Teen Spirit



Elle Fanning en Cendrillon des temps modernes : Teen Spirit, le premier film de Max Minghella, se laisse regarder, ou devrions nous plutôt dire, écouter, en toute simplicité.

Elle Fanning Teen Spirit

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Cendrillon fait de la chanson

On connait Max Minghella – fils du réalisateur britannique Anthony Minghella malheureusement décédé trop tôt (Le Patient anglais, Le Talenteux Mr. Ripley) – en tant qu’acteur notamment dans The Social Network (David Fincher, 2010) et dans le rôle du beau gosse Nick dans la série La Servante écarlate (2017 – en production). Il passe pour la première fois de l’autre côté de la caméra, avec pour producteur Fred Berger de La La Land (Damien Chazelle, 2016), et recrute à l’occasion sa petite-amie Elle Fanning. La jeune actrice de 21 ans y joue Violet, une adolescente d’origine polonaise qui trime dans la ferme de sa mère le matin et s’ennuie en cours le reste de la journée. Passionnée de chant et de musique pop, elle chante dans sa chambre et occasionnellement dans le petit bar où elle travaille comme serveuse le soir. Coincée dans son train-train monotone, tenue d’aider sa mère financièrement, Violet mène une vie peu trépidante jusqu’au jour où elle rencontre Vlad, un ancien chanteur d’opéra qui voit en elle un vrai potentiel d’artiste. Campé par l’acteur croate Zlatko Buric, grand familier de la trilogie Pusher de Nicolas Winding Refn (1996, 2004, 2005), Vlad apparait presque comme la fée marraine qui viendrait extirper la pauvre Cendrillon de ses tâches ménagères et ses vieux vêtements.

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Coïncidence oblige, c’est au même moment que l’émission de télécrochet Teen Spirit (équivalent de Nouvelle Star ou The Voice) pose ses bagages à l’île de Wight où réside Violet. Décidée à passer le casting même contre l’avis de sa mère, la jeune fille engage donc Vlad comme coach et manager. Est-il utile de raconter la suite ? Violet hypnotise le jury par sa simplicité, son naturel et sa voix doucement pop. Direction Londres pour la suite des festivités… et c’est là que le film se gâte. Si jusqu’à présent le réalisateur avait pris le temps d’ancrer Violet dans son quotidien campagnard et en même temps dans sa passion pour la pop, la virée à Londres marque le début d’un enchainement de séquences à grande vitesse. Au fil des étapes du télé-crochet que Violet franchit toujours avec brio, elle découvre le monde impitoyable du business de la musique et se laisse bien évidemment tenter par le diable. En plus d’aligner les clichés sur le talent naturel que représente Violet face à l’excentricité et la superficialité de ses compétitrices, le long-métrage tombe aussi dans le fameux stéréotype de l’agneau qui se fait dévorer tout cru par les loups, sous l’œil désespéré de son vieux bienfaiteur. Le plus malheureux dans tout ça, c’est que cette seconde partie se déroule à une vitesse hallucinante où Max Minghella balance tout ce qui lui passe sous la main sans la moindre intention d’exploiter quoi que ce soit en profondeur. Le jeune réalisateur aurait-il vu un peu trop grand pour un film de seulement 1h30 ?

Fort de la relation attachante entre Violet et Vlad, le réel point d’ancrage au-delà même de la compétition, Teen Spirit se démarque néanmoins par son excellent travail formel : chaque performance live de Violet (avec ou sans son groupe) bénéficie d’un mixage audio et d’une esthétique visuelle aux couleurs néons qui font vibrer le spectateur au son des meilleures hymnes pop en majorité européens (Robyn, Ellie Goulding, Sigrid, etc…). C’est d’ailleurs la chanson de Robyn Dancing on My Own qui aurait inspiré Max Minghella pour l’écriture ce qui pourrait peut-être expliquer le manque de substance niveau scénario. On se laisse pourtant vite envoûter par la douce Elle Fanning qui chante ici de sa propre voix, sans doublage. Si la critique du succès instantané mais éphémère allié aux dangers du formatage industriel a déjà été maintes fois ressassée au cinéma récemment (A Star Is Born, mais encore Wild Rose et Her Smell qui devraient bientôt sortir sur nos écrans), Teen Spirit transpire l’amour de la musique pop et lui fait ici un hommage sans prétention. Le film sorti en avril aux États-Unis n’a pas conquis les foules, mais si on sait à quoi s’attendre sans espérer un scénario à rebondissements, alors Teen Spirit se déguste comme un petit bonbon dont on oubliera néanmoins sûrement le goût à peine après l’avoir fini. 


A propos de Emma Ben Hadj

Étudiante de doctorat et enseignante à l’université de Pittsburgh, Emma commence actuellement l’écriture de sa thèse sur l’industrie des films d’horreur en France. Étrangement fascinée par les femmes cannibales au cinéma, elle n’a pourtant aucune intention de reproduire ces méfaits dans la vraie vie. Enfin, il ne faut jamais dire jamais.

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