Épouvante sur New York   Mise à jour récente !


Après Meurtres sous contrôle (1976), Rimini poursuit sa réédition des films de Larry Cohen avec Épouvante sur New York (1982) dans un joli combo DVD/Blu-ray agrémenté d’un livret de 24 pages signé Marc Toullec. Mêlant horreur, fantastique et science-fiction, ce petit bijou est un véritable manuel de la débrouille à destination des réalisateurs désargentés.

Un Quetzalcóatl géant au-dessus des buildings dans le film Épouvante sur New York.

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Des Plumes dans le Q

Larry Cohen est principalement connu des cinéphiles pour avoir écrit les scénarios de Phone Game (Joel Schumacher, 2002) et Cellular (David R. Ellis, 2004), et peut-être aussi en tant que créateur de la série Les envahisseurs (1967-1968). Mais c’est comme réalisateur qu’il est resté dans le cœur des amateurs de cinéma bis avec la saga Le monstre est vivant (1974), Les monstres sont toujours vivants (1978) et La vengeance des monstres (1987), où des bébés mutants sèment la terreur. Parmi ses autres pépites de série B, on trouve Épouvante sur New York, dont le titre original, Q The Winged Serpent est infiniment plus explicite. En effet, des morts aussi brutales qu’étranges se succèdent à New-York : un laveur de vitres est décapité sur la façade d’une tour, un autre individu est entièrement dépecé, une jeune femme qui bronze au sommet d’un building est happée par on ne sait quelle bestiole volante tout comme un baigneur dans sa piscine qui trône sur le toit d’un immeuble. Rapidement, les soupçons convergent vers un rituel aztèque où se mêlent sacrifices humains et invocation de Quetzalcóatl, le serpent à plumes.

Dans une pièce inconnue aux murs blancs, un homme en menace un autre, le couteau sous la gorge ; plan issu du film Épouvante sur New-York.

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Cohen a réuni un casting bis de toute beauté : les deux inspecteurs, Shepard et Powell, en charge de l’enquête, ne sont autres que David Carradine, inoubliable Kung-Fu (1972–1975, Ed Spielman et Herman Miller) et Richard Roundtree, qui creva l’écran dans Shaft (1971, Gordon Parks). Il s’est également adjoint les services de Candy Clark (American Graffiti, George Lucas, 1973 et L’homme qui venait d’ailleurs, Nicolas Roeg, 1976, notamment) et Michael Moriarty, véritable personnage principal du récit. Brillant acteur à l’époque déjà (il faut obligatoirement l’écouter en VO), quelques années avant de jouer dans le spectral Pale Rider (Clint Eastwood, 1975), il attire sur lui, dans son rôle de Jimmy Quinn loser combinard malgré lui, un mélange d’antipathie et d’indulgente pitié. Côté technique, les effets spéciaux et en particulier la stop motion qui anime Quetzalcóatl sont l’œuvre du duo David Allen/Randy Cook qu’on retrouve ensemble ou séparément dans de nombreuses productions de la même époque, petites et grandes. L’utilisation ici de ce procédé aujourd’hui désuet depuis l’arrivée des images de synthèse est sans qu’il soit possible d’en douter une référence au King Kong (1933) de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, où la créature connaissait elle aussi ses derniers instants au sommet d’une tour, l’Empire State Building. Comme le suggère Jean Manuel Costa dans le supplément, on peut y voir également un hommage à d’autres productions, tel le ridicule mais sympathique Le trésor des Aztèques (alias The Flying Serpent, Sam Newfield, 1946), qui mettait en scène le serpent à plumes, ou encore The Giant Claw (Fred F. Sears, 1957) et son monstrueux volatile géant, involontairement hilarant.

Cohen ne s’encombre pas d’un langage subtil dans sa mise en scène. Les plans sanguinolents à la limite du gore par exemple sont assez crus. Il n’y a pas non plus de place pour la retenue ou d’impénétrables allusions : les transitions sont toujours d’une amusante limpidité, de l’homme dépecé à un serveur qui découpe un poulet au couteau de boucher, de l’évocation d’une tête coupée à un ballon de baudruche rose qui vole dans les airs, de l’agression par l’oiseau géant d’une jeune femme bronzant au sommet d’un gratte-ciel à la mascotte d’un fast-food servant du poulet grillé… Un humour discret mais omniprésent parsème ainsi le film, au travers de personnages plus caricaturaux les uns que les autres et d’improbables situations : après avoir maladroitement perdu le butin d’un casse, Quinn, pour échapper à un agent de sécurité, se retrouve dans la flèche du Chrysler Building qui se trouve être la cache de Quetzalcóatl et de l’œuf géant qu’il couve… A travers les yeux du monstre volant, le New-York des gratte-ciel donne lieu par ailleurs à de superbes vues aériennes de la Grosse Pomme. L’humour du réalisateur apparaît également dans l’indispensable commentaire audio (un exercice qui souvent n’apporte pas grand-chose). Cohen y livre une quantité astronomique d’anecdotes. On apprend notamment comment il improvisait régulièrement pendant le tournage en fonction de la situation (contraignant par exemple Allen et Cook à coller du stop motion sur des scènes en mouvement déjà tournées), révisant parfois le scénario (il a ainsi utilisé les talents de pianiste de Moriarty), et prenait des initiatives à la limite de la légalité comme en filmant un assaut armé dans la flèche du Chrysler Building sans posséder vraiment d’autorisation. On retrouve cette frénésie de l’urgence dans un montage très nerveux par instants et beaucoup plus délié à d’autres.

Coffret DVD/Blu-Ray du film Épouvante sur New-York vendu par Rimini Editions.Écrit, réalisé et monté par Jean Manuel Costa, spécialiste de l’animation en image par image, le supplément « Effets spéciaux et stop motion » est, plus qu’un documentaire sur le film lui-même, un hommage à David Allen, héros méconnu (moins en tous cas que Ray Harryhausen) de cette technique très utilisée durant une bonne seconde moitié du vingtième siècle. Prématurément décédé d’un cancer en 1999 à l’âge de 54 ans, il ne put achever le tournage de The Primevals, qui sera finalement terminé bien plus tard grâce à Charles Band et une levée de fonds en ligne. Le long-métrage est sorti en 2023, bouclant ainsi la boucle des films de monstres animés à la main, dont ce Épouvante sur New York est un digne représentant.


A propos de Jean-Philippe Haas

Jean-Philippe est tombé dans le cinéma de genre à cause d’Eddy Mitchell et sa Dernière Séance, à une époque lointaine dont se souviennent peu d’humains. Les monstres en caoutchouc et les soucoupes volantes en plastique ont ainsi forgé ses goûts, enrichis au fil des ans par les vampires à la petite semaine, les héros mythologiques au corps huilé, les psychopathes tueurs de bimbos et les monstres préhistoriques qui détruisent le Japon. Son mauvais goût notoire lui fait également aimer le rock prog et la pizza à l’ananas. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/ris8C

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