Les Envoûtés


Une pigiste en manque de liquidités accepte de couvrir pour son journal un sujet impliquant des apparitions fantomatiques de personnes récemment décédées. Ce petit boulot « simple » s’avère beaucoup plus complexe que prévu… L’intrusion du fantastique dans les Pyrénées, c’est le programme des Envoûtés (Pascal Bonitzer, 2018), édité en DVD par Blaq Out et distribué par ESC Distribution.

Dans une forêt, Sarah Giraudeau est assise devant Nicolas Duvauchelle qui la tient dans ses bras, tous deux regardent d'un air las dans une direction opposée, lui à gauche, elle à droite, scène du film Les envoûtés.

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La Menace Fantôme

“Le cinéma français a un gros déficit de cinéma de genre”. Ce petit refrain, il vous est certainement familier, on le trouve facilement dans les discussions portant sur le cinéma et sur les réseaux sociaux, parfois accolé à une remarque sur le trop grand nombre de mauvaises comédies ou de films d’auteurs ennuyeux. Pourtant, et s’il est difficile de nier que les cinémas de genres sont souvent représentés en France à effectif réduit, on peut aussi répondre que le genre à la française est bel et bien là, même si parfois, il se cache un peu. C’est sans aucun doute le cas du long-métrage Les Envoûtés de Pascal Bonitzer, qui avec des précédents films tel que Tout de suite maintenant (2015), s’était vu naturellement affilié à la case (ou à l’étiquette) de « cinéma d’auteur ». Mais, c’est bien là peut-être l’une des forces du cinéma français que de réussir, de plus en plus, à brouiller les frontières, à éviter les cases et à mélanger les genres. Et à ce jeu-là, son dernier projet en date est effectivement plus trouble que jamais. 

Sarah Giraudeau tient un revolver dans sa main droite, canon dirigé vers le ciel, plan rapproché-épaule issu du film Les envoûtés.

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Dès le titre, Les Envoûtés, le doute est bien présent. Difficile de dire dans un premier temps pourquoi parler d’envoutement. Le long-métrage suit Coline, interprétée par Sarah Giraudeau – vue dans Petit Paysan (Hubert Charuel, 2017) et la meilleure série française Le Bureau des Légendes (2015-2020) – une jeune femme gagnant sa vie bon an mal an, en rédigeant des compte-rendus de lecture dans un magazine. Un peu à court de fonds, la rédactrice en chef (Josiane Balasko) lui propose de couvrir « l’histoire du mois » : Simon, un artiste (campé par Nicolas Duvauchelle) vivant reclus dans les Pyrénées a eu une apparition de sa mère, au moment même de sa mort, bien des kilomètres plus loin. Sceptique d’abord, elle finit par accepter cette mission incongrue, lorsque sa meilleure amie se dit témoin du même phénomène, ayant elle aussi vu lui apparaître son père à l’heure même de sa mort. Au cours de cette rencontre plutôt étrange, des sentiments se nouent entre Simon et Coline, et cette dernière finit par s’installer quelques temps dans les montagnes. Malheureusement pour cette nouvelle idylle, l’ombre des fantômes qui y plane est peut-être trop difficile à supporter.

Alors, qui est envouté, et par quoi ? Seraient-ce les témoins ayant cru assister à des phénomènes paranormaux ? Ou bien Coline tombée amoureuse d’un homme bien mystérieux, ainsi que son meilleur ami parti à la reconquête de son grand amour (l’éternellement génial Nicolas Maury) ? Ce qui est certain, c’est que Pascal Bonitzer s’intéresse finalement peu aux phénomènes étranges qui habitent en réalité simplement en filigrane son récit. Ce sont plutôt les personnages et la complexité de leurs liens l’élément du fantastique, l’irruption du paranormal devient avant tout un outil pour sonder les relations complexes et houleuses qui en découlent, et en premier lieu une romance improbable et inattendue qui sont réellement au centre du récit et de sa mise en scène, suivant de très près sa protagoniste des rues de Paris jusqu’aux montagnes des Pyrénées. Malheureusement, ce DVD du film Les envoûtés édité par ESC Distribution et BlaqOut.parti-pris n’est clairement pas sans faiblesse. Le grand défi qui se pose dans Les Envoûtés, est finalement de mettre en image des choses ténues, invisibles. Les apparitions ne sont (à première vue) présentes que par les témoignages de ceux qui disent les avoir vécu, et leurs impacts sur les vies de tout ce petit monde demeurent alors très difficile à comprendre. Le personnage de Coline et son comportement de plus en plus chaotique en lien avec des événements dont elle n’a pas elle-même fait l’expérience, a alors du mal à susciter beaucoup d’émotions chez nous autres spectateurs. Ses tourments, trop abstraits jusqu’au dénouement, provoquent alors plus d’agacement que d’empathie. Cela sonne, pour le personnage que l’on suit du début à la fin, comme un aveu d’échec dans le dispositif filmique qui, bien qu’intéressant, ne parvient pas tout à fait à aller au bout de sa volonté de sonder l’âme de ses personnages « envoûtés ». 

Si la copie distribuée par ESC Distribution et éditée par BlaqOut est de bonne qualité – ce qui est relativement normal puisque Les Envoûtés est tout récent – on regrettera que le film ne bénéficie pas d’une copie Blu-Ray pour le découvrir dans une résolution plus fidèle à son exploitation cinéma et rendant grâce à son image. L’absence de suppléments est une autre relative déception tant il nous aurait été agréable d’entendre le cinéaste parler de son approche du récit et de ce qui l’a motivé à convoquer si timidement les codes du fantastique.


A propos de Martin Courgeon

Un beau jour de projection de "The Room", après avoir reçu une petite cuillère en plastique de plein fouet, Martin eu l'illumination et se décida enfin à écrire sur sa plus grande passion, le cinéma. Il est fan absolu des films "coming of age movies" des années 80, notamment ceux de son saint patron John Hughes, du cinéma japonais, et de Scooby Doo, le Film. Il rêve d'une résidence secondaire à Twin Peaks ou à Hill Valley, c'est au choix. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riwIY

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