Parfois titré Les Fantômes d’Halloween dans nos contrées françaises, Lady In White (Frank LaLoggia, 1988) retrouve toute la poésie de son titre original dans la réédition du Chat qui Fume. Une occasion en or – et en haute définition ! – pour découvrir cette petite pépite de la fin des années 80, sorte de croisement entre Amblin, la Hammer et le cinéma italien…
Fantômes en Fête
Ce qu’il y a de bien avec toutes ces rééditions de films plus ou moins connus de tous les âges, c’est que, parfois, on tombe sur de vrais petits bijoux qui nous étaient jusqu’alors inconnus. C’est l’une des missions de l’éditeur Le Chat qui fume, et ça tombe bien puisque c’est l’une de leurs dernières sorties qui nous a tapé dans l’œil : Lady In White. Peut-être certains d’entre vous l’aurons vu sur une étagère de vidéo-club ou lors d’un passage télé, mais l’édition qui nous intéresse aujourd’hui permet de profiter d’un master de haute volée avec, s’il vous plaît, les trois versions du film, à savoir sa version cinéma, sa version longue et son director’s cut. Des nuances pas si inutiles que ça puisque chacune apporte un regard différent sur les thématiques du long-métrage, et elles sont nombreuses. La seconde réalisation de Frank LaLoggia après Fear No Evil (1981) raconte l’histoire de Frank, un romancier à succès qui revient dans la ville de son enfance et se remémore un épisode traumatique de sa vie de gamin : flashback… Écolier, Frank s’est retrouvé enfermé dans les vestiaires de son école suite à une mauvaise blague. Il voit alors le fantôme d’une petite fille assassinée quelques années auparavant par un tueur en série… Et surgit alors le meurtrier qui s’en prend à lui. Frank survit miraculeusement à l’attaque mais va chercher à comprendre ce qu’il s’est passé…
En choisissant le récit sur deux époques, avec notamment pour cadre les années 60 et leur racisme décomplexé ainsi que le point de vue d’un enfant, Frank LaLoggia rappelle quelques récits de Stephen King, notamment Ça, sorti en 1986. Lady In White évoque en effet une certaine vision de l’enfance où l’innocence se voit contrariée par la laideur et la brutalité du monde des adultes. Néanmoins plus que les méfaits de Grippe-Sou, le film convoque une autre nouvelle du même auteur Le Corps, parue la même année et adapté au cinéma par Rob Reiner avec Stand By Me (1986). Lady In White porte en lui la même mélancolie sourde et pourrait en être le prolongement thématique. Ce parti pris, à hauteur d’enfants, rappelle également les productions du studio Amblin, de E.T. L’Extra-terrestre (Steven Spielberg, 1982) aux Goonies (Richard Donner, 1985). En cela, la proposition de Frank LaLoggia parait étrangement familière à tout amateur du cinéma américain des années 80. Pour autant, Lady In White fait plusieurs pas de côté qui lui permettent de posséder son univers propre et une identité follement séduisante. LaLoggia s’est inspiré de sa jeunesse, et on sent à tous points de vue que le long-métrage, vendu comme un quelconque film d’horreur – ce qu’il n’est pas – lui ressemble.
Le petit Frank – déjà le prénom n’est pas choisi au hasard – vient d’une famille italienne, comme le cinéaste. Ce qui pourrait paraitre comme une petite caractérisation de rien du tout est au contraire une force supplémentaire qui permet à Lady In White d’aller piocher dans la comédie italienne pour quelques-unes de ses très bonnes séquences familiales. Un ton qui peut d’abord surprendre – qu’est-ce que des élans humoristiques sur le tabagisme du grand-père viendraient faire dans une relecture du mythe de la Dame Blanche ? – mais qui prend sens quand cette légèreté participe finalement à la tendresse réelle de ce cocon parental. Cela peut éventuellement empiéter sur l’efficacité du rythme global, mais la sincérité de l’ensemble finit par l’emporter. Lady In White est par ailleurs l’occasion pour LaLoggia de s’amuser pleinement avec les outils techniques de son époque. Collages, effets de couleurs, incrustations, etc, cette déferlante d’effets qui, dans une certaine mesure, fait penser à Dracula (Francis Ford Coppola, 1992), toujours à la limite du bon goût, participe encore une fois à la singularité du projet. Alors que son petit héros est fan des monstres de la Hammer, le réalisateur semble rendre hommage au fameux studio dans cette façon romantique, au sens premier du terme, de faire apparaitre le fantastique dans une certaine réalité. Si l’équilibre global flanche à quelques endroits, il est difficile de ne pas être conquis par un tel objet, sincère et jusqu’au-boutiste.
La réalisation de Frank LaLoggia est d’abord aidée par le travail à la photographie de Russell Carpenter, futur chef opérateur de James Cameron sur True Lies (1994), Titanic (1997) ou Avatar 2 : La Voie de l’eau (2022). Ainsi les images sont bercées d’une vraie nostalgie et quelques séquences impriment la rétine durablement, comme celle où le spectre de la petite fille et Frank se promènent dans un jardin. Du côté des forces de Lady In White, comment ne pas citer le formidable et tout jeune Lukas Haas ? Lui qui avait été révélé par Witness (Peter Weir, 1985) porte le long-métrage de A à Z et passe par toutes les émotions. On sait à quel point faire jouer un enfant, à plus forte raison dans un film fantastico-horrifique, peut être un sacré numéro d’équilibriste or l’acteur, désormais trop rare, devient l’un des atouts majeurs du film. Il est entouré d’une belle galerie de gueules du cinéma américain comme Alex Rocco, touchant dans le rôle d’un père seul et fragile, Len Cariou, inquiétant, et même le petit Jared Rushton que l’on verra plus tard dans le rôle de Ron dans le cultissime Chérie, j’ai rétréci les gosses (Joe Johnston, 1989). Autant d’apports qui font de Lady In White une réussite loin d’être parfaite mais qui mérite d’être redécouverte.
Et l’édition du Chat qui fume s’avère être l’occasion rêvée pour cela ! Car en plus de proposer le long-métrage dans ses trois montages, le soin apporté à la restauration est impressionnant. Le niveau de détails, le respect des couleurs de Carpenter, le grain originel, tout participe à un visionnage précis et agréable. Le travail sur le son est lui aussi exemplaire et souligne la beauté de la bande originale, composée par le cinéaste lui-même, aux accents de Bill Conti. Au rayon des suppléments, Christophe Lemaire revient sur le contexte de sortie de Lady In White, soit une époque où le fantastique était riche en propositions et envahissait les salles. Un making-of ainsi que des scènes coupées viennent agrémenter le tout. En prime, un petit court-métrage promotionnel est proposé, montrant que même dans l’exercice publicitaire, le film se montrait déjà audacieux. L’ensemble est proposé dans un joli coffret, typique des ressorties chez l’éditeur qui invite encore une fois à redécouvrir une œuvre et son réalisateur, tous deux oubliés, qui presque quarante ans après, entre intrigue fantastique et policière, émerveillent toujours par leur lyrisme et leur regard bouleversant sur l’enfance…