28 jours plus tard vs. 28 semaines plus tard 3


28 jours plus tard marque la première tentative de faire un film de zombies au Royaume-Uni depuis Norman J. Warren à la fin des 70s – cinéaste qui restera d’ailleurs l’un des seuls résistants de l’horreur durant la longue traversée du désert, et qui mériterait que l’on s’y intéresse de plus près. Un film qui aidera aussi à lancer la grande mode des zombies qui est aujourd’hui plus présente que jamais. Dix ans après, et alors que l’on a appris il y a peu de temps que 28 mois plus tard ne verra probablement pas le jour, que reste-t-il du film de Danny Boyle et de sa suite, réalisée par le prometteur Juan Carlos Fresnadillo ?

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London Killing

Round 1 : le scénario

Alex Garland, scénariste du premier film, connaît assez bien Danny Boyle puisqu’il est également l’un des deux hommes derrière le script de La Plage – d’autre étant John Hodge, scénariste des premiers films de Boyle. Ce qui ne fonctionne pas chez ce cinéaste, de manière générale, c’est sa volonté de tout montrer, tout expliquer, là où le cinéma d’horreur doit garder une part de mystère. Un point de vue presque médical que celui d’effacer les zones d’ombre et de tout exposer de façon très méthodique, qui trouve un écho dans la non-utilisation des mots « zombies » ou « morts-vivants », en désignant ceux-ci par le terme d’ « infectés ». Mais cette obsession pour l’explication donne aussi lieu à de nombreuses longueurs – le film fait près de deux heures – dont une séquence initiale absolument inutile, qui aurait sûrement gagné en impact et en crédibilité si elle avait été résumée à un carton avant le générique. Et c’est un signe qui ne trompe pas, car si les aficionados du cinéma de Boyle affirmaient encore à l’époque que ce dernier continuait à faire du 28vs2cinéma indépendant, il apparaît très clair que lorsqu’il revient à un film plus modeste comme celui-ci, il perd de ses moyens.

Juan Carlos Fresnadillo, en revanche, a lui-même coécrit la suite qu’il a réalisée avec l’aide de Rowan Joffe et ses deux comparses espagnols E. L. Lavigne et Jesus Olmo. Les bases étaient déjà bien établies, mais au lieu de reprendre la suite de l’histoire, Fresnadillo et sa bande ont eu la bonne idée de construire une nouvelle aventure, celle d’un père de famille à la recherche de ses enfants, vingt-huit semaines après le début de l’épidémie. Entre-temps, l’armée américaine a investi Londres, toujours en train de se mêler de tout ; les scénaristes tapent volontiers sur la suprématie auto-proclamée des ricains, qui étaient à l’époque en pleine débâcle irakienne (le film est sorti en 2007, quelques mois après l’exécution de Saddam, mais se déroule en 2004, alors que le combat fait rage au Moyen-Orient). Le script est mieux peaufiné que celui du premier, se perd moins en futilités et en longueurs (Boyle aurait pu faire de 28 jours un très bon film d’1h20 au lieu d’un film très moyen d’1h55), et se permet même une petite critique des USA sous l’ère Bush, donc.

Round 2 : les acteurs

Danny Boyle opte pour un casting presque exclusivement composé d’acteurs alors inconnus du grand public mondial : Cillian Murphy et Naomie Harris dans les rôles de Jim et Selena, les héros du film, accompagnés de Brendan Gleeson, célèbre gueule parmi les seconds 28vs3rôles du cinéma britannique. Dans des rôles secondaires, il recycle quelques acteurs apparus précédemment dans ses films, notamment Christopher Eccleston, l’un des trois protagonistes de Petits meurtres entre amis. S’il n’y a pas grand-chose à reprocher aux héros, il n’en est pas de même pour les grands méchants du film : les militaires. Tyranniques, pervers et inutilement trop méchants, ils n’ont que très peu de profondeur, et les acteurs jouant les simples soldats ont tendance à surjouer, ce qui rend indigeste tout le passage à l’intérieur de la résidence investie par les militaires, déjà suffisamment long.

