Greenland, le dernier refuge


Sur le papier, Greenland, le dernier refuge (Ric Roman Waugh, 2020) avait tout pour être LE gros film catastrophe estival offrant des sensations fortes aux spectateurs et seulement. Pourtant, grâce à ses partis pris audacieux, il parvient à se distinguer des productions du genre qui inondent le marché depuis quelques années, en proposant sous le spectacle, un drame intime d’une grande justesse.

Gérard Butler et son épouse front contre front face leur maison pavillonnaire, scène d'émotion dans le film Greenland, le dernier refuge.

                            © Metropolitan FilmExport

Si on devait, mourir demain : moi, je t’aimerais

Plusieurs parents et leurs enfants réfugiés dans une maison regardent au dehors avec inquiétude, scène du film Greenland, le dernier refuge.

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Depuis les années 1970, le cinéma catastrophe a le vent en poupe aux Etats-Unis. Si le genre a connu une baisse de régime après les attentats du 11 septembre force est de constater que le film catastrophe ou destruction movie connaît une renaissance salutaire depuis le début des années 2010. Le traumatisme des attentats des tours jumelles et l’omerta qui l’a naturellement accompagné (en terme de représentation) a finalement laissé place à une revitalisation des codes du genre, comme pour exorciser le souvenir et le trauma de cette attaque terroriste si spectaculaire et meurtrière. Bien qu’il soit réjouissant de voir un genre renaître de ses cendres, on peut remarquer qu’il est parfois difficile de proposer un contenu original dans un genre aussi balisé. En effet, en voulant être toujours dans la surenchère, les réalisateurs eurent tendance à proposer un déluge d’effets spéciaux toujours plus massif, des scènes de destruction les plus impressionnantes possibles, au détriment du développement des personnages et du scénario. A première vue, Greenland, le dernier refuge (Ric Roman Waugh, 2020) appartient à cette catégorie de productions insipides qu’on a vues et revues des centaines de fois au cinéma ces dernières années. Son scénario n’est clairement pas sans rappeler celui de 2012 (Roland Emmerich, 2009) ou du plus récent et farfelu sur le plan scientifique San Andreas (Brad Peyton,2015). A savoir : une famille doit survivre face à une comète qui se dirige tout droit vers la terre et rejoindre l’un des refuges situé au Groenland. Pire encore, il en recycle les pires clichés (tel qu’un couple en crise avec un enfant malade qui va forcément oublier ses médicaments, pour n’en citer qu’un exemple). Malgré ces défauts et facilités, si l’on auvait pu s’attendre à un énième film catastrophe sans ambition se contentant de reprendre une formule éculée, le long-métrage s’avère extrêmement original en se concentrant sur un des aspects souvent oubliés dans ce genre de films : l’être humain, dans toute sa grandeur et sa misère.

Gerard Butler au volant de sa voiture, fuit avec sa femme sur le siège passager et leur fils à l'arrière dans le film Greenland, le dernier refuge.

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Dès les premières minutes, Greenland, le dernier refuge nous offre une scène impressionnante avec la destruction de la ville de Tacoma en Floride. On s’attend alors à assister à une tripotée de scènes similaires tout au long du métrage. Pourtant, au fur et à mesure que l’intrigue de déroule, il fait passer l’aspect « catastrophe » au second plan pour se concentrer sur les personnages et les répercutions que cette catastrophe a sur eux. Ainsi, il nous offre une galerie de personnages plus ou moins antipathiques qui vont réagir différemment à l’annonce de cette catastrophe mondiale. A aucun moment, le réalisateur ne nous les montre comme des antagonistes, mais plutôt comme des personnes désespérées, poussées et dirigées presque malgré elles par leur instinct de survie, quitte à voir s’effondrer leurs valeurs morales. Même les personnages principaux sont confrontés à des choix moraux forts puisque la famille fait partie des rares qui ont été sélectionnés pour rejoindre l’une des bases au Groenland. Ces dans ces moments-là que le long-métrage se montre sincère dans sa démarche. Il ne verse pas dans un extrémiste nihiliste – malgré les épreuves que traversent nos personnages, ils trouvent toujours des gens prêts à les aider – ni dans un angélisme béat. C’est par cette approche qu’il surprend le spectateur et le fait adhérer au récit. Car, si le film se montre avare en scènes de destruction, c’est pour mieux servir sa narration. En le recentrant à une petite échelle, il parvient à créer des personnages principaux crédibles. Si, comme dit plus haut, l’image du couple en crise peut apparaître comme un cliché usé jusqu’à la moelle, elle se révèle ici d’une extrême authenticité. On croit fort à ce couple en crise et les épreuves qu’ils traversent sont crédibles. De même, la fin relativement « convenue » qui les voit se rapprocher n’est pas forcée – contrairement à la façon dont Robert Universal Soldier Emmerich amenait ce genre de résolution au forceps dans 2012 – car on a pu voir, ô combien les épreuves qu’ils traversaient les ont rapprochés.

Reste qu’il est normal que Greenland, le dernier refuge puisse rebuter les amateurs de films catastrophes qui s’attendaient à un déluge d’action et d’effets spéciaux, et rien d’autre. Cependant, en allant à l’encontre de ce que l’on pouvait attendre de ce genre de productions, celui de Ric Roman Waugh se révèle d’une extrême originalité. La preuve que l’adage d’Alfred Hitchcock « Il vaut mieux partir d’un cliché que d’y arriver » fonctionne bel et bien encore.


A propos de Freddy Fiack

Passionné d’histoire et de série B Freddy aime bien passer ses samedis à mater l’intégrale des films de Max Pécas. En plus, de ces activités sur le site, il adore écrire des nouvelles horrifiques. Grand admirateur des œuvres de Lloyd Kauffman, il considère le cinéma d’exploitation des années 1970 et 1980 comme l’âge d’or du cinéma. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rZYkQ

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