Star Wars : Le Réveil de la Force 16


Trente ans après sa destruction et malgré une tentative de résurrection un peu ratée, l’Empire revient aux affaires avec comme premier ordre d’engranger des milliards de dollars à travers la galaxie, et faire tomber au passage, un à un, tous les records jadis établis. Malgré cet immense tapage médiatique, un résistant au sobriquet inattendu, le nostalgique et intrépide J.J, parvient à conquérir, par la force des choses, le cœur de millions de fans à travers le monde. Face à cette résistance, oeuvrant pour un plaisir des yeux, des sens et des oreilles, chérissant l’émotion la plus pure, celle d’un enfant s’émerveillant et s’émouvant devant les aventures de ses héros d’enfance, une poignée de rebelles pisse-froid emplissent l’internet de leur scepticisme. Alors que la bataille oppose depuis des semaines les armées des perplexes à celles des convaincus, quelques héros de la résistance sont chargés de ramener la vérité au sein de la galaxie…

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Dans une galaxie lointaine, très lointaine….

N’en déplaise à certains, je fais partie de cette résistance qui a bondi de joie à l’annonce d’un rachat de LucasFilm par le suprême leader Disney. Voilà bien des années que je pense que le père de toute cette galaxie lointaine avait suffisamment fait de mal à son bébé pour qu’on lui retire les droits de visite : défigurant la première trilogie de ré-édition en ré-édition et ratant une prélogie, pourtant pas totalement inintéressante, en la barbouillant d’effets numériques malvenus, de personnages guignolesques et d’un romantisme de tele-novelas. Soit, il s’agit probablement du seul exemple, par-delà tous les systèmes solaires, où un père qui violente son enfant se le voit racheter pour 4 milliards de dollars. En vouloir à George Lucas de ce qu’il a fait de sa création ne signifie pas pour autant désavouer totalement son respect et son amour pour ce bonhomme qui fut jadis l’un des plus grands chevaliers jedi d’Hollywood. Trouver horribles les versions remasterisées de la trilogie originelle et avoir d’immenses réserves sur la prélogie non plus, car c’est au contraire, en avouant un amour incommensurable pour les premiers films, dans leurs atours originaux que l’on salue au mieux ce qui nous semble être le vrai génie de George Lucas  en ces temps bénis où il n’était pas encore passé du côté obscur de la Force. Ne vous en faites pas, je n’irai pas plus loin pour fustiger notre ami barbu, un article annexe intitulé sobrement « Tuer le père » – publié en même temps que celui-ci – est là pour compléter l’argumentaire et casser les lombaires des anti-Disney au passage. Néanmoins, il me semble que lorsque l’on s’attaque à donner l’ébauche d’un avis sur cette nouvelle trilogie – ébauche, car, disons-le au passage, on ne pourra se faire une véritable opinion sur cette troisième trilogie que lorsqu’elle sera quelques-photos-tournage-star-wars-le-reveil-de-la-force-18-1024x550terminée – il convient de donner aux lecteurs quelques éclairages sur la position critique de celui qui écrit. Aussi, par souci de transparence absolue, je ne vous cacherai pas non plus être un fervent admirateur de J.J Abrams – en témoigne mon article sur Super 8 (2011), écrit à l’époque – tout comme je le suis aussi de ce que beaucoup appellent maladroitement l’Empire Disney – le nommant ainsi, comme si l’on parlait d’une monstrueuse vouivre qui gobe tout et le recracherait en plus mièvre, alors même, petit rappel au passage, que beaucoup de nos terreurs enfantines viennent du cinéma de Disney : à ce titre, je vous invite à (re)jeter un œil à notre dossier sur Disney et le cinéma de genre. Soit, les présentations faites, vous imaginez bien que l’article qui va suivre sera globalement positif. Il est sorti, du bout des doigts, d’un convaincu depuis le début, que le mariage de Disney et J.J Abrams était la meilleure union possible pour faire revivre l’une des sagas les plus mythiques de l’histoire du cinéma.

