Veronica


​Bien qu’il soit en perte de vitesse depuis son explosion, le cinéma fantastique espagnol continue d’alimenter nos salles obscures et nos télévisions. Veronica, qui sort en DVD et Blu-Ray chez Wilde Side, en est un des derniers exemples en date d’autant plus qu’à sa tête il y a Paco Plaza, co-real du fameux REC

L’Espagne ne répond plus

​Le monde du cinéma est ainsi fait, si difficilement mais étrangement pénétrable, que parfois il suffit d’un film pour y entrer de plain-pied. La notoriété s’arrache alors d’un coup d’un seul, à la faveur d’une œuvre météore, d’une bousculade générale qui jette ses créateurs sous les projecteurs. Il va sans dire que REC (2007) était de cette race de films là. Le machin – sorti au beau milieu de l’apogée du genre espagnol dont le retentissement était alors international – avait réussi à dynamiter le genre déjà pété du found-footage tout en représentant une surprise par rapport au fantastique d’ordinaire plus léché du cinéma ibérique. Coup d’essai coup de maître pour le binôme Jaume Balaguero / Paco Plaza. Depuis les compères ont tourné ensemble encore (REC 2 en 2007, REC 3 en 2008) et séparément (enfin Balaguero avec Malveillance (2011), REC Apocalypse (2014) et Muse en 2017). Toujours, on les renvoie à REC. Mais pour Veronica, premier film hors trilogie REC depuis le succès de cette dernière d’ailleurs, Paco Plaza n’a pas à s’en plaindre.

Le récit est inspiré d’une histoire “vraie” – je mets des guillemets dans le sens où personne ne peut vraiment prouver que tout est vrai – issue du rapport d’un inspecteur de la police madrilène sur le décès mystérieux d’une jeune fille. Le policier en question ayant attesté avoir vu des phénomènes paranormaux, il n’en faut pas plus pour en tirer un film. On suit donc Veronica, frêle ado de 15 ans qui a du mal à vraiment mener la vie d’une adolescente de son âge puisqu’elle doit s’occuper constamment de ses deux sœurs et de son petit frère. Maman tenant un bar, Papa étant décédé… Pour tromper l’ennui, Veronica fait une partie de Ouija avec sa (seule) amie, manque de pot elles libèrent un esprit qui prend possession de Veronica, enfin on ne sait pas trop puisque le scénario joue un peu l’ambiguïté (est-elle schizo ou est-ce vraiment surnaturel ?). Rien de bien neuf en réalité là-dedans, et c’est de manière globale ce qui rend Veronica consternant. Le long-métrage n’est qu’une accumulation de déjà-vu, de séquences et mécanismes de peur usés jusqu’à la moelle. En flagrant délit d’absence de créativité, Plaza aligne les attendus sans le moindre recul, courant après l’influence déjà plus que moyenne d’un Conjuring 2 (James Wan, 2016) autant dans le dispositif (histoire vraie, doute sur le caractère surnaturel, final apocalyptique) que dans les plans-séquences vains. Pour preuve, le panoramique circulaire d’une des scènes de spiritisme, idée de plan-séquence si évidente que l’effet dramatique en est écrasé.

C’est devant un tel objet qu’on se dit que le cinéma est injuste tant on peut parfois perdre son temps à voir un truc signé Paco Plaza parce que c’est le co-réalisateur de REC alors qu’on aurait peut-être mieux fait de voir le taf d’un inconnu. On aurait aussi évité la lourde et confuse symbolique sexualo-freudienne sur fond de menstruations, de passage à l’âge adulte et de fantôme du papa qui apparaît tout nu et tout flippant, ainsi que les références tissées ça et là juste pour faire plaisir – bonjour Les révoltés de l’an 2000 et la filmographie de Carlos Saura – ou encore le côté vintage inutile puisque l’action se passe en 1991 pour faire comme l’histoire vraie, alors qu’au fond ça aurait très bien pu être actualisé car l’époque n’a AUCUN INTÉRÊT dans la dramaturgie. On imagine Wild Side sûrement conscients des limites de l’objet puisqu’ils ne lui consacrent qu’une édition simple sans le moindre bonus que ce soit pour le DVD ou le Blu-Ray. Une question se pose alors en songeant à la fois au film et à son édition : les deux derniers films de Balaguero sont encore des REC, et un Muse sorti quasiment dans la confidentialité ; Juan Antonio Bayona s’est exilé aux Etats-Unis tout comme Amenabar avant lui ; et Plaza signe ici un Veronica assez mauvais… Tout cela serait-il signe que le meilleur est derrière nous et que la vague ibérique, aussi balaise, riche et surprenante fut-elle, n’est plus aujourd’hui qu’une écume se reposant sur les lauriers de bijoux passés ? Là où le cinéma espagnol était si différent, si typique, on ne pourrait que déplorer un avenir qui serait à base d’exils, d’enfermement dans des recettes éprouvées juste pour alimenter le circuit “espingouin” du cinéma de genre mondial, ou pire encore de resucées des codes anglo-saxons sans plus aucune personnalité ibérique. Viva Espana, bordel !


A propos de Alexandre Santos

En parallèle d'écrire des scénarios et des pièces de théâtre, Alexandre prend aussi la plume pour dire du mal (et du bien parfois) de ce que font les autres. Considérant "Cannibal Holocaust", Annie Girardot et Yasujiro Ozu comme trois des plus beaux cadeaux offerts par les Dieux du Cinéma, il a un certain mal à avoir des goûts cohérents mais suit pour ça un traitement à l'Institut Gérard Jugnot de Jouy-le-Moutiers. Spécialiste des westerns et films noirs des années 50, il peut parfois surprendre son monde en défendant un cinéma "indéfendable" et trash. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/s2uTM

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