Drôle d’entrée en matière que d’initier un long voyage dans le monde du nouveau cinéma d’horreur britannique en parlant du quatrième long métrage de Nick Hamm qui n’est pas vraiment un film d’horreur, et pas vraiment un film britannique. Et pourtant, The Hole apparaît comme une ébauche du renouveau de la British Horror, et peut très bien servir de transition entre les deux périodes du cinéma horrifique au Royaume-Uni.
Young blood
Déjà réalisateur de films beaucoup plus légers et d’épisodes de séries pour ITV, Nick Hamm marque sa première incursion dans un genre un peu sombre avec The Hole : le thriller psychologique. Adapté du roman After the hole de Guy Burt (jamais traduit en français), le film narre l’histoire de Liz, Frankie, Mike et Geoff, quatre étudiants, qui échappent à un voyage scolaire en s’enfermant dans un bunker pendant trois jours avec l’aide de Martyn, le meilleur ami de Liz. Dix-huit jours plus tard, alors que tout le monde les croyait disparus, Liz réapparaît, seule. Avec l’aide du docteur Philippa Horwood, elle va se remémorer ce qui s’est passé à l’intérieur du bunker.
La particularité de The Hole, film UK au casting partiellement US, est qu’il pose – involontairement ? – les bases de ce qui va devenir un renouveau de l’horreur britannique. Jusqu’ici, le cinéma d’horreur au pays du fish & chips se résumait aux productions Hammer, qui mettaient en scène des grandes figures tirées de la littérature (Poe, Shelley, Stoker), toujours incarnées par des acteurs au talent confirmé. The Hole, à l’inverse, a un casting exclusivement composé de jeunes acteurs (c’est le film qui révéla Keira Knightley, quelques années avant qu’elle ne la joue comme Beckham). A l’instar de L’enfant miroir (Philip Ridley, 1990), qui aurait pu figurer dans ce dossier s’il n’avait pas été réalisé si tôt (mais nous y reviendrons à l’occasion), The Hole montre une jeunesse torturée et transformée – par les années Thatcher, cela ne fait aucun doute – avec une Thora Birch époustouflante, dans ce qui est indiscutablement son meilleur rôle.
Dans cette configuration classique du film d’horreur dans lequel des ados sont reclus dans un lieu glauque, on retrouve évidemment la coincée (Liz/Thora Birch), le beau gosse (Mike/Desmond Harrington), la pétasse (Frankie/Keira Knightley), le grand con (Geoff/Laurence Fox) et le nerd (Martyn/Daniel Brocklebank). Une petite communauté dans laquelle on imagine facilement qui s’en tire et qui ne s’en tire pas, mais The Hole a en cela l’intérêt qu’il s’amuse à brouiller les pistes de façon très intelligente, et en faisant revivre certaines scènes plusieurs fois, avec des développements différents. Ce n’est pas non plus un Smoking/No Smoking horrifique que nous propose Nick Hamm, mais cette construction fait effet, d’autant que toutes ces interprétations reposent uniquement sur la prestation de Thora Birch.
Devenue millionnaire à 17 ans seulement grâce à American Beauty, ce n’est pas par hasard que Thora Birch a été choisie l’année suivant la sortie du film de Sam Mendes pour le rôle de Liz, une adolescente rebelle, secrètement amoureuse du beau gosse de la classe et prête à tout pour qu’il lui porte de l’attention. Elle est présentée, dès la scène initiale, comme l’héroïne, mais tout le film repose littéralement sur ses épaules. Amoureuse, menteuse, manipulatrice, elle est tout cela consécutivement, puis tout cela à la fois. La grande prouesse du film revient aux scénaristes Ben Court et Caroline Ip (qui ont renouvelé l’exploit de créer d’intéressants personnages d’adolescentes compliquées quelques années plus tard dans le méconnu Cracks), qui ont construit avec Liz un personnage si complexe et fascinant que le film n’a presque plus d’autre intérêt qu’à travers son évolution. Une grande qualité, certes, mais qui présente aussi des défauts et faiblesses, notamment dans la trame et les quelques temps morts qui se font ressentir malgré tout.
Avec The Hole, Nick Hamm signe un film assez bien ficelé. Mais avant tout, The Hole pose un constat : entre 1979 et 1997, le parti conservateur était au pouvoir (11 ans ½ pour Thatcher, 6 ans ½ pour John Major) et le cinéma d’horreur britannique a disparu des écrans. Comment le faire revenir et marquer le changement ? En mettant des personnages d’adolescents rebelles dans un lycée huppé comme héros, les deux scénaristes et le réalisateur répondent partiellement à la question. C’est donc ainsi, en faisant place à une jeunesse torturée et fragile, mais aussi intelligente et révoltée à ses heures, que The Hole – et les thèmes qu’il soulève directement et indirectement – pose les bases du renouveau de l’horreur made in Britannia.
Valentin Maniglia
Bonsoir, j’avais trouvé ce film plutôt plaisant à voir lors de sa sortie. J’avoue que je n’en ai aucun souvenir. Bonne soirée.