Frankenhooker


A l’occasion de sa projection au Festival du Film de Fesses, revenons sur le déjanté Frankenhooker de Frank Henenlotter, relecture du mythe de la créature de Frankenstein, plongée dans les bas-fonds new-yorkais. 

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Jeffrey, remet nous des glaçons

Le mythe de la créature de Frankenstein a de nombreuses fois été adapté au cinéma – nous vous avons déjà parlé d’ailleurs de bons nombres des adaptations de Universal consacrées au fameux monstre – mais a eu le droit aussi à de nombreuses déclinaisons plus ou moins comiques par le cinéma d’exploitation. Des choses aussi diverses que Plus moche que Frankenstein tu meurs (Armando Crispino, 1975), Bikini Frankenstein (Fred Olen Ray, 2010), Frankenstein 90 (Alain Jessua, 1984) Frankenstein Junior (Mel Brooks, 1974) ou bien encore, en vrac, le culte The Rocky Horror Picture Show (Jim Sharman, 1975) ou le génial Frankenweenie de Tim Burton (2012). Réalisé par Frank Henenlotter, à qui on doit pas moins de cinq must-see de vidéo-club des années 80 et 90 à savoir, Basket Case – Frères de Sang en français – et ses deux suites (1982-1990-1992), Elmer, le remue méninges (1987) et Frankenhooker (1989) dont il est question ici. Comme son titre l’indique il s’agit donc d’une autre de ces productions à ranger dans l’étagère « parodie bisseuse de Frankenstein » dont le mot-valise ici employé associe deux concepts : le « Franken » de Frankenstein, pas besoin d’en dire plus, et le « Hooker » qui veut dire pute, pas besoin d’en dire plus non plus.

vlcsnap-2016-07-08-20h00m24s855L’histoire est donc celle de Jeffrey Kranken, jeune scientifique un peu fou – un grand classique – qui s’apprête à se marier avec sa jeune fiancée. Mais voilà, comme un film de genre ne commence que rarement par la résolution ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants, tout ça tourne vite au vinaigre quand l’une des inventions de Jeffrey, une tondeuse à gazon, va dysfonctionner et littéralement… Tondre, sa petite amie. Déchiquetée sous les roues et lames de la machine, la jeune fille succombera à ses blessures. Meurtri par cet événement malencontreux, Jeffrey se met en tête de reconstituer sa compagne dont il conserve soigneusement la tête dans un congélateur. Pour cela, il se met en quête de morceaux de prostituées pour faire de son ex petite-amie une bombe atomique capable de devenir la prochaine playmate de l’année – on ne s’étonnera donc pas que pour incarner la demoiselle, le réalisateur ait choisi Patty Mullen, Playmate du mois d’Août 1986 et de l’année 1988. Réussissant à piéger les prostituées en utilisant comme leurre du crack à forte dose – le bien nommé super-crack, ça ne s’invente pas – il donnera vie à sa propre créature, une bombe atomique sexualisée plus que de raison, cheveux violets, bas résille, décolleté et mini-jupe dont l’appétit sexuel est particulièrement insatiable. Le monstre lancé dans les rues de New-York, Jeffrey part à sa poursuite tandis que le mac des prostituées sacrifiées cherche à mettre la main sur Jeffrey pour qu’il rende des comptes.

Sous ses pourtours de comédie potache et gore – ce qu’il est assurément – le long-métrage n’est pas non plus l’un de ces films débiles et sexistes. Comme dans l’histoire originale, le véritable méchant est le créateur et non pas sa créature. Ici, l’irraisonnable pointée du doigt est bel et bien la folie de Jeffrey et son aveuglement par une certaine dictature de l’image, qui tend à représenter le corps féminin selon des critères de beauté tout droit sortis d’une clinique de chirurgie esthétique ou d’une émission de télévision de NRJ12, c’est à dire, à quelques choses près, du même endroit. Frankenhooker amuse parce qu’il dynamite – vlcsnap-2016-07-08-20h17m21s724littéralement – ces corps hors normes et donne la possibilité à la fille lambda, transformée à ses dépens en bimbo, de se venger du joug masculin. On retrouve donc la verve trash de Frank Henenlotter, l’un des réalisateurs qui a sûrement su le mieux parler et montrer les bas-fonds du New-York crasseux des années 80. Plus qu’une simple folie burlesque, l’objet est donc tout aussi intéressant pour son audace, que pour sa liberté de ton, son gore décomplexé qui en font l’un des must-see dans son (mauvais) genre. A ce titre, la séquence durant laquelle des prostituées explosent aux quatre coins d’une chambre d’hôtel sous l’effet du super-crack est presque aussi culte que la séquence de la tondeuse de Braindead (Peter Jackson, 1992). N’ayant jamais eu d’édition convenable en France, le film bénéficie grâce à Carlotta d’une édition Blu-ray de haute volée semblable à celle sortie il y a peu aux États-Unis, pas de bonus, mais une image et un son auxquels on ne peut rien reprocher. On espère maintenant que l’éditeur pourra sortir Elmer, le remue-méninge (1987) pour compléter et parfaire ce qui ressemblerait à une presque intégrale de ce cinéaste culte de l’âge d’or de la videosploitation qu’est Frank Henenlotter.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY

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