Ras-le-bol des zombies ? Kingdom (Kim Eun-Hee, 2019-2020) va vous faire changer d’avis ! La série originale Netflix, dont la deuxième saison est disponible depuis début mars, vous plonge au cœur de la Corée féodale où une épidémie de morts-vivants menace la famille royale et son peuple.
Dur, dur d’être un Prince
Les séries de zombies, c’est comme les séries de vampires, le marché télé et vidéo en est saturé. En bons fans de genre, on ne va pas se plaindre que des plateformes comme Netflix investissent autant dans le fantastique, y compris dans des contenus français comme Mortel (2019) et Vampires (2020), mais il faut quand même avouer que les figures aussi omniprésentes que celles du zombie ont fini par lasser bon nombre de spectateurs. Pour ne citer que la série de référence, The Walking Dead (2010-2021) en est maintenant à sa 10ème saison et peine à encore rassembler les troupes. Avouons-le, depuis plusieurs années le show de Robert Kirkman se renouvelle peu, les zombies étant devenus accessoires au milieu de la guéguerre entre Rick et Negan. Alors, au premier abord, quand Netflix annonce une énième série sur les zombies, on ne saute pas au plafond. Oui mais voilà, l’objet est sud-coréen et se situe à l’époque médiévale, deux points qui sortent de l’ordinaire, autrement dit une série non-occidentale et non-contemporaine. De plus, on connait le talent de la Corée du Sud en matière d’horreur-fantastique (Comment le cinéma sud-coréen a parasité le monde), comment ne pas penser, pour ce qui est du genre à part entière qu’est le film de zombie, au séisme créé par Dernier Train pour Busan (Yeon Sang-ho, 2016) à sa sortie.
Kingdom est la première série coréenne produite par Netflix. Adaptée de la bande dessinée The Kingdom of the Gods, le scénario est entièrement écrit par la scénariste Kim Eun-hee tandis que les six épisodes de la première saison (sortie le 25 janvier 2019) sont réalisés par Kim Seong-hun (Tunnel, Hard Day) et les six épisodes de la deuxième saison (13 mars 2020) par Park In-je. Historiquement situé lors de la dynastie Joseon qui a régné pendant cinq siècles sur la Corée – et plus spécifiquement au début du 17ème siècle dans le show – Kingdom s’apparente à la fois au genre du sageuk (drame historique en costume) et à l’horreur. Après la mort du roi, le prince héritier Lee Chung (Ju Ji-hoon) se retrouve au cœur d’une machination où il va devoir se battre pour prouver sa légitimité au trône face à sa belle-mère enceinte. Comme ce serait trop facile, au même moment, les provinces du sud de la Corée sont touchées par une mystérieuse épidémie qui transforme les humains en morts-vivants. Le prince s’embarque alors dans un périple à travers le pays pour comprendre le phénomène et empêcher la propagation jusqu’au palais royal, formant au fur et à mesure une équipe de choc comptant la femme-médecin Seo-bi jouée par Bae Doona qu’on a déjà vue dans la série Sense8 (2015-2018), The Host (2016) ou Cloud Atlas (2O12).
Au fil de l’intrigue, les personnages seront amenés à tout remettre en question : le roi est-il vraiment mort ? La reine est-elle vraiment enceinte ? Quelle est l’origine de l’épidémie et aurait-elle été manigancée ? La dimension géopolitique des conflits royaux et l’énigmatique contagion des zombies vont de paire pour faire de Kingdom une série historique, politique et horrifique parfaitement huilée. Contrairement à d’autres séries comme encore une fois The Walking Dead ou son spin-off Fear The Walking Dead (2015-2021), les zombies ne sont pas relégués à l’arrière-plan au profit de la survie et de la lutte des classes des humains. La grande force de Kingdom est de savoir imbriquer tous ces aspects pour générer un ensemble cohérent où la figure du zombie trouve réellement sa place, tout en mettant en avant la pauvreté, la famine, la manipulation politique et la corruption qui gangrènent le pays à l’époque. Le scénario est extrêmement bien pensé pour ne rien laisser au hasard. Pas le temps pour les réflexions existentielles ou les relations amoureuses tumultueuses qui pullulent dans les séries américaines du même genre : Kingdom a su trouver la justesse nécessaire pour maintenir le suspens et l’émotion sans avoir recours aux fioritures. Avec un budget très généreux d’1,5 million de dollars par épisode, les décors sont forcément sublimes et la mise en scène incroyablement soignée avec des plans tous plus travaillés les uns que les autres à chaque nouvel épisode, autant dans les scènes d’action que les scènes plus dramatiques. Les multiples cliffhangers du dernier épisode laissent présager une saison 3 qu’on attend avec impatience. À ce jour, Kingdom est certainement l’une des séries Netflix les plus abouties et qui permettra peut-être à certains de se réconcilier – du moins temporairement – avec les mythiques croqueurs de chair.