Le petit gaulois moustachu est de retour sous la houlette d’Alain Chabat avec Astérix et Obélix : le combat des chefs (2025) ! Celui qui avait réalisé l’épisode en prises de vue réelles qui est unanimement considéré comme la meilleure adaptation avec Mission Cléopâtre (2002) remet son titre en jeu avec cette mini-série d’ores et déjà disponible sur Netflix.

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Autant le dire de suite, j’ai grandi avec les bandes-dessinées d’Uderzo et Goscinny et ai observé la déliquescence des adaptations d’Astérix depuis Mission Cléopâtre (Alain Chabat, 2002) avec une grande peine. À part les deux opus signés Alexandre Astier et Louis Clichy – Le Domaine des dieux (2014) et Le Secret de la potion magique (2018) – qui surnagent grâce à leurs qualités et leur compréhension de l’humour propre aux aventures de nos gaulois de papier, il faut dire qu’Astérix aux Jeux olympiques (Frédéric Forestier & Thomas Langmann, 2008), Au service de Sa Majesté (Laurent Tirard, 2012) et L’Empire du Milieu (Guillaume Canet, 2023) avaient tout de la longue agonie tentant vainement de reproduire la formule initiée par Chabat – mais juste en ce qui concerne l’alignement de guest stars puisqu’incapables de comprendre l’essence de l’humour de Goscinny. En parallèle de ce marasme, la version BD d’Astérix continuait, avant une reprise de plus en plus convaincante, de s’enfoncer dans les limbes de l’entendable avec Le ciel lui tombe sur la tête qui, en 2005, voyait Superman venir en aide au village d’irréductibles gaulois. Bref, un état des lieux pas bien réjouissant pour tout fan de ce personnage emblématique de la bande-dessinée francophone qui se respecte. Et il faut le dire : Mission Cléopâtre pour Astérix au cinéma, c’est un peu l’équivalent de L’Empire contre-attaque (Irvin Kershner, 1980) pour la saga Star Wars, tout ce qui arrive après est forcément jugé à l’aune de ce mètre étalon adulé et forcément indépassable.

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C’est dans ce contexte morose que ce bon Alain Chabat a décidé de revenir au petit village gaulois. D’abord parti d’un petit exercice d’écriture personnel qu’il avait évoqué de façon légère lors d’une masterclass à la Cinémathèque Française, l’idée d’un retour aux manettes a été vu par les ayants-droits comme une aubaine pour redorer l’image de la marque. Netflix entre alors en jeu et laisse les mains libres à celui que tous les Français adorent – citez-moi une personne n’aimant pas Alain Chabat ! – qui décident, accompagné de Benoît Oullion et Pierre-Alain Bloch à l’écriture, d’en faire une mini-série de cinq épisodes reprenant la trame de l’album Le Combat des chefs paru en 1966. Dans le livre comme dans la série, l’histoire raconte l’ambition de César de prendre le contrôle du seul village gaulois encore résistant à l’envahisseur en organisant un combat entre Abraracourcix et Aplusbégalix, chef d’un autre village collabo, qui, selon les règles gauloises, pourrait voir le perdant passer sous la coupe romaine. Problème : Obélix a jeté un menhir sur Panoramix le druide et, sans la potion magique, l’issue du combat est plus incertaine que jamais. On connait tous les grandes lignes de la bande dessinée qui avait déjà été en partie portée à l’écran dans Le Coup du menhir (Philippe Grimond, 1989), et ce qui est intéressant, dans le cas présent, c’est ce qu’Alain Chabat, ajoute à ce récit attendu. En effet, le célèbre Nul insuffle des enjeux supplémentaires concernant le binôme formé par Astérix et Obélix qui ne sont pas dénués d’intérêt.