Rares sont les films à susciter tant d’émois, tant de questions, de débats et de spoilers. Rares sont les films à réussir l’équation impossible de cultiver le mystère jusqu’à la découverte en salle, tout en téléguidant un raz-de-marrée promotionnel. Qu’on se le dise, à moins de vivre sans internet, de s’imposer une vie de moine et une stratégie d’auto-défense drastique pour ne rien voir et entendre des bandes-annonces et innombrables articles spéculant sur les films à venir – certains de nos rédacteurs y sont parvenus, mais ont dû passer par un entraînement particulièrement rude pour maîtriser la Force et manger sans gluten – il semblait assez compliqué de ne pas savoir tout de Star Wars : Le Réveil de la Force avant de le voir. Et pourtant, toute la malice de Disney – pourtant pas très habile en général pour contrôler le secret autour des films qu’elle distribue, spécialement des films Marvel – est d’avoir su tirer profit des savoirs en la matière de LucasFilm d’une part – habitué à tourner les films de la saga, reclus du monde et des médias, dans les studios Pinewood de Londres – et de J.J Abrams dont l’une des tactiques marketing préférée est de créer des mystères à résoudre au sein même de l’espace de promotion : qu’est-ce qui se cache dans le train de Super 8 (J.J Abrams, 2011) ? Qu’est-ce qui attaque Pourquoi-Luke-Skywalker-est-absent-de-la-promo-de-Star-Wars-Le-Reveil-de-la-ForceNew York dans Cloverfield (Matt Reeves, 2008) ? Quelle est la vraie identité du méchant de Star Trek : Into Darkness (J.J Abrams, 2013) ? Qui sont Rey, Finn et Kylo Ren ? Où est passé Luke Skywalker ? Cette grande question qui a animé tous les débats de fans à chaque nouvelle bande-annonce se révèle finalement être le centre névralgique de l’intrigue du film. Les frissons parcourent l’épiderme, quand, bien ancrés dans nos fauteuils, le fameux thème musical de John Williams résonne dans la salle, laissant se dérouler sur la voûte céleste le traditionnel texte déroulant jaune – qui à lui seul, parvint à briser tout mon scepticisme quant à la conversion en 3D ce ce film qui n’a pas été tourné en relief. La réponse à la plus grande question que se posait les fans pendant des mois leur ait donné dès la première minute : Luke Skywalker a disparu.

Luke a disparu. Trente ans après les événements relatés dans Le Retour du Jedi (Richard Marquand, 1983) ce dernier est parti s’exiler sur une planète inconnue. Et pour cause, il s’en veut un peu d’avoir échoué dans sa mission de refonder l’Ordre Jedi. L’un de ses padawans, un certain Ben Solo (Adam Driver), en pleine crise d’adolescence a vrillé du côté obscur de la force et aurait (apparemment) décimé tous ses petits camarades de classe. Embrigadé dans les jupons d’un Sith qui se fait appeler le Suprême Leader Snoke (Andy Serkis) – mais que l’on soupçonne quand même un peu tous d’être le Darth Plagueis de la légende racontée par Palpatine dans La Revanche des Sith (George Lucas, 2005) – le jeune homme s’est donné un blaz’ aguicheur façon pseudo skyblog, Kylo Ren, et a emprunté au passage le style vestimentaire de son papy, s’affublant d’un casque de méchant pour cacher ses grandes oreilles et ses problèmes d’acné. Avec d’autres, il participe à un nouvel empire maléfique – reconstruit sur les cendres du premier – et que l’on appelle Le Premier Ordre. Parallèlement – un peu comme en Europe – la république boîte un peu, et une confrérie rebelle s’est formée appelée La Résistance, pour botter le cul de ses nouveaux nazis intergalactiques avant qu’ils ne foutent le boxon. C’est la générale Leia Organa qui coordonne les opérations. Au moment où débute le film, nous rencontrons celui que l’on nous présente comme le meilleur pilote de la galaxie, Poe Dameron (Oscar Isaac) qui a pour mission de retrouver une carte qui mènerait à Luke Skywalker. Cette fameuse carte va devenir le macguffin du film. Les forces du Premier Ordre comme de la Résistance vont lui courir après pendant deux heures vingt. Et pour cause, acculé puis capturé par les troupes de l’adolescent casqué adepte du dark metal, le très malin Poe a eu le bon sens de confier sa carte ultra secrète à son droïde BB8 – une petite 7142235boule, sidekick de luxe, atout mignon et fun du film – qui va vite se retrouver aux côtés d’une pillarde d’épaves, une certaine Rey (Daisy Ridley), dont le destin et les origines constituera, à n’en pas douter, le nœud scénaristique de la trilogie à venir. Rassurez vous, le présent article ne va pas simplement vous faire un résumer des péripéties du film, les quelques lignes qui précédent ont beau être longues et denses, elles ne déflorent que les dix premières minutes d’un tour de montagne russe de plus de deux heures.

