Avant une sortie VOD, Little Monsters s’offrait une séance unique dans les cinémas CGR le 18 octobre dernier, pour les détenteurs de sa carte fidélité. Deuxième long-métrage de Abe Forsythe, après un Down Under (2016) acclamé par la critique, Little Monsters s’attaque au cinéma de genre et plus particulièrement à celui des films de zombies, en mêlant l’horreur à l’humour. Lupita Nyong’o avec un ukulélé qui chante du Taylor Swift, vraiment ?
Allô maman, ici zombie
Depuis plusieurs années, les films de zombies sont assiégés d’un élan d’humour voulant contraster avec la dureté des bras arrachés et des têtes coupées alors que le mélange des deux genres existe depuis longtemps et avec un épanouissement non dissimulé. Néanmoins, ces dernières années, les productions se sont suivies, se sont ressemblées, ont essayé d’égaler leur aînés – Shaun of the Dead (Edgar Wright, 2005) et Bienvenue à Zombieland (Ruben Fleischer, 2009) en tête – mais, pour la plupart, sans jamais marquer durablement les esprits. La raison ? Les longs-métrages souffrent de la comparaison avec les mastodontes du genre, qui leur est souvent imposée par un marketing mal pensé et dont le seul résultat est de créer des termes comme « sous-Shaun of the Dead », « sous-Zombieland » ou encore « sous-Evil Dead ». C’est alors que la question suivante nous taraude les lèvres : est-ce que Little Monsters est une énième copie bon marché ou une véritable nouvelle proposition ? Sur le papier, cette nouvelle production a tout de la bonne surprise, avec un angle assez rare – confronter une classe de jeunes enfants à une horde de zombie. La présence de Lupita Nyong’o ou Josh Gad dans les rôles principaux ajoutent à la confiance de cette potentielle nouvelle pépite de comédie d’horreur, passée par le prestigieux festival de Sundance, qui plus est ! Dans cette marmite de tas de bonnes choses, la dégustation ne pouvait être que savoureuse…A moins de tomber sur un os ou pire : les deux cent vingt quatre os du foutu corps humain. Indigestion en vue.
Comme ses aînés, Little Monsters se veut cool, se veut frais et novateur dans son approche du genre, sans jamais réussir à l’être réellement…Parce que tout ça a un terrible arrière-goût faisandé ! Alors reprenons, une classe de jeunes enfants se retrouve au milieu d’une épidémie de zombies. Super, me direz-vous, ça va être le fun durant près d’une heure et trente minutes ! Eh bien non. Comme pour toutes les thématiques qui seront abordées, toutes les blagues qui seront essayées, ou encore le traitement des personnages rien ne sera assumé jusqu’au bout et c’est là tout le drame. Par exemple, le ressort comique et horrifique initial, à savoir celui de confronter de jeunes enfants à des zombies, n’est jamais vraiment respecté puisqu’ils n’interagiront à aucun moment ensemble. Ce sont donc les adultes qui traitent le problème, mais là encore de manière presque expéditive. Alors que Lupita Nyong’o – qui prête ses traits au personnage de Mlle Caroline – sort pour récupérer de la ventoline, elle se retrouve nez à nez avec une centaine de zombies qu’elle dézingue, comme tout bon survivant le ferait. Dommage pour les spectateurs qui ne la verront exécuter que trois morts-vivants, avant que le long-métrage ne réalise une ellipse conséquente, où Mlle Caroline revient avec sa robe toute tachée de sang et où le spectateur manque sa seule chance d’être un peu diverti. Il en sera de même pour le désormais célèbre ukulélé du même personnage, bien mis en évidence dans la promotion et les premières minutes du récit, mais qui se révèlera être un piètre ressort comique jamais exploité correctement. Des idées, en veux-tu en voilà ! Encore faut-il aller jusqu’au bout de celles-ci…Ce Little Monsters laisse donc un sentiment bien amer, mais il en existe un autre encore plus affreux : celui de repartir le ventre vide, sans rien n’avoir eu vraiment à se mettre sous la dent.
En soi, Little Monsters ne peut pas être qualifié de “catastrophe” tant il existe des productions beaucoup plus ratées que celle-ci et qui cherchent de surcroit à être moins singulières. Le long-métrage de Abe Forsythe possède cette force incroyable, qui est sûrement aussi son plus grand défaut, de vouloir être autant mainstream qu’exigeant. Dès lors, le film part avec une balle dans le pied, voulant plaire à un trop grand nombre, tout en amenant un ton irrévérencieux qui n’est jamais pleinement assumé. On est en droit d’ailleurs de se demander ce que le long-métrage assume, tant dans son scénario que dans sa forme bien trop lisse au demeurant, n’offrant jamais un relief ou un quelconque regain de dynamisme quand le scénario faiblit. C’est dommage puisque, encore une fois, tout n’est pas à jeter dans ce que propose le long-métrage, et que les bases, très solides, d’une future pépite du genre se trouvent dans les intentions de Abe Forsythe. Entre l’indigestion et le manque d’éléments à se mettre sous la dent, Little Monsters reste cette production que l’on regarde de biais, entre potes et avec une pizza à partager. Cowabunga ?