Après plusieurs productions anglo-saxonnes, André Øvredal opère un retour norvégien avec Mortal, un détournement du film de super-héros complètement raté qui sort directement en VOD et vidéo chez Wild Side.
Allumer le feu
Øvredal revient donc dans son pays natal pour une production américano-norvégienne, tournée dans les deux langues, sur un jeune homme qui cherche à comprendre l’origine de ses super-pouvoirs incontrôlables et qui ont déjà causé leur lot de morts et de blessés. Le jeune homme en question, Eric, est interprété par Nat Wolff qu’on a déjà vu dans le teen movie La Face cachée de Margo (Jake Schreier, 2015) au côté de Cara Delevingne, et aussi dans l’horrible remake en live-action de Death Note (Adam Wingard, 2017). Très peu convaincant dans cette prestation, il est accompagné d’un rôle féminin qui fait encore pire que lui : la norvégienne Iben Akerlie (Christine), dans le rôle d’une jeune psychologue qui va tenter de l’aider dans son périple. Si les précédents efforts d’Øvredal avaient majoritairement plu malgré quelques maladresses – The Jane Doe Identity (2016) ou Scary Stories (2019) par exemple – Mortal fait certainement partie des travaux les plus pauvres et incohérents de la filmographie du réalisateur. Commençons par le commencement : le film s’ouvre in medias res sur Eric qui erre hagard dans la forêt norvégienne avant de malencontreusement tuer un jeune homme qui le cherchait d’un peu trop près. Emmené au poste de police, ce dernier fait la connaissance de la psychologue Christine qui, à force de questions pressantes, lui déclenche une crise : des éclairs lui sortent du corps, sa peau tombe en lambeaux sous l’effet du feu, Eric ne contrôle plus rien. Extradé par l’ambassade américaine, il fait crasher l’hélicoptère et c’est là que débute son parcours du combattant pour échapper à la police et rejoindre la ferme familiale où ses pouvoirs se sont déclarés pour la première fois.
Ce début inopiné a au moins le mérite de prendre à contrepied l’origin story propre aux récits de super-héros hollywoodiens, censée fournir une explication relativement plausible aux pouvoirs ; ici, Eric ne se connaît pas lui-même donc le spectateur ne le connaît pas non plus puisqu’il n’est pas un héros de licence et/ou que c’est la première fois que nous le voyons sur grand écran. Cette posture assez inhabituelle dans le genre aurait peut-être pu fonctionner si l’implication de la psychologue n’avait pas fait virer le film à la niaiserie. On a l’impression de regarder un mauvais X-men avec des effets spéciaux approximatifs (la faute à un possible petit budget) mélangé à la sauce Warm Bodies (Jonathan Levine, 2013) – mais si, ce film où une jolie blonde tombe amoureuse d’un zombie qui pourrait la tuer à tout moment mais qui s’avère très gentil. Les personnages sont mono-dimensionnels, y compris les méchants Américains qui traquent Eric pour l’empêcher de nuire. Les mêmes scènes s’enchaînent encore et encore, Eric est calme, Eric s’énerve et lance des éclairs, Eric est calme, Eric s’énerve et déclenche un orage, etc. Autant dire qu’il faut une certaine motivation pour aller au bout du long-métrage. À noter quand même que les paysages norvégiens sont très beaux à regarder, mais pour admirer la nature on peut aussi se mettre un documentaire National Geographic.
Vers le milieu du film, Eric est à la fois qualifié de « prochain Jésus » et de « dieu » ; on pense tout de suite à un sous-texte religieux mais Øvredal surprend en faisant le pari de la mythologie nordique : Eric serait-il plutôt le nouveau Thor ? Cette nouvelle identité arrive comme un cheveu sur la soupe, soudainement on perd complètement l’aspect super-héroïque, comme si le réalisateur nous avait mené en bateau depuis le début – ce qui n’est pas un défaut en soi – mais le film étant très mal rythmé, la mythologie est expliquée et expédiée en deux secondes à vingt minutes de la fin, ce qui a pour effet d’abasourdir le spectateur plutôt que de l’inviter réellement à entrer dans le nouveau monde d’Eric. La fin est aussi abrupte et inadéquate que le début, on a l’impression qu’il manque une partie au film – intention réelle du réalisateur ou maladresse de rythme et de scénario ? Mortal ne parvient à aucun moment à convaincre, sans parler du fait risible que le descendant de Thor serait à moitié américain. Certes, les codes du film de super-héros sont détournés, on peut applaudir la tentative de ne pas répéter bêtement ce que les productions hollywoodiennes nous proposent à n’en plus finir. Mortal n’est ni dans l’action abrutissante ni dans la réflexion profonde, c’est un entre-deux tiède et mal calculé. Dans le même genre, Brightburn : l’Enfant du mal (David Yarovesky, 2019) offre un point de vue plus original et persuasif sur un Superman maléfique. On croise les doigts pour que la production française Comment je suis devenu super-héros (Douglas Attal, 2020) prévue pour cette fin d’année fasse mieux pour redorer le blason du genre sur les terres européennes.