De tous les films présentés dans ce dossier, s’il y en a bien deux qui marquent véritablement l’apogée de ce qui définit le mieux cette nouvelle vague du cinéma d’horreur, ce sont bien Eden Lake (James Watkins, 2008) et The Children (Tom Shankland, 2009). Tous deux affrontent par une horreur frontale très impressionnante la dure réalité sociale britannique. Nous allons aborder le second, qui vous fera détester les enfants.
L’enfant sauvage
Au milieu des comédies parodiques à l’humour so british, au milieu des revivals des grandes figures de monstres et aux atmosphères gothiques héritées de la Hammer, la nouvelle vague du cinéma d’horreur britannique s’est aussi constituée sur une volonté de confronter le cinéma de genre à un réalisme social très ancré. Il faut dire que le cinéma anglais a depuis longtemps cultivé une forte tradition pour le réalisme social. Un héritage qui se véhicule de génération en génération, de la Nouvelle Vague anglaise portée par Tony Richardson ou Karel Reisz, jusqu’aux contemporains Ken Loach, Stephen Frears ou Andrea Arnold. Une tradition très anglaise qui n’a donc pas épargné la nouvelle vague du cinéma d’horreur britannique. Si quelques précédents films comme ceux de Christopher Smith (Creep, Severance) abordaient déjà des thématiques sociales, la manière de les traiter s’acoquinait davantage des codes de la Hammer et du cinéma d’horreur américain des années ’80. Ici, qu’il s’agisse d’Eden Lake ou de The Children, le réalisme social est rarement teinté de fantastique, toujours très frontal et davantage inspiré par le Nouvel Hollywood et le cinéma d’horreur américain des années ’70.
L’action de The Children se déroule dans une atmosphère des plus familières. Deux familles d’amis se réunissent dans une grande maison à la campagne pour célébrer le nouvel an. Tout est réuni pour que le séjour se déroule à merveille, mais c’est sans compter les sautes d’humeur des enfants qui vont vite se révéler être de vrais démons et se retourner contre leurs parents, sans raison, avec une cruauté et une méchanceté implacable. On retrouve dans The Children une réelle parenté avec les premiers films de David Cronenberg et surtout, bien sûr, Chromosome 3. A la différence qu’ici, le fantastique est encore gommé: pas de monstres, pas d’humour, aucun artifice dans l’horreur, mais une frontalité glaciale. Le réalisateur Tom Shankland installe une réelle atmosphère et prend le temps de développer la psychologie de chacun de ses personnages. Le début du film est donc une longue scène d’exposition, une longue scène du quotidien, rien de plus rassurant en somme. C’est justement lorsqu’il détourne ce quotidien rassurant vers l’étrange et la furie que le film tire son épingle du jeu.
Car dans The Children, c’est ce que l’on connaît le mieux qui se révèle nous être inconnu et terrifiant. C’est donc une forme d’horreur domestique dont la maxime pourrait être: « Ce que vous connaissez peut vous être totalement inconnu ». Le film questionne alors des thèmes tels que l’éducation des enfants et la difficulté d’être des parents. Si pour certains, The Children est un manifeste contre l’enfant-roi, pour d’autres il s’agit plutôt d’une réflexion sur l’angoisse d’être parents et notamment sur la peur de ne pas se retrouver dans le caractère de son enfant. Autrement, le film affronte sans crainte des questions telles que : “En tant que parent, si mon enfant essaie de me trucider, suis-je capable de me défendre et de l’éliminer ou est-ce que je me sacrifie ?”, “L’enfant n’est-il pas un véritable virus dans notre société, gangrenant les rapports sociaux et conjugaux ?”… Des questionnements qui feraient sans nul doute avoir un infarctus à Françoise Dolto.
The Children n’est pas le seul film à avoir fait de la figure de l’enfant, une figure de tueur sanguinaire et démoniaque. C’était déjà le cas, souvenez-vous en, dans le début de Halloween, la Nuit des Masques (John Carpenter, 1978), en passant par, je l’ai déjà dit, Chromosome 3 (David Cronenberg, 1979) sans oublier le très bon film français Ils (Xavier Palud & David Moreau, 2005). Alors même si l’initiative n’a, semble-t-il, rien de bien innovant, c’est dans son traitement très réaliste que The Children parvient à se démarquer, et à foutre réellement les jetons. Suffisamment pour que je m’avance à dire qu’il s’agit sans nul doute de l’un des plus grands films de ce dossier consacré à la Brit Horror.
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