The Living and the Dead 1


The Living and the Dead est le premier film à aborder un sujet assez grave et très délicat à mettre en images : la déficience mentale. Un film très personnel pour le cinéaste Simon Rumley, mais qui s’inscrit néanmoins parfaitement dans l’environnement de la Brit Horror.

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One step beyond… madness

Lord Donald Brocklebank habite une immense propriété avec sa femme Nancy, souffrant d’un cancer, et son fils James, handicapé mental. Lorsque Donald quitte le domicile quelques jours pour conclure la vente de la propriété, James va vouloir s’occuper de sa mère tout seul, à tel point qu’il en sombrera dans la folie. Il n’est pas vraiment juste de considérer The Living and the Dead comme un film d’horreur, car s’il est vendu comme en étant un, il s’agit en réalité d’un drame psychologico-social qui se veut réaliste. A l’image d’un Polanski lorsqu’il fait Répulsion, Simon Rumley ne fait pas intervenir l’horreur dans la réalité, mais il la fait résulter de la réalité. En installant la trame et en présentant les personnages, le réalisateur montre la difficulté pour un homme de faire face aux maladies qui atteignent ses deux êtres les plus proches.

Le générique de fin s’ouvre par un carton indiquant que le film est « A la mémoire de Sheila et David Rumley », les deux parents du cinéaste. Son père, David, est décédé d’une attaque cardiaque et six mois plus tard, sa mère mourut d’un cancer. Vu comme ça, on peut penser que le film représente une façon pour Simon Rumley de régler ses comptes et d’en finir avec cette histoire, mais il soulève d’autres problèmes, extérieurs à sa situation familiale. On associe toujours les problèmes du système de santé et d’aide médicale aux Etats-Unis, mais en étendant son discours grâce aux artifices de l’horreur, le film de Rumley a un sous-texte universel – après tout, le système de soins médicaux du Royaume-Uni est classé 17è à l’échelle mondiale par l’OMS, contrairement aux USA, qui sont 76è, presque au milieu du classement. Qu’arriverait-il si, affaiblis par une maladie incurable, nous n’avions d’autre choix que de s’en remettre pleinement à la seule personne disponible pour nous soigner, prendre soin de nous, et ce même si la personne en question est incapable d’une telle chose ? Le discours est encore plus tordu ici, car cette personne est « l’amour de ma vie », comme lui dit sa mère.

C’est lorsque Donald, le père, quitte le château que l’on arrive au cœur du film. La schizophrénie de James, son envie d’être « comme tout le monde » et la possibilité qui s’offre à lui de faire parler son complexe d’Œdipe vont le faire sombrer totalement dans la folie, et c’est là que l’horreur intervient précisément. On est en 2006 lorsque sort le film (en DTV chez nous, évidemment, merci les distributeurs !), autrement dit deux ans après Creep, qui a vraiment développé l’importance de l’héritage du Free Cinema et du cinéma social de Lindsay Anderson ou Mike Leigh. Et l’on retrouve bien là tout le discours de ces êtres rejetés, marginaux, que If… illustrait à merveille trente-sept ans plus tôt, et que Vol au-dessus d’un nid de coucou, bien que non britannique, met aussi très bien en images peu de temps après le film d’Anderson. Lorsqu’une personne étrangère à la famille entre dans la propriété des Brocklebank, James doit se cacher dans une pièce plus ou moins aménagée, au grenier, qui lui fait aussi office de chambre, mais qui ressemble tout au plus à une pièce dans laquelle un serial violeur pédophile séquestrerait sa jeune et innocente proie à la peau douce.Le complexe d’Œdipe finit par parler, pour ce Norman Bates caricaturé à outrance : dans une séquence hallucinatoire qui fait probablement écho à l’œuvre de Peter Greenaway, il se voit dans le rôle de son père, et Donald dans le sien, penchés sur maman Nancy pour l’aider. James se sent tellement rabaissé et humilié par son propre père qu’il va finir par opérer cette humiliation sur sa mère, dans une série de séquences totalement dégradantes pour la femme, et dérangeantes pour le spectateur. Simon Rumley pousse le vice jusqu’au bout, à partir du moment où James bloque la porte d’entrée, on sait que le cauchemar commence pour la mère, et c’est peu dire.

Il serait injuste d’omettre de parler des trois acteurs autour desquels est articulé tout le film, tous vraiment très bons (et c’eut été dommage d’en prendre des mauvais). Pour le côté technique, par contre, quelques maladresses sont à noter : le film foisonne de plans larges qui soulignent la froideur et la solitude qui règne dans la propriété, toujours très bien filmés (que le chef-op’ Milton Kam se soit inspiré de Shining pour mettre en scène cette grande bâtisse délabrée ne serait pas étonnant), mais les quelques séquences mettant en avant la folie de James cassent complètement cette grande austérité qui fonctionnait à merveille, en montant les scènes en accéléré et en les accompagnant de musique électro. Bien sûr, Rumley a ses raisons, parfaitement compréhensibles par ailleurs, mais le mariage des deux est difficile à apprécier. Avec The Living and the Dead, le cinéaste Simon Rumley fait un film personnel mais avec un message profond, qui s’inscrit parfaitement dans ce que la Brit Horror sait faire de mieux : utiliser l’horreur pour parler de graves réalités sociales. Ici, tout est plausible, cela PEUT arriver dans la vraie vie. Et ce n’est pas le résultat de ce qui peut se passer dans un esprit malade, non, c’est le résultat d’une société mal organisée, qui produit elle-même les marginaux qu’elle rejette, ou qu’elle accepte difficilement, parce qu’elle y est contrainte. Triste vérité.



A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.


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