J’entends déjà, l’écho, au loin, des pisse-froid qui, pour aller à l’encontre de la masse populaire, cachèrent leurs beaux sourires conquis en sortant des salles pour balancer des phrases telles que « C’est quand même un remake de l’épisode IV… », « Ça manque terriblement de surprise…» ou encore « Le méchant, avoue, il a une tête de gland ?! ». Soit, acceptons l’idée que la plupart de ces personnes se sentent infiniment plus intéressantes par le simple fait de porter une voix dissidente qui leur donnerait à leurs yeux quelque chose de différent et d’infiniment plus classe. Autorisons aussi, l’argumentaire des non-conquis parce-que déjà peu enclins à cautionner les bravades de l’espace de la saga. Acceptons qu’une bonne poignée sont des fans tellement fous qu’ils ne vénèrent que la trilogie originale et rien d’autre – souvent les plus de cinquante ans – et admettons qu’il existe quand même quelques uns qui n’aiment que la prélogie et trouvent que les épisodes originaux « ont trop mal vieilli ». Comme je ne fais pas partie de ces races extraterrestres je vais tenter d’objectivement parler du film et de l’émotion toute étrange qu’il a suscité en moi. Il est temps d’être tout à fait honnête avec vous. Oui, j’ai prononcé l’une de ces satanées saillies en sortant de la salle, un grand sourire béât coincé au creux de la trogne. Je me souviens avoir baragouiner quelque chose comme ça : « Le film est exactement celui que je voulais voir, mais du coup, je n’arrive pas à le trouver vraiment dingue, car je n’ai eu aucune surprise. Peut être manque t’il des séquences d’anthologie, même dans La Menace Fantôme (George Lucas, 1999) il y’en avait : la course de pods, le combat contre Darth Maul… ». Et puis les jours sont passés, l’envie de revoir le film grandissait mais je m’étais promis d’attendre un peu pour le revoir en IMAX, alors, souvent, aux détours de discussions endiablées avec d’autres primo-sceptiques ou pleinement conquis : j’ai fini par comprendre pourquoi ce Réveil de la Force n’avait pas ancré dans mon esprit une séquence plus qu’une autre. La réponse était assez simple et elle s’est pleinement révélée lorsque j’ai revu une deuxième fois le film. C’est à la fin de cette deuxième vision que j’ai compris que si peu de séquences ressortaient du lot, c’était bien entendu dû au fait de la grande qualité de l’intégralité du film.

