Shaun of the Dead 7


Inutile de présenter Shaun of the Dead, la « comédie romantique avec des zombies » qui a révélé au monde entier le tandem Nick Frost/Simon Pegg. Sorti un an et demi après l’incursion de Danny Boyle dans le domaine du film de zombies, le film d’Edgar Wright est bien loin des parodies de film d’horreur qui étaient encore servies à l’époque et a connu le succès public et critique que l’on sait tous à travers le monde.

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Winchester et Cornetto

Shaun est vendeur en électroménager, mais son existence n’est pas très éloignée de celle d’un loser notoire. Ne sachant faire preuve d’aucune autorité, il est ridiculisé au boulot, dans sa vie de couple, dans sa vie familiale, et même dans son appartement, où il vit avec ses deux amis, Ed (un fainéant de première, constamment affalé devant les jeux vidéo, un pétard à la bouche) et Pete (un jeune cadre qui supporte mal de vivre avec ça). Quand Liz, la petite amie de Shaun, le quitte, celui-ci va noyer sa peine dans son pub favori, le Winchester, avec Ed. Lorsqu’ils se réveillent le lendemain avec une bonne grosse gueule de bois, la majorité des habitants sont devenus des zombies. Shaun et Ed cherchent alors à retrouver Liz ainsi que Barbara, la mère de Shaun et son beau-père, Philip, afin de les mettre à l’abri.

Si vous ne connaissez pas l’univers pré-Shaun de Simon Pegg, Nick Frost et Edgar Wright, sachez que tout commence avec deux séries télé : Les Allumés (Spaced en V.O.) et Black Books. Si la seconde a eu son petit succès en France grâce à sa diffusion sur Canal, la première est quasiment inconnue. Du moins, elle l’était à l’époque. Et c’est pourtant là que tout a commencé : Pegg et Frost y campent le même type de personnages que dans Shaun, et c’est Wright qui est à la réalisation de chaque épisode. Quant à Black Books, sa « petite sœur », elle reprend une grande partie du casting des Allumés (presque la totalité, en fait), et a un humour déjanté très similaire. Spaced est quand même plus proche du cinéma d’Edgar Wright, car c’est une série qui en a toutes les particularités : montage rapide, saccadé, gags reposant principalement sur des références à la pop culture… Bref, les bases du cinéma de Wright sont déjà posées cinq ans avant Shaun of the Dead, et l’un des épisodes voit justement Pegg combattre des zombies… du moins c’est ce qu’il croit, après avoir trop joué à Resident Evil.

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On retrouve donc tout le casting de Spaced et de Black Books dans Shaun, mais on retient surtout les pluies de références, qui sont la base de l’humour du film. Début 2004, à peine trois mois avant la sortie du film, Scary Movie 3 est distribué dans les salles britanniques. Troisième volet de ce qui était alors le « fleuron » de la parodie du film d’horreur (puisqu’il n’y avait tout simplement rien d’autre), le film de David Zucker prend une direction toute opposée à ce qu’étaient les deux opus précédents. Vous les avez tous vus, et je passerai donc sur l’humour graveleux et rarement drôle des deux premiers (malgré certains gags très réussis au niveau de la parodie) pour en venir directement au troisième, qui opte pour un humour plus absurde, plus fou. Zucker (l’un des maîtres américains du film comique, à mon sens) a totalement changé la saga de direction en l’espace d’un film, et continue encore à le faire, puisqu’il a rempilé pour le 4 et le 5, qui sort bientôt. Et lorsque Shaun of the Dead sort, il fait l’effet d’une petite bombe, avec cet humour très différent, très british, tout compte fait. Bien sûr, il y a des références dans Scary Movie 3 (c’est l’essence même d’une parodie), mais l’exploitation toute particulière qu’en font Pegg et Wright dans leur film rend celui-ci beaucoup plus original dans son traitement de la parodie. Ajoutons à cela le style de Wright, et on obtient le film qui a réinventé, ou plutôt révolutionné, l’image du film de zombies et de la parodie horrifique. Après Shaun of the Dead, aimer les zombies est devenu cool, mais il ne faut pas oublier que tout est parti de sujets bien plus graves.

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Jusque dans son titre, le film d’Edgar Wright fait explicitement référence aux films de Romero : sa trilogie des morts-vivants est citée de façon plus ou moins subtile pendant 1h40. Mais si ce dernier en est venu à réaliser des films de zombies, c’est, au même titre que Carpenter, dans le but de dénoncer la société de l’époque d’après les convictions politiques du cinéaste. La nuit des morts-vivants est un pamphlet contre la ségrégation raciale, encore très répandue à la fin des années 1960, ainsi que contre la guerre du Vietnam, à moindre échelle toutefois. Zombie, le second volet et le plus célèbre, est une critique de la société de consommation, et le troisième, Le jour des morts-vivants, un dénigrement total des deux blocs de la guerre froide. Chaque film de Romero est une critique d’un pan de la société américaine (ou mondialisée, aujourd’hui) qui est à la fois dans l’air du temps et qui est capable de traverser les époques. C’est en grands fans des films du cinéaste de Pittsburgh que Wright, Pegg et Frost se sont lancés dans l’aventure Shaun of the Dead, mais eux, c’est sans rien vouloir dénoncer. Seulement pour faire rire. Et ils y sont arrivés : le film a séduit Romero, qui leur a offert à tous les trois un rôle dans Land of the Dead, sorti l’année suivante.

Pour ma part, j’ai toujours trouvé que Hot Fuzz était supérieur à Shaun dans sa technique : Wright maîtrise mieux le traitement de l’action à l’écran dans le film suivant, alors que Shaun souffre de quelques imperfections, de quelques maladresses, mais comme pour tout premier film, cela ajoute du charme à l’œuvre. Shaun of the Dead est néanmoins devenu instantanément culte, à raison puisque c’est une comédie drôle, fraîche et qui porte un regard assez pertinent sur le statut d’œuvres cultes des films de Romero. Si vous êtes passés à côté, ce que je trouve quand même peu probable, n’hésitez pas, ne serait-ce que pour découvrir les excellentes scènes du balançage de vinyles et de l’attaque de zombies au Winchester sur Don’t stop me now de Queen. Et si les raccourcis vous font peur, vous pouvez toujours aller y boire une bonne bière en attendant que les choses se calment.


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.


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