Depuis quelques années, Hollywood n’a de cesse de recycler le film de possession à toutes les sauces et avec toutes les suites. Qu’il s’agisse d’Emily Rose ou du Dernier Exorcisme – qui aura une suite très bientôt, on nous a donc menti, – tous ces films essaient tant bien que mal de remettre dans l’air du temps les terreurs déjà lointaines causées par l’un des plus grands films d’épouvante de tous les temps : L’Exorciste. Possédée est donc de ces films-là, ceux qui croient vraiment à ce qu’ils font mais qui jamais, non jamais, n’arriveront à la cheville du chef d’œuvre de William Friedkin.
Boîte à idées avortées
Tenter de faire du neuf avec le genre surexploité du film de possession est une mission périlleuse. De même qu’il est difficile aujourd’hui de faire un film d’attaque de requin un tant soit peu crédible, ce sous-genre a son Dents de la Mer avec L’exorciste de William Friedkin, sorti en 1973. On ne pourra pas reprocher néanmoins à Possédée de ne pas amener quelques idées neuves ou un peu plus rares dans ce genre usé jusqu’à la lie. Le démon, cette fois, est enfermé à l’intérieur d’une petite boîte qu’une petite fille va acheter sur une brocante – toujours vous méfier des brocanteurs louches. Elle va l’ouvrir, tiens donc, et libérer la force démoniaque qui va s’installer non pas autour d’elle, mais en elle.
Possédée est véritablement le genre de films qui vous font dire qu’un scénario avec quelques petites idées ne pourra jamais faire un grand film sans un grand cinéaste. Ole Bornedal n’est pas William Friedkin, inutile de le préciser. Il s’était pourtant fait remarquer pour son film Le veilleur de nuit, d’abord réalisé en 1994 dans son pays d’origine, le Danemark, avant d’en faire un bien fade auto-remake quelques années plus tard pour Hollywood avec Ewan McGregor et Patricia Arquette. Les quelques autres films qu’il a réalisé depuis sont passés à peu près inaperçus. En voyant Possédée, on comprend pourquoi le mec, à cinquante balais et plus de vingt ans de carrière derrière lui, n’a pas un nom qui nous semble connu. Son film de possession a beau avoir quelques idées originales, il est hallucinant de voir à quel degré sa réalisation balaye d’un tour de main tous ses points forts pour ne laisser apparaître qu’un salmigondis immonde. Il y avait bien longtemps que je n’avais pas vu un film aussi mal mis en scène, longtemps aussi que je ne m’étais pas amusé à compter les faux raccords tant ils sont pléthores et grotesques.
Au milieu de ce manifeste d’école de ce qu’il ne faut pas faire techniquement parlant, se débattent des acteurs aux prestations bien maigrelettes. Si l’acteur Jeffrey Dean Morgan, qui campe le père, profite un temps de son étonnante ressemblance avec Javier Bardem, passé deux scènes, on prend vite conscience qu’il ne s’agit pas de l’acteur oscarisé mais bel et bien de son ersatz pour nanar. Même constat pour Kyra Sedgwick qui campe la mère de la fillette, et qui elle, profite trente secondes de sa ressemblance avec Julia Roberts. En fait, elle ressemble plutôt à Julia Roberts qui aurait eu un accident de voiture et aurait fait une chirurgie plastique réparatrice. Seule la jeune Natasha Calis tire son épingle du jeu avec certaines scènes de possession assez impressionnantes.
Depuis le début de l’article j’ai plusieurs fois parlé des bonnes idées du film. Car oui, il y en a. Elles sont totalement vaines, mais elles sont là. D’abord, le scénario oublie complètement d’exploiter la situation géographique dans laquelle il situe très vite son action. Rapidement, les parents viennent de se séparer et pour pouvoir accueillir ses filles en garde alternée, le père a acheté une baraque à peine terminée, au milieu d’un énorme chantier de quartier. Autour, toutes les maisons sont en construction, laissant un désert de bétonneuses et de maisons pas finies à l’horizon. Un aspect visuel assez intéressant qui ne sera absolument pas utilisé par la suite. On est surpris aussi de voir enfin un film d’exorcisme qui ne s’intéresse pas à la religion chrétienne. Il s’agit en effet d’un démon de la religion juive, le Dibbuk, et l’exorciste n’est autre qu’un rabbin. Je ne me dirais pas spécialiste de l’ensemble des films de possession, aussi je ne m’avancerais pas à dire que c’est du jamais vu, mais en tout cas, je n’avais jamais vu de films qui traitaient de l’exorcisme juif avant celui-ci. Autre bonne idée, très visuelle et assez pauvrement exploitée, celle de placer la jeune fille dans un IRM, ce gros tube qui photographie le corps dans ses plus infimes détails, alors même qu’elle possède un être démoniaque qui vit littéralement à l’intérieur d’elle. Des idées, je vous l’avais dit, il y en a, mais elles ne sont absolument jamais sublimées ni par la piètre qualité du jeu des acteurs, ni par le talent, inexistant ici, du réalisateur qui filme son histoire d’une manière totalement télévisuelle.
Possédée est donc de ces films que l’on s’étonne clairement de voir sortir en salles et qui finiront dans les bacs à cinquante centimes des magasins de reventes d’occasion. Il faut dire que le film n’a pas grand chose de cinématographique et a plus la gueule d’un téléfilm d’horreur que l’on passerait sur la TNT en deuxième partie de soirée. Ah si, pardon, le film a quelque chose de cinématographique : peut être son budget, de dix-sept millions de dollars, trois fois plus important que celui de Take Shelter de Jeff Nichols. Cette info en tête, les deux films mis côte à côte permettent un verdict sans équivoque : le talent n’est pas affaire de financement.
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