Capture d’écran 2015-12-30 à 23.59.31Que dire d’abord de ce début, héroïque s’il en est, mais surtout terriblement bien mis en scène, où l’on découvre le personnage de Finn (John Boyega), stormtrooper dissident formé depuis petit à faire la guerre, qui va prendre conscience de ses méfaits en assistant et participant au massacre de tout un village. La révélation lui vient lorsque la main de l’un de ses camarades mourant, vient déposer une traînée de sang sur la visière de son casque. L’image est puissante, surement l’une des plus mémorables et élégantes du film. Ainsi, la mise en scène réussit un tour de force fabuleux, et ce dès les premières minutes du film : réussir à humaniser des stormtroopers, ces êtres si idiots et conditionnés que beaucoup crurent longtemps qu’ils n’étaient que des robots ! Que dire encore de la découverte de Rey et de ces plans la montrant, petit scarabée s’agrippant dans les entrailles d’un vaisseau épave ou dévalant une énorme dune en utilisant un bout de carlingue comme luge. La vision, encore magnifique est drôlement ingénieuse, d’un hologramme conçu pour donner à l’émetteur une majesté démesurée. Vous l’aurez compris, il serait long d’égrainer une à une les séquences qui m’ont marqué – et pour le coup cela reviendrait à raconter quasiment toute l’histoire – mais il me paraît complètement malhonnête de nier que cet épisode est l’un des mieux mis en scène de la saga. Ce n’est pas une surprise, on sait depuis longtemps – si l’on est à peu près de bonne foi – que J.J Abrams est bien plus qu’un « faiseur appelé à la rescousse pour sauver des franchises en état de léthargie ». Comme Poe Dameron, J.J Abrams est sans nul doute le pilote le plus doué de sa génération. L’élégance de sa mise en scène conjugue trouvailles visuelles – son habilité à apporter une puissance dramaturgique aux séquences de course-poursuite et de batailles spatiales est sidérante – et une adresse surprenante à distiller les clins d’œil aux fans des précédents opus. Alors oui, je sent déjà dans mon dos les grognons qui viendront grommeler que cet épisode n’est qu’un faux-remake du premier épisode réalisé par George Lucas en 1977. Il est vrai qu’il en emprunte quelque peu la structure narrative et ne se prive pas de convoquer quelques spectres du passé : que ce soit aux détours d’un plan, d’une phrase musicale ou d’une réplique. Mais…

Ce que beaucoup considèrent comme des facilités scénaristiques assimilées à du fan-service se trompent à mon avis amplement. Ces mêmes énergumènes n’ont peut être pas saisi – ou refusent de se l’avouer – que le film entier est conçu sur l’idée d’un passé à retrouver. Pour sûr, il s’agit de l’épisode de la saga Star Wars le plus nostalgique, parce que les personnages eux-mêmes cherchent à reconquérir un passé paisible et révolu. Le pitch est clair : Il faut retrouver Luke Skywalker. De même : il faut remettre la main sur le Faucon Millenium. Il faut sauver la république. Il faut se rappeler de ses vieilles histoires et regarder en arrière pour retrouver la lumière et faire face à un obscurantisme qui resurgit du passé. C’est cette nostalgie optimiste qui fait du Réveil de la Force à la fois l’un des épisodes les plus sombres mais aussi l’un des plus sensibles. L’autre beauté du film – et cela rejoint d’ailleurs cette idée de regard vers le passé – c’est qu’il travaille, sur plusieurs strates, autour du thème du passage de témoin ou de la notion d’héritage si l’on veut. Passage de témoin entre les générations de personnages, entre les générations de spectateurs, entre George Lucas et J.J Abrams… soit entre des pères et leurs fils, des grands-pères et leurs petits fils, des maîtres et leurs apprentis, jusqu’entre les vieux droïdes rouillés et les nouveaux tout beaux tout neufs. Alors, aux quelques pousse-mégots qui jouent encore les dubitatifs, soyez simplement honnêtes avec vous même : Le Réveil de la Force n’est pas seulement tourné vers le passé, il faut Star-wars-5reconnaître à J.J Abrams d’avoir réussi le tour de force d’avoir fait du film autant un excellent épisode d’exposition – le meilleur de la saga – qu’un brillant épisode de transition. La présence à l’écran de quelques vieux rabougris – que certains auraient pu accuser de venir cachetonner pour faire coucou aux fans – est donc au cœur de l’histoire et des thèmes qu’elle convoque.

