Présenté comme le petit cousin de Annabelle, The Boy débarque sur nos écrans en ce mois de février fort timide en cinéma d’horreur. Parce que son twist est le ressort le plus intéressant du film, nous ne manquerons pas de vous le spoiler allégrement, ceci étant dit, vous n’avez pas le droit de nous insulter dans les commentaires.
La valse des pantins
Alors que l’on pouvait se réjouir de voir que l’époque où le cinéma d’horreur était galvaudé par une overdose de torture-porn était révolue, que l’on fêtait dignement la disparition progressive du film d’exorcisme, ou que l’on se réjouissait avec The Visit (M.Night Shyamalan, 2015) de voir enfin un film de found-footage intéressant, voilà que nous tombe sur le coin de la gueule, comme sorti de nulle part – de derrière les fagots même, comme disait mon grand-père – une nouvelle mode, un nouveau supplice, une nouvelle tartinade pseudo-horrifique que l’on va désormais nous resservir ad vitam aeternam à toutes les sauces jusqu’à l’écœurement : le film de pantin diabolique. Ce mois-ci, sortait déjà l’adaptation cinématographique de Chair de Poule (voir notre article) où s’encanaille à nouveau le plus terrifiant des pantins diaboliques de l’histoire des pantins diaboliques, ce gros enfoiré de Slappy, le plus légitime d’entre tous – respect éternel pour Chucky : frangin, on t’oublie pas – face auquel son petit neveu de The Boy boxe clairement dans une autre catégorie. Celle des pantins de pacotille, les ersatz, les mauvaises imitations. Ils sont quand même nombreux à boxer dans cette classe. L’une des plus tristement célèbres fut bien sûr cette pétasse de Annabelle (John R. Leonetti, 2014) succès public si l’on veut, dont la sortie fut surtout accompagnée de sa petite histoire à raconter, celle, vous la connaissez surement, de bandes de jeunes tellement terrifiés par un poupon diabolique et par des jump-scares bien placés, qu’ils en arrachèrent les sièges des salles de cinéma. Ma théorie, c’est qu’ils ont surtout arraché les sièges parce que le film était monstrueusement à chier. Soit, les as de la communication ont toujours un grand talent pour retourner une situation délicate en leur faveur. Quoi qu’il en soit, les remous causés par Annabelle ont au moins permis de faire parler du film. Déprogrammé dans plusieurs salles, le long-métrage s’était alors transformé en film à voir absolument avant qu’il ne soit plus visible nulle part et propulsa ce spin-off du pauvre, dû au à moitié très bon/à moitié décevant Conjuring : Les Dossiers Warren (James Wan, 2013) en véritable hit commercial. Forcément, le succès donnant des idées, Annabelle a vite fait bien fait été engrossée et nous a pondu un petit.
Parce qu’il convient d’être totalement honnête, même s’il ré-emploie le motif du poupon aux yeux inquiétants et au visage de porcelaine, le pitch de départ de The Boy se démarque quand même par son originalité. L’héroïne – incarnée par Lauren Cohan , actrice d’une déconcertante fadeur – est une garde à domicile qui est embauchée par un couple d’inquiétants vieux, si bien qu’après The Visit justement, il semble se dessiner un autre créneau pour les prochaines années dans le cinéma d’horreur : le film d’horreur avec des vieux. Son travail ? S’occuper d’une poupée pendant l’absence de ces tarés de parents. Le dénommé Brahms, un petit garçon un peu furibond, bien qu’il semble à première vue inanimée, est ce genre de poupée maléfique qui ne bouge que quand tu as le dos tourné. Bien décidé à se mettre un salaire dans la poche en en branlant pas une, en mangeant des cornflakes à tour de bras gratis dans un vieux manoir, l’héroïne est ce genre de personne qui n’a probablement jamais vu de films d’horreur pour comprendre que l’équation réunissant vieux très chelous et visiblement fous, poupée ultra flippante, manoir façon maison hantée de fête foraine donne souvent un résultat assez proche du plan foireux. Ceci dit, heureusement, la psychologie de bas étage nous vient une nouvelle fois à l’aide, puisque notre chère nounou fuit ses vieux démons – un ex-mari violent qui cherche à la retrouver – et se voit déjà papillonner dans les bras de l’idiot de livreur chargé d’approvisionner le garde-manger de cette vieille baraque une fois par semaine, en serrant la pince d’une poupée pour conserver son emploi.