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Dans son premier épisode, Chabat revient sur l’une des plus grandes zones d’ombre de la « mythologie » Astérix, à savoir : comment Obélix est tombé dans la marmite étant petit. Si cela avait déjà été évoqué en 1965 dans les pages du journal Pilote, le réalisateur-scénariste insuffle des enjeux qui trouveront une résonance dans la suite de la série et un écho à des thématiques très actuelles comme le harcèlement et le virilisme, soit deux notions que l’on n’aurait pas cru trouver dans une histoire sur nos Gaulois réfractaires préférés. Pour autant tout s’imbrique parfaitement et c’est d’emblée une surprise : contrairement à Mission Cléopâtre qui était un véhicule entièrement dédié à la vanne, coûte que coûte, Le Combat des chefs – qui est très drôle aussi, on y reviendra – ose aller sur le terrain de l’émotion et des enjeux forts. Ici, Astérix et Obélix ont des arcs narratifs bien identifiés et c’est là que le format sériel prend sens. Avec cette structure épisodique, Alain Chabat a le luxe de pouvoir créer des ruptures là où sa précédente adaptation l’obligeait à une certaine frénésie dans la gaudriole. C’est peut-être la marque d’une forme de maturité – quoique Chabat demeure un éternel enfant – mais c’est en tous cas la preuve qu’il est toujours l’homme de la situation. Avec Alexandre Astier, qui apparait ici vocalement sous les traits du poissonnier Ordralfabétix, il est le seul à avoir saisi le verbe de Goscinny et il vient nous le rappeler de la plus belle des manières.

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C’est aussi le trait d’Uderzo que Chabat arrive à retranscrire de façon époustouflante. S’il avait contourné le souci majeur des adaptations en prises de vue réelles – comment ne pas avoir l’air de filmer une kermesse avec des costumes si grotesques ? – avec Mission Cléopâtre en jouant sur une imagerie colorée et proche du cartoon, là il met les deux pieds dans le plat en adoptant les rondeurs du crayon du dessinateur en les twistant avec une animation des plus moderne. On pense beaucoup aux Looney Tunes pour les gags visuels, mais aussi à Spider-Man : New Generation (Bob Persichetti, Peter Ramsey & Rodney Rothman, 2018) dans sa façon de jouer avec les couleurs et les textures. Alain Chabat l’assume d’ailleurs : ce jeu d’animation lui permet, quand les Gaulois prennent leur rasade de potion, de créer des aberrations chromatiques venant piocher dans les défauts d’impression de certaines cases du Astérix de papier. Fabrice Joubert, qui coréalise la série, apporte tout un savoir-faire français, mixé à ses années à l’étranger chez Aardman, Dreamworks ou Illumination. Et le studio toulousain TAT Productions de porter la vision des réalisateurs en n’ayant aucun complexe par rapport aux grosses productions américaines. Proche de l’animation ronde et bonhomme du Domaine des dieux et du Secret de la potion magique, Chabat et Joubert apportent une touche de folie supplémentaire, toujours dans les clous du respect à l’œuvre originale.

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Plus que sur les qualités techniques, c’est bien sur le terrain de l’humour qu’Alain Chabat était attendu au tournant, et autant le dire, le pari est réussi ! Comme à son habitude, le présentateur du Burger Quiz réussit le pari de mélanger l’humour propre aux albums d’Astérix – fait de calembours essentiellement – à son propre sens de la drôlerie – constitué de références plus actuelles. Les clins d’œil fusent et il évite le piège de l’autocitation – toutes les adaptations depuis Mission Cléopâtre avaient forcément fait du pied aux fameuses répliques d’Édouard Baer, signe qu’ils n’avaient plus vraiment d’idées. De plus, Alain Chabat embrasse quasiment l’intégralité de la galaxie Astérix – Obélix entonne la musique de Gérard Calvi d’Astérix le Gaulois (Ray Goossens, 1967), des plans rappellent ceux d’Astérix et Obélix contre César (Claude Zidi, 1999), etc – en la mélangeant à des clins d’œil à James Bond, Star Wars, ou Avengers : Endgame (Anthony & Joe Russo, 2019). Ajoutons à cela une mise au goût du jour des jeux de mots autour des noms gaulois et romains, et vous obtiendrez une très bonne adaptation de l’œuvre de René Goscinny et Albert Uderzo. Comment ne pas évoquer le casting vocal venant renforcer tout ça, allant de Gilles Lellouche à Jean-Pascal Zadi en passant par Laurent Lafitte et Jérôme Commandeur ? Si quelques petits bémols viennent parfois accrocher l’ensemble – Thierry Lhermitte, que l’on aime beaucoup, a du mal à toujours être convaincant en Panoramix – tout le monde s’en donne à cœur joie et participe à la réussite de ce retour de Chabat aux affaires. In fine, on se rend bien compte que, au vu de son amour pour le support de base et pour la bande dessinée en général, l’ex-Nul est bien la seule personne à pouvoir rendre fraiche et réjouissante une nouvelle adaptation des aventures du petit gaulois. Donnez-lui les clés pour d’autres relectures ! Ici, on aimerait voir Le Tour de Gaule et Astérix légionnaire adaptés ! On dit, on dit rien.