Absolument tous les vieux personnages de la trilogie initiale n’ont pas seulement pris des rides : leurs caractères ont évolués. Les épreuves traversées durant ces trente années, leurs nouvelles responsabilités, leurs erreurs : les ont tout bonnement métamorphosés. Certes, Han Solo reste ce baroudeur toujours enclin à envoyer des punchlines, mais entre temps, il est aussi devenu ce père et ce mari absent. Dans l’une des plus belles scènes du film, Leia et Han se retrouvent après s’être apparemment séparés, durant ce qui semble avoir été de longs mois ou années. Han, un peu gêné, toujours serré dans son costume de cow-boy de l’espace, lui balance un timide « Tu as changé de coiffure ? » auquel Leia répond tendrement « Et toi ? Toujours la même veste ? » . Gêné, Han toise son veston, et lâche, la gorge nouée : « Non, j’en ai acheté une nouvelle…». La simplicité de cette échange pourrait être considéré par les nez-de-bœuf, toujours les mêmes, comme une facilité scénaristique pour faire un énième clin d’œil à la fanosphère et aux cosplayers fiers d’avoir reproduit la veste de Han ou les célèbres chignons de Leia. Hors, il y’a plus, de ce début d’échange jusqu’à sa fin – ils finissent par parler de leur fils tombé du côté obscur de la Force, un événement qui aurait visiblement accéléré la séparation du couple – on comprend notamment qu’elle lui reproche un petit peu de lui avoir préféré Chewbacca – après plus de trente ans d’amitié, ces deux là font vraiment vieux couple – et leurs aventures interstellaires au mépris de ces engagements familiaux. Ainsi, se cristallise sous nos yeux trente ans de vie de couple, de famille, de moment de joie et d’engueulades. En souterrain, Leia soumet Han à assumer une bonne fois pour toute cette nouvelle veste dont il se réclame, et d’enfiler enfin celle d’un père responsable. Le personnage de Luke, encore un peu énigmatique à ce stade, semble être voué au même traitement scénaristique.

Mais plus encore, cette caractérisation des personnages est tout aussi réussie sur les nouveaux venus – une bonne nouvelle lorsque l’on sait que la caractérisation de la personnalité des personnages n’était pas vraiment le fort de George Lucas, prenons l’exemple d’Anakin dont l’évolution entre l’enfant esclave tête à claque jusqu’au seigneur des Sith prenait parfois des raccourcis. En effet les petits jeunes s’en sortent à merveille. Si Rey rappelle à bien des égards le petit Anakin et le jeune Luke – elle hérite d’un destin similaire : abandonnée ou cachée par ses parents sur une planète désertique, elle dispose par ailleurs de prédisposition étonnante pour le bricolage, le pilotage et le maniement de la force – elle est aussi l’héritière directe de Leia, mêmes femmes fortes et émancipées, qui n’ont pas besoin des hommes pour se sortir du pétrin. Finn quant à lui, d’abord relégué au rôle du sidekick comique, se révèle peu à peu être un personnage tout à fait touchant, esclave émancipé en quête de rédemption, faisant acte d’un courage à tout épreuve. Si l’on passera un peu plus vite sur Poe Dameron – parce que l’un des regrets du film est clairement que son personnage manque, pour le coup, d’épaisseur mais surtout de présence à l’écran – vous me permettrez de m’appesantir d’avantage sur Ben Solo alias Kylo Ren, mais pour cela il va me falloir un paragraphe entier.

