Si le slasher semble avoir livré tous ses ressorts et possibilités depuis cinquante ans, d’Halloween (John Carpenter, 1978) à Thanksgiving (Eli Roth, 2023) en passant par Scream (Wes Craven, 1996), des réalisateurs tentent parfois de faire un petit pas de côté pour analyser le genre. C’est le cas d’In a Violent Nature (Chris Nash, 2025), tout juste auréolé du Grand Prix à Gérardmer, qui débarque enfin en France via la plateforme Insomnia.

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Johnny Got His Hook
Le slasher… À chaque critique d’un nouvel effort du genre, nous sommes tentés de revenir sur ses poncifs et ses règles : un tueur en liberté qui assassine du jeune à tour de bras, ces mêmes jeunes qui sont tous particulièrement décérébrés et réduits à l’état de chair à canon et une final girl pour laisser une porte ouverte à une suite. Évidemment, ce serait réduire le genre à peau de chagrin que de se contenter de ces quelques aspects – on les retrouve 95% du temps tout de même – car le slasher évoque bien plus et permet souvent d’iconiser des tueurs devenus légendes du septième art. Michael Myers, Leatherface, Jason Voorhees, Ghostface, etc. Autant de noms qui ont hanté et hantent encore nos nuits… In a Violent Nature, à l’inverse de bien des mauvais ersatz de ces boogeymen, parvient immédiatement à rendre son maniaque de service redoutable et iconique. Il faut dire que, pour une fois, le film prend le parti de suivre le tueur durant toute son intrigue plutôt que de s’intéresser faussement à ceux qu’il va éventrer, décapiter et démembrer. In a Violent Nature commence par le réveil du tueur qui était enfoui sous terre après que des jeunes gens ont subtilisé un pendentif qui lui appartenait. Bien décidé à reprendre ce médaillon offert par feu sa mère, il va prendre en chasse le groupe de jeunes.

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En faisant le choix de suivre uniquement le psychopathe, Chris Nash se refuse à l’un des grands clichés du slasher : développer artificiellement les caractères des victimes. Le cinéaste canadien ne fait même pas mine de s’y intéresser un tant soit peu, les victimes à venir ne sont là uniquement que pour subir le courroux de Johnny – oui, c’est le nom du tueur. Et l’intelligence de la mise en scène reste de parvenir à ce que l’on ne se demande plus où est caché le tueur, mais comment et à quel moment il va passer à l’action. Un déplacement de point de vue salutaire qui justifie à lui seul le format 4/3 du long-métrage, représentant la vision étriquée du serial killer. Aussi, ce changement permet de s’attacher – le mot est fort, oui – à Johnny et de comprendre ses motivations si basses du front soient-elles. Malgré le fait que In a Violent Nature assume un tueur aux accents fantastiques – on le voit littéralement sortir de tombe – sa forme narrative et sa mise en scène parviennent à le rendre étrangement humain. A moins d’avoir de sérieux soucis à régler, cette empathie vis-à-vis d’un homme qui assassine comme il respire n’est pas confortable pour nous spectateurs. C’est l’un des points forts du long-métrage : en quasi remake arty de Vendredi 13 – Chapitre 2 : Le Tueur du vendredi (Steve Miner, 1981), il impose un regard nouveau sur le genre qu’il aborde.

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Sur la forme, In a Violent Nature tend à se rapprocher de ce que l’on appelle vulgairement l’elevated horror en proposant une mise en scène aux antipodes des codes du slasher. Ni de scope planant du type Halloween ou Scream, ni d’images nanardesques à la Vendredi 13 (Sean S. Cunningham, 1980) ; l’image rappelle beaucoup plus les travaux de Gus Van Sant sur Elephant (2003) ou Last Days (2005). Le format 1.33 permet une constriction de l’image et des perspectives ainsi qu’une focalisation sur Johnny. Celui-ci est d’ailleurs filmé la plupart du temps de dos, en mouvement, comme l’étaient les tueurs de Columbine dans le film de Van Sant. Une démarche qui humanise forcément toujours plus le psychopathe. Dans un autre registre, moins poétique, la réalisation de Chris Nash multiplie les idées visuelles pour les exécutions brutales. Plans zénithaux, plans serrés sur une épine dorsale défiant l’anatomie humaine… Ces choix ne font qu’amplifier, la plupart du temps, la barbarie qui se joue sous nos yeux innocents. Le cinéaste s’y donne à cœur joie pour déverser des litres d’hémoglobine et nous éclabousser de tripaille. Mais à l’inverse d’un Terrifier (Damien Leone, 2016) malsain et faussement subversif, In a Violent Nature relève du pur plaisir gore intelligent et conscient de ce qu’il montre.
Dommage que les quinze dernières minutes, qui changent les règles établies en suivant désormais l’inévitable final girl, sonnent comme un aveu d’échec de la part du réalisateur. Inutilement longues et absolument pas nécessaires à la compréhension du message du long-métrage, ces minutes en trop semblent avoir été ajoutées au forceps pour éviter au film quelconque procès d’intention. Alors on est contents de revoir Lauren-Marie Taylor qui jouait l’une des proies de Jason dans Le Tueur du vendredi, mais la faiblesse des dialogues, la radicalité du changement de point de vue et l’impression d’être un poil pris pour des buses laissent un mauvais goût dans la bouche au lieu de terminer le massacre en beauté. Reste que, cette conclusion ratée et quelques lenteurs ici et là mises à part, In a Violent Nature impressionne de maitrise et d’originalité dans un genre que l’on aimerait voir plus souvent repensé de cette manière. En attendant une suite d’ores et déjà sur les rails – qui confirmera peut-être l’arrivée de Johnny au panthéon des croquemitaines iconiques du cinéma – ce premier film de Chris Nash est à retrouver sur la plateforme Insomnia. Si vous êtes fan de slasher, courrez assister au massacre !