La première partie du film interpelle parce qu’elle se joue assez habilement du spectateur en provoquant des montées en tension qui n’aboutissent jamais. Les séquences s’enchaînent d’abord les unes après les autres et se terminent toujours sur ces longs-plans d’un Brahms inanimé, dont on attend inlassablement le moindre bruissement de vie. Mais non, Brahms « est du genre timide ». Pas trop du genre à envoyer du jump-scare à tire-larigot – un assez bon point pour le film d’ailleurs – il préfère faire son affaire hors-champ, puis se re-figer aussitôt. Si bien des réalisateurs ont prouvé la puissance du hors-champ, certains comme William Brent Bell – l’humble faiseur aux affaire ici et déjà derrière l’horriblement chiant Devil Inside (2012) – nous rappelle qu’il est parfois aussi utilisé pour pallier, habilement ou pas, à un évident manque de budget et/ou d’inventivité. Ne cherchez pas, vous ne verrez pas Brahms prendre vie comme Slappy, ricanant et courant d’un bout à l’autre de la pièce, se glissant dans l’ombre. Difficile toutefois de reprocher cette facilité au film car cette contrainte semble-t-il budgétaire est prise en compte par le scénario, dont le twist explique brillamment à lui seul cette timidité passée et c’est là que je sors l’artillerie lourde du spoiler, faites gaffe à vos gueules.
Les débuts laborieux d’un scénario boiteux, surfant sur la nouvelle mode du film de poupées déglingos – à quand un film d’horreur sur les poupées de l’attraction It’s a Small World de Disneyland ? – sont oubliés quand, dans la dernière partie du film, The Boy effectue un étonnant virage d’un sous-genre à l’autre. Jetant aux oubliettes ses codes de films altruistes, réinvestissant une formule qui à le vent en poupe, le film revient, pour notre plus grand bonheur, aux fondamentaux : le film de boogeyman. Derrière les murs de cet étrange manoir, sont dissimulés des couloirs et autres trappes qui permettent au véritable Brahms, devenu un adulte un peu flippant portant un masque en porcelaine sur le visage – il a le côté poisseux du Leatherface de Massacre à la Tronçonneuse (Tobe Hooper, 1974) et le look du mythique Michael Myers de la saga Halloween (John Carpenter, 1978) – de zieuter sa nouvelle nounou quand elle est sous la douche, quand elle donne à manger à une poupée de porcelaine comme une grosse débile, ou quand, aussi, elle se tape le livreur. Cela lui permet aussi de s’amuser à bouger la poupée dès que quelqu’un à le dos tourné pour faire croire que cette dernière est vivante, ou possédée par un esprit frappeur. Pas con le mec. Un peu plus furieux que le reste du film, ce derniers tiers décharge son atmosphère anxiogène et poisseuse, quelques élans de violence graphique aussi. S’il surprend par son revirement inattendu, le film se casse la nuque sur les deux tableaux. On ne ressort pas en ayant l’impression d’avoir enfin vu un film de poupée diabolique à la hauteur d’un Chucky dans Jeu d’Enfant (Tom Holland, 1988) et ces suites, cela nous rappelle à quel point il est vraiment compliqué de réinventer le genre quand on passe après les mastodontes qu’étaient les Wes Craven, John Carpenter ou Tobe Hooper. Ca fait un peu vieux con, je sais, mais que voulez vous, c’était ça ou j’arrachais mon fauteuil.
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