Mon Ami Robot, film d’animation de l’espagnol Pablo Berger, qui a eu une belle carrière en festivals – notamment à Annecy où il a été primé – est désormais disponible sur support physique. Une sortie qui élimine toute excuse pour ne pas se jeter sur ce bijou animé où les petits comme les grands ne peuvent n’en sortir qu’émus…
La Mécanique du Coeur
Sur son affiche et dans ses bandes-annonces, les petites coupures de presse annonçaient « une ode à l’amitié » pour Mon ami Robot (Pablo Berger, 2023). Il est vrai qu’avec cette histoire de chien anthropomorphique vivant bien seul et qui s’achète un robot de compagnie, nous sommes spectateurs d’une belle bromance. Situé dans un New-York gentiment suranné – les tours du World Trade Center sont visibles par exemple – nous sommes plongés au cœur de ce monde où différentes espèces animales cohabitent. Un peu à la Zootopie (Byron Howard, Rich Moore & Jared Bush, 2016) bien que ce soit là la seule ligne de comparaison possible avec le 55ème classique de chez Disney tant le rythme et l’animation de Mon ami Robot en est à l’exact opposé. Car le film espagnol est dénué du moindre dialogue, les jeux de regard et l’universalité du propos rendant compréhensible chaque échange, et prend le temps d’installer son tempo à contre-courant de la frénésie de l’animation selon les grands studios. Le point de bascule intervient au premier quart d’heure lorsque le chien et le robot se retrouvent séparés sur une plage par une panne mécanique et la fin de la saison des baignades. À cet instant, l’histoire alterne entre l’animal et la machine sur lesquels tombent les angoisses inhérentes à l’amitié – « va-t-il m’oublier ? », « se fera-t-il d’autres amis que moi ? », « pourrait-il lui arriver malheur ? ».
Le long-métrage dévoile ainsi une construction en poupées gigognes où les rêves – le titre original est Robot Dreams après tout – se confondent avec la réalité et servent à incarner tantôt les inquiétudes et les espoirs de nos deux protagonistes. Mais nous ne sommes pas chez Christopher Nolan et Pablo Berger trouve le ton juste et une fluidité remarquable pour ne jamais perdre les jeunes et moins jeunes spectateurs. En substance, Mon ami Robot – qui est précisons-le, une adaptation du roman graphique de Sara Varon – propose un regard universel sur l’amitié faites de déceptions, de rendez-vous manqués mais surtout de tendresse et de petits gestes. Avec ses références à tous pleins de standards musicaux américains – September de Earth, Wind and Fire est utilisé avec intelligence, tant comme morceau à part entière que par déclinaison au piano au cœur de la bande-originale – et de chefs-d’œuvre du septième art comme Shining (Stanley Kubrick, 1980), Manhattan (Woody Allen, 1979) ou Le Magicien d’Oz (Victor Fleming & King Vidor, 1939), Pablo Berger, pour qui c’est le premier film d’animation après trois long-métrages en prises de vue réelles dont l’un également muet, s’approprie le support originel en décrivant un New-York qu’il a lui-même connu tout en le respectant dans ses choix esthétiques et sa simplicité de traits. Il déploie une inventivité de tous les instants quand il s’agit de proposer de vrais moments de cinéma, de bravoure ou de simples transitions entre deux scènes. Son long-métrage devient alors un précis de storytelling et de réalisation, doublé d’une fable absolument renversante.
Ce qui risque de nous marquer encore longtemps, c’est son final déchirant et à la fois étrangement positif. Dans une double scène qui aurait pu être un repoussoir pour les allergiques aux retournements de situations et qui pourrait « trahir » ses spectateurs, Mon ami Robot nous achève en proposant une fin de fable où le deuil et son acceptation sont traités avec une maturité impressionnante, une beauté qui laisse bouche bée. Il suffit de voir le regard ému d’un robot animé pour se rendre compte de la beauté du film, ses silences, ses petites marques d’attention, ses moments d’allégresse… Alors on repense au récit dans son ensemble, à sa construction faussement alambiquée et à la façon dont le long-métrage et son cinéaste nous ont retournés. On n’avait plus vu de proposition d’animation aussi radicale par son épure, aussi mûre dans son message et aussi respectueuse de son audience depuis Marcel, le coquillage (avec ses chaussures) (Dean Fleischer-Camp, 2021). Un parti pris visuel, auditif et thématique qui fait du bien et qui ouvre des voies alternatives aux grosses productions – dont on ne dénigre pas les qualités ! Les enfants y sont sensibles et vous le serez également, à coup sûr… On vous encourage donc à vous procurer d’urgence le DVD ou le Blu-Ray édité chez Wild Side. L’édition Blu-Ray contient deux petites cartes postales exclusives ainsi que de nombreux entretiens avec différents collaborateurs du film revenant sur le défi qu’était cette retranscription de l’œuvre initiale de Sara Varon. Nous vous encourageons donc à vous jeter sur Mon ami Robot qui a tant à dire et qui fourmille de tant de détails que d’autres visionnages seront nécessaires pour en capter toute la richesse.