dans le bien nommé The World’s End, le fameux dernier pub avant la fin du monde. Mais alors que toute la fine équipe repart, les cinq compagnons devront faire face, en plus des différends qui se sont installés entre eux avec le temps, à une étrange invasion de robots extraterrestres…

Il aurait pu s’agir de la meilleure trilogie comique de la décennie ou du début du siècle, si le duo Wright/Pegg n’avait pas tout balayé d’un revers inattendu. Une certaine ironie a voulu que The World’s End fusse le premier film de la trilogie co-écrite et réalisée par ce jeune beau gosse anglais. Et il eût très bien fonctionné comme premier film. Mais entre-temps, il a frappé très fort avec un premier film, Shaun of the Dead, et encore plus fort avec un second, Hot Fuzz. L’ébauche de sa Fin du Monde de l’époque aurait dû être totalement remaniée ou complètement passée à la trappe mais, et il pouvait se le permettre, il l’a reprise, retravaillée, et en a fait le dernier volet de sa trilogie. Après le film de zombies et le film d’action, il nous promettait une conclusion en beauté en faisant de cet opus une parodie des films catastrophe. Malgré un titre on ne peut plus éloquent, la promesse semble avoir été à moitié oubliée par les deux auteurs, qui font de The World’s End un film sans modèle précis, empruntant principalement aux classiques L’invasion des profanateurs de sépultures (Don Siegel, 1956) et Le village des damnés (Wolf Rilla, 1960), mais aussi beaucoup, et c’est très dommage, à la seconde partie de Hot Fuzz. Une auto-référence qui ne prend pas vraiment, prévisible et qui empiète sur le vrai sujet du film : la fin du monde.

le-dernier-pub-avant-la-fin-du-monde-the-world-s-end-28-08-2013-2-g

Aucun doute, le trio Wright/Pegg/Frost a fait du chemin depuis Hot Fuzz : de l’autre côté de l’Atlantique, pendant que le réalisateur mettait en scène l’adaptation du comic Scott Pilgrim, le duo d’acteurs tenait le haut de l’affiche de la sympathique mais oubliable comédie de science-fiction Paul, avec Seth Rogen. L’ironie – toujours elle – a voulu que cet été soit sorti le premier film réalisé par Rogen, une comédie sur… la fin du monde, beaucoup plus fidèle à son sujet et totalement réussie, on vous en parle même ici – je n’aurais pourtant jamais parié un sou sur lui, en face des anglais. En réalité, on ressent vraiment ce chemin, cet éloignement dans The World’s End, peut-être moins dans la réal’ toujours efficace et qui garde la patte de Wright, que dans le scénario un peu faiblard (une grande première). On pense parfois à Grabbers, autre sympathique comédie de SF qui vient d’Irlande et qui a bien amusé le public de Gérardmer en janvier dernier, dans lequel tout un village irlandais se met une murge légendaire pour ne pas se faire attaquer par des aliens allergiques à l’alcool. L’exemple le plus flagrant de la faiblesse scénaristique est sa galerie de personnages : cette fois, on délaisse l’éternel duo Pegg/Frost au profit d’un groupe plus large de cinq potes ; et alors que c’est habituellement ce tandem qui mène la barque, il est maintenant tout à fait oubliable en face de trois autres rôles mieux travaillés : Simon (l’excellent Paddy Considine, sans doute l’un des meilleurs acteurs britanniques de sa génération), qui est le seul à vraiment retranscrire l’esprit d’équipe, Oliver surnommé « le maudit » (Martin Freeman), personnage intéressant mais pas assez approfondi et bien vite oublié, et Peter, interprété par Eddie Marsan, chez qui l’on découvre un vrai potentiel comique, lui qui a surtout marqué dans des rôles de méchants (The Red Riding Trilogy, La disparition d’Alice Creed). On retrouve aussi une très amusante galerie de seconds rôles, parmi lesquels David Bradley et surtout Pierce Brosnan, second James Bond à apparaître chez Wright après Timothy Dalton dans Hot Fuzz ; comme son prédécesseur, Brosnan joue la carte de l’autodérision à fond.

21021906_20130723141443963.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx

Autre élément flagrant du scénario assez pauvre du film : l’absence quasi-totale de gags inspirés des classiques du genre. Pour une trilogie dont l’humour se base essentiellement là-dessus, croyez-moi, ça manque beaucoup, et tout le film en souffre. On retrouve les habituels gags de la palissade et du Cornetto, mais jamais les codes du film de science-fiction, et encore moins ceux du film catastrophe ne sont appliqués, tournés en ridicule ou même parodiés. Devant The World’s End, on rit moins aussi parce que l’on ne retrouve pas les dialogues hilarants, savamment orchestrés et parfaitement ciselés, des punchlines percutantes et à se tordre de rire de ses deux prédécesseurs. La recette de ces films repose sur un tout, que les scénaristes Wright et Pegg n’ont pas tout à fait respecté. Résultat : ça ne prend qu’à moitié. Objectivement, The World’s End est un bon film devant lequel on passe un moment agréable, mais il est aussi une belle preuve de la réussite seulement partielle qu’elle peut être lorsqu’une équipe qui nous a habitués à mieux se repose sur ses lauriers. Une vraie déception pour un projet qui promettait beaucoup, et il est vraiment dommage de tirer le rideau de cette trilogie sur ce film-là.

Valentin Maniglia


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.


Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Commentaire sur “Le dernier pub avant la fin du monde