Netflix continue d’enrichir sa programmation d’Halloween avec le film d’horreur norvégien Kadaver (Jarand Herdal, 2020) qui ne vous fera malheureusement pas très froid dans le dos.
Le spectacle de Guignol
Si Netflix a montré toute l’étendue de son talent pour produire des séries fantastiques de qualité et de toutes nationalités (Kingdom, Mortel, The Haunting of Hill House, etc), on ne peut pas en dire de même de ses films d’horreur. Si le très récent Le Diable, tout le temps (Antonio Campos, 2020) pourrait peut-être faire office d’exception, la firme américaine a plutôt l’habitude d’enchaîner les nanars horrifiques, et Kadaver n’en est qu’un énième exemple. Premier long-métrage en solo pour le Norvégien Jarand Herdal, davantage habitué à la réalisation de clips musicaux, Kadaver se prend les pieds dans le tapis avec un scénario – également écrit par le jeune homme – mal ficelé et surtout invraisemblable de bout en bout. Les influences ne manquent pas : une ambiance masquée à la Eyes Wide Shut (Stanley Kubrick, 1999) – mais, attention, rien d’érotique et surtout rien d’hypnotisant ici – des gros gaillards en mode Massacre à la Tronçonneuse (Tobe Hooper, 1974), des longs couloirs à la Shining (Stanley Kubrick, 1980), et les amateurs de jeux vidéo ne pourront s’empêcher de penser aussi à Amnesia : A Machine for Pigs. Cette impression de déjà-vu assez désagréable aurait pu être allégée par un scénario percutant ; que nenni, le film reste linéaire et prévisible en utilisant à la pelle toutes les tropes des films d’horreur les plus basiques. Explications.
Suite à un probable conflit nucléaire – probable, car Kadaver ne fournit aucune explication sur le contexte – un couple et sa petite fille vont de maison en maison à la recherche de nourriture dans une ville post-apocalyptique. Quand une mystérieuse roulotte fait son apparition et invite les passants affamés à venir assister à un dîner-spectacle, la mère (Gitte Witt) saute sur l’occasion et réserve des billets pour toute sa petite famille malgré la réticence du père (Thomas Gullestad). Il a raison le papa : ce n’est pas un peu étrange un dîner-spectacle gratuit en plein milieu d’une famine ? “Mais non, ça va nous changer les idées” répond la maman naïve. En compagnie d’autres idiots qui n’ont pas flairé l’entourloupe à des kilomètres, ils se rendent dans un grand manoir où leur est servi un repas digne d’un cinq étoiles. C’est alors que le maître des lieux, Mathias (Thorbjørn Harr de la série Vikings), leur explique le déroulement du spectacle : les invités doivent porter un masque et suivre les acteurs (non-masqués) au gré de leurs déambulations dans le manoir. Tiens tiens, ça sentirait pas un peu le jeu de massacre ? Entre les scénettes de disputes conjugales, de crises de nerf et de sexe, on se demande sérieusement ce que la petite fille fait au milieu de ce théâtre glauque, et de surcroît sous les yeux de ses parents qui continuent quand même de jouer le jeu. Oui mais voilà, la petite fille disparaît, papa et maman s’affolent, et c’est la descente aux enfers. On ne s’y attendait pas du tout !
Le titre est trompeur car il fait penser à un film gore où les cadavres s’amoncelleraient, alors qu’on suit l’héroïne arpenter de long en large les couloirs et tunnels pendant une courte heure et demie qui nous semble pourtant… Interminable. On a l’impression de tourner en rond en attendant un retournement de situation qui nous sortirait de notre torpeur mais qui ne vient jamais. Au contraire, Kadaver s’empêtre dans des soi-disant rebondissements qui ne contribuent finalement qu’à disséminer des trous scénaristiques dans tout le récit. Le jeune réalisateur avait certainement des idées plein la tête, mais malheureusement déjà usées jusqu’à l’os. La mise en scène ne sauve pas la mise, les cadrages sont toujours les mêmes, les zooms et travellings avant à gogo finissent par lasser, et le jeu d’acteur est au ras des pâquerettes… L’idée d’une pièce de théâtre ambulante était pourtant bonne car elle permettait de flouter la frontière entre le jeu et la réalité : une fois les masques ôtés, qui continue à jouer la comédie ? De même que le conflit entre l’instinct de survie et l’éthique que Mathias évoque quand il demande « comment rester humain ? ». Dommage que Herdal n’ait pas su tirer profit de ces quelques bons tuyaux pour élaborer une histoire qui sortirait de sentiers mille fois battus. La Norvège nous propose donc des productions de genre en dents de scie, pouvant passer de l’excellent Thelma (Joachim Trier, 2017), au récent Mortal (André Øvredal, 2020) que Kadaver rejoint sur les bancs de la médiocrité.