Si beaucoup ont considéré que le méchant de cet opus était ridicule et manquait cruellement de charisme je dois admettre que c’est l’un des personnages qui m’a le plus intrigué et séduit. Je n’irai pas jusqu’à contredire cet argument, parce que je le partage amplement. Je suis amplement d’accord que ce personnage est ridicule, et que niveau charisme il n’arrive pas à la cheville de l’incomparable Dark Vador. C’est justement cela qui le rend intéressant. Plus encore, ce jeune totalement paumé, en manque de reconnaissance et de présence parentale, que même son enseignant n’a apparemment pas su maîtriser et qui est visiblement manipulé par des individus malhonnêtes bien au fait de son état de faiblesse m’a immanquablement évoqué l’histoire de plusieurs centaines de jeunes européens endoctrinés par les recruteurs de l’Etat Islamique. J’ai questionné récemment mes parents qui ont l’âge d’avoir découvert au cinéma la première trilogie – ce genre de personnes qui appellerons toujours Star Wars : « La Guerre des Étoiles » – pour savoir si lors de leur sortie en 1977, 1980 et 1983, les épisodes originaux avaient une quelconque résonance avec l’actualité politique de leur époque. Ils m’ont expliqué que cela pouvait déjà jadis, faire écho avec la Guerre Froide – une guerre qu’on ne nommait pas vraiment parce qu’elle n’en était pas vraiment une – et évoquer la vraie Guerre des Étoiles que se livraient russes et américains autour de la conquête spatiale, c’était surtout le spectre du nazisme qui en resurgissait fortement. La star-wars-le-reveil-de-la-force-de-j-j-abrams-11477540fvohb_1713première trilogie regardait donc un peu à reculons, de même que la prélogie du début des années 2000, décortiquait les mécanismes politiques qui pouvaient faire sombrer une république vers le totalitarisme, donnant ainsi lieue à une évidente allégorie de l’apogée du Troisième Reich. En écrivant le scénario de ce septième épisode, J.J Abrams et Lawrence Kasdan – déjà à l’œuvre sur les scénarios des deux meilleurs volets à mon humble avis : à savoir L’Empire Contre-Attaque (Irvin Kirshner, 1980) et le Retour du Jedi (Richard Marquand, 1983) – semblent avoir voulu densifier cette représentation du mal et sa résonance directe avec l’Histoire. Néanmoins, s’il est difficile d’être certains que les deux scénaristes ont consciemment voulu parler de l’état actuel du monde – peut-être seront-ils à même d’en dire un peu plus lors des prochains interviews maintenant qu’il n’y a plus de secrets à garder – on ne peut pas nier que la lecture du film est largement influencée par les récents événements et l’émotion qu’ils suscitent encore chez les spectateurs. Que les scénaristes aient voulu parler en filigranes de l’Etat Islamique ou non, c’est en tout cas une nouvelle fois le fascisme – qu’importe l’identité ou la forme qu’il prend – qui est clairement figuré comme le côté obscur de la force : et cela même dans chaque plan où il apparaît. L’invocation du spectre nazi est évident, bien sûr, au moment ou le Général Hux – un monsieur visiblement très énervé d’être un rouquin – héle avec une hargne acharnée et une théâtralité légèrement exagérée à la Hitler, un discours haineux devant une foule armée brandissant bien haut le bras gauche. A l’heure où, partout en Europe, des idées d’un autre temps resurgissent from the past, ici ou là bas, de l’Aube dorée au Front national, quand plus à l’Est, on envoi au goulag des opposants politiques comme à la bonne vieille époque d’un bloc pourtant éclaté, quand au Moyen-Orient, en Afrique, ou dans les rues de Paris, on tue, on viole, on décapite… le cinéma, y compris lorsqu’il s’agit d’un divertissement de masse comme disent certains, peut servir aussi à nous montrer la lumière. C’est donc contre cette même idée du fascisme, et pour ce même idéal de justice et de paix, que se battent les résistants dirigés par Leia Organa. Dans l’une des séquences les plus pessimistes du film, le Premier Ordre ayant enfin réussit à construire une arme de destruction massive, détruit en une seule phase les dernières planètes sur laquelle la république exerçait encore ses droits. Alors que les planètes symboliques explosent dans un grand fracas, J.J Abrams appesanti sa caméra en contre-champ, sur les visages effrayés de spectateurs désœuvrés face à tant d’atrocité. Ces visages là, ils ont été les nôtres. Faisans poindre quelques notes d’espoir dans un final puissant, et en décidant de rester un long moment sur Rey tendant un sabre laser face caméra, le réalisateur nous fait comprendre que celui ci n’est pas uniquement destiné à Luke, mais aussi tendu au spectateur. Le film se finit sur un appel, une invitation – et pas seulement à aller voir l’Episode VIII dans deux ans – dans cette main tendue au spectateur et à Luke, on peut comprendre : face au phœnix de l’obscurantisme, il est temps de se joindre à la résistance.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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