The Nest


Premier long-métrage de Terence H. Winkless, The Nest (1988) est parfois connu en France sous le nom de Voyage au bout de l’enfer, un titre passe-partout beaucoup moins parlant que l’original qui signifie « Le Nid ». Le Chat Qui Fume offre aujourd’hui un Blu-Ray mérité à cette petite production Corman certes typique de l’époque mais pas tout à fait comme les autres.

Gros plan sur le monstre du film The Nest.

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Blatte-man

Une jeune femme effrayée se plaque contre le mur d'un salon plongée dans la lumière de nuit, uniquement éclairée par la lune, dans le film The Nest.

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Les dix plaies d’Égypte sont une source intarissable de catastrophes, naturelles ou non, pour le cinéma d’horreur. Les invasions de petites bestioles susceptibles de provoquer une peur irrationnelle ont ainsi été particulièrement exploitées dans le genre : les fourmis (Phase IV, Saul Bass, 1974), les sauterelles (Le début de la fin, 1957, Berty I. Gordon), les abeilles (L’inévitable catastrophe, Irwin Allen, 1978), mais aussi les tiques (Ticks, Tony Randel, 1993) et bien entendu les araignées (la liste est longue, à commencer par Tarantula de Jack Arnold, 1955 jusqu’à Vermines de Sébastien Vanicek en 2023). Étrangement, les cafards ne sont pas très prisés lorsqu’il s’agit de faire frémir le public du grand écran. Une invasion de cancrelats serait-elle moins impressionnante qu’une nuée de crickets ? Plus économique et plus facile à filmer, peut-être, à l’heure où les images de synthèse ne permettaient pas encore à des requins volants tricéphales de semer la terreur. Qu’à cela ne tienne, The Nest répare l’injustice en dotant ces créatures non pas d’une taille démesurée comme le suggère mensongèrement l’affiche, mais d’une capacité à s’hybrider avec d’autres espèces, y compris l’homme. Il fallait oser, or lorsqu’il s’agit de surfer sur la vague de l’épouvante à moindre coût, Concorde, la société des époux Corman est en première ligne. Produit par Julie, la femme de Roger, ce film désargenté et pas très consistant fait néanmoins son petit effet si on a la patience d’aller jusqu’au bout. Winkless, à qui on doit en partie le scénario de Hurlements (Joe Dante, 1981) n’a pas pris part à l’écriture et tente, tant bien que mal, de rendre la chose crédible.

Après quelques années passées sur le continent, Elizabeth revient sur l’île de Northport pour l’anniversaire de son père veuf et par ailleurs maire de la petite communauté. Moyennant finance, il couvre les agissements louches de la société Intec qui mène des expériences sur les insecticides via la Dr. Hubbard, aussi séduisante que monomaniaque. Richard, l’ex petit ami d’Elizabeth devenu shérif, vient accueillir son ancienne fiancée à l’aérodrome. Pendant ce temps, un jeune garçon disparaît et on constate une recrudescence de cafards qui de blattes ordinaires semblent devenues d’agressives créatures carnivores immunisées contre toute forme de poison… Dans ce récit pour le moins rocambolesque se croisent un vieux loup de mer un peu dérangé, une serveuse éprise du beau shérif, un cuisinier qui prépare ses plats clope au bec, une jeune et jolie généticienne – sorte de savant fou permanenté en talons aiguilles – fascinée jusqu’au macabre par ses expériences sur les blattes, un nerd de la désinsectisation et quelques autres. Le casting de cette production fauchée mais enthousiaste se compose d’habitués de la série B, à commencer par Robert Lansing (alias le père d’Elizabeth), « tête » bien connue à la télévision où il a interprété une multitude de seconds rôles dans une multitude de séries. Certains se souviendront peut-être de son rôle principal dans 4D Man (Irvin S. Yeaworth Jr., 1959). Mais un film d’horreur des années 80 n’en serait pas un sans son lot de beaux jeunes gens : dans les rôles de Richard et d’Elizabeth, les amoureux transis, on trouve respectivement Franc Luz et Lisa Langlois. A l’époque, cette dernière est déjà habituée au cinéma de genre puisqu’on l’a vue par exemple dans Class 1984 (Mark L. Lester, 1982) ou Les rats attaquent (Robert Clouse, 1982).

Blu-Ray du film The Nest proposé en Blu-Ray par Le Chat qui Fume.Étonnamment, en dépit de son estampille « Corman », The Nest ne racole pas trop malgré la présence de jeunes et accortes actrices. Le réalisateur quant à lui ne cherche pas à masquer la maigreur des moyens mis en œuvre : au contraire, il en joue en faisant adroitement durer le plaisir. Les  « horribles » et « sanglantes » attaques se déroulent la plupart du temps hors-champ et sont annoncées par d’hideuses stridulations perçantes émises par les insectes. Les scènes gores se dévoilent par petites touches : un chien dépecé par-ci, un chat écorché par-là, mais il faut attendre le dernier quart du long-métrage pour que soit grillé l’essentiel du budget avec la découverte du « nid » en question, sur fond d’explosions et d’apparition de diverses aberrations génétiques monstrueuses, celles-ci prêtant davantage à rire qu’à frémir. Cet entre-deux presque parodique est probablement assumé, en témoignent plusieurs scènes ouvertement humoristiques dont l’une est particulièrement réussie : alors que les cafards ont envahi toute la ville, Lillian la serveuse tente avec détermination de les exterminer, utilisant tout ce qui lui tombe sous la main derrière son bar – micro-ondes, grille-pain, friteuse… – tandis que « La Cucaracha » (« cafard » en espagnol) passe à la radio. Tout en respectant les codes de l’horreur des eighties, The Nest fait donc ce petit pas de côté qui lui permet d’échapper à l’oubli, le sort de la plupart des sous-produits de cette époque, du fait qu’il ne se prend pas vraiment au sérieux et peut néanmoins être vu au premier degré, en version originale sous-titrée de préférence, le doublage en français étant quelque peu surjoué, comme souvent dans ce genre de production des années quatre-vingt. En l’absence d’autres bonus, on se rabattra sur la bande-annonce d’époque en version française, présentée « dans son jus », où on aperçoit furtivement tout le panel des créatures mutantes du film, tandis qu’une voix off (pas vraiment) inquiétante nous promet un « voyâââge au bout l’horreur ! ».


A propos de Jean-Philippe Haas

Jean-Philippe est tombé dans le cinéma de genre à cause d’Eddy Mitchell et sa Dernière Séance, à une époque lointaine dont se souviennent peu d’humains. Les monstres en caoutchouc et les soucoupes volantes en plastique ont ainsi forgé ses goûts, enrichis au fil des ans par les vampires à la petite semaine, les héros mythologiques au corps huilé, les psychopathes tueurs de bimbos et les monstres préhistoriques qui détruisent le Japon. Son mauvais goût notoire lui fait également aimer le rock prog et la pizza à l’ananas. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/ris8C

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