28 semaines, en revanche, s’appuie sur un casting plus solide, le succès du premier film ayant probablement éveillé l’attention de quelques acteurs et actrices plus connus que ceux de l’opus précédent. C’est ainsi que l’on retrouve Robert Carlyle, Rose Byrne, Catherine McCormack, Idris Elba, Jeremy Renner et Harold Perrineau. L’histoire de ce second film implique un travail important sur les personnages, notamment la famille sur laquelle se concentre la trame, et le pari est réussi, car on s’attache beaucoup plus aux personnages de ce film-ci. Et on prend un malin plaisir, il faut le dire, à regarder Robert Carlyle en zombie.

Round 3 : la technique

Danny Boyle est intelligent : il sait qu’il est quasiment impossible, en 2002, d’innover dans le domaine du film de zombies, surtout avec un scénario tel que celui de Garland. Alors il opte pour une mise en scène assez originale, mais malheureusement bancale : montage 28vs4rapide, une caméra qui filme l’action presque comme un documentaire à certains égards, une utilisation intéressante des points de vue et du placement de la caméra sur certains plans, mais qui tourne à vide à cause de la lenteur de l’action ; il suffit de se reporter aux premières minutes de chacun des deux films pour en avoir un bon aperçu. La superficialité malheureusement trop présente de son cinéma joue contre lui. 28 jours est un film visuellement nerveux, c’est indéniable, mais qui se marie mal avec ce qu’il reflète, et qui se perd en cherchant à être (trop) original.

Si 28 jours était un film très gris, sa suite verse dans la noirceur totale. Fresnadillo est issu de l’école espagnole, il n’est peut-être pas utile de le rappeler, tant cela semble évident, mais c’est indéniablement ce qui manquait à Danny Boyle pour que sa réalisation trouve un vrai sens. Toujours aussi nerveux, 28 semaines bénéficie en plus du sens aiguisé de la mise en scène et de la réalisation de l’ibérique qui se cache derrière la caméra. A travers son objectif, nous ne regardons plus un simple film d’horreur, tant il sait y mêler les codes d’autres genres, comme le thriller. Mais je le répète, la trame et la réalisation sont très liées entre elles, c’est le grand obstacle du film de Boyle, que Fresnadillo a réussi à éviter.

Le cas Danny Boyle a toujours été une énigme pour moi. Génie pour certains, cinéaste moyen voire clairement mauvais pour d’autres, je me suis toujours senti entre les deux clans, ses seuls films ayant marqué ma cinéphilie étant Trainspotting et surtout Petits meurtres entre amis. Pour le reste, je les oublie systématiquement après les avoir vus, et 28 jours fait partie de ceux-là. Le vainqueur du match est clairement 28 semaines plus tard, certes réalisé avec un budget supérieur, mais qui fait un sans-faute tout le long du film. Un must-see du film de zombies, qui a sa place aux côtés des chefs-d’œuvre de Romero.


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.


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3 commentaires sur “28 jours plus tard vs. 28 semaines plus tard

  • Vincent GARRETT

    Oui, avec Boyle on a souvent plein d’espoirs, de bonnes voire de très bonnes idées mais sur l’ensemble, on reste sur sa faim avec un goût d’inachevé dans la bouche. Dans 28 jours, les premières séquences sont vraiment impressionnantes, Londres désertée, les attaques, la survie… mais passer autant de temps dans le château des bidasses en manque… idem que pour Sunshine, de bonnes idées mais mixées avec des invraisemblances et des incohérences telles que le résultat final en sort gâché… après ça reste visible, il y a malheureusement pléthore de films qui sont bien pire ! Quant à Robert Carlyle , il est vraiment bien dans 28 semaines, son personnage tout en demi-teinte entre terreur, lâcheté et amour de ses enfants… et rage sanguinaire !