Machine Girl 1


Dans la famille des splatters je demande la fille ! Machine Girl de Noboru Iguchi (2008) est disponible sur Outbuster pour le plaisir des yeux et du gore, petit bijou de ce que le cinéma nippon a pu produire de plus dément ces dix dernières années. Plus qu’un simple film délirant qui s’assume, Iguchi livre à sa manière une véritable déclaration d’amour au cinéma d’horreur.

Bang bang, my baby shot me down

Machine Girl tient une place de choix dans la filmographie de Noboru Iguchi, étant la première œuvre typée grand public qui a propulsé son réalisateur sur le devant de la scène nipponne et internationale. Deux ans après le discret mais angoissant Cat-Eyed Boy (2006), Iguchi livre ce qui sera le premier volet d’une longue saga de films tous aussi cultes que what the fuck, jouant avec les codes du genre du body horror, poussés à l’extrême. Alliées à des scénarios aussi épiques que dérangeants, des créations aussi subtiles que RoboGeisha (2009), Dead Sushi (2013) ou l’absurde Mutant Girls Squad (2010) entreront dans le panthéon du splatter nippon. Machine Girl reste pourtant l’un des travaux les plus « sérieux » d’Iguchi, qui au-delà de ce qu’on pourrait penser être une série Z, nous conte une hystérie collective sur fond de vengeance sans aucune retenue. La thématique du film reste des plus basiques : Ami, jeune lycéenne orpheline en jupette courte, perd tragiquement son jeune frère assassiné par le fils d’un yakuza. Rendue folle par cette perte, elle ose affronter le gang qui la torture et l’ampute de son bras gauche. Ami trouve alors refuge chez un couple de mécaniciens qui l’assistent dans sa quête de vengeance en lui confectionnant une mitraillette adaptée à son bras manquant.

Si Béatrix de Kill Bill (Quentin Tarantino, 2003-2004) et Ash d’Evil Dead 2 (Sam Raimi, 1987) avaient eu une fille, ce serait elle. Ami, figure de proue de ce revenge movie délicieusement gore, s’inscrit dans la longue lignée des personnages de fictions japonaises qui malgré un handicap physique de taille jouissent d’une telle force mentale que l’anomalie devient la plus redoutable des armes. Descendante directe du samouraï borgne et manchot Tange Sazen, héros d’une dizaine de films, ou même de Zatoichi, porté à l’écran entre autre par Takeshi Kitano (Zatoichi, 2003), Ami est une force de la nature. Jeune fille innocente dans un monde cruel, elle souffre de la mauvaise réputation de ses parents décédés, poussés au suicide suite à des accusations de meurtres. Lorsqu’elle décide de tout mettre en œuvre pour venger son frère, Ami bascule à son tour du côté obscur en devenant une véritable sadique, en perdant toute notion de bien et de mal. L’univers de Machine Girl joue beaucoup sur des personnages sans sens de la morale ou de la justice, et où tout acte aussi dément soit-il trouve auprès du spectateur un sens finalement logique. Le revirement de caractère d’Ami est donc parfaitement adapté à son entourage, où personne n’est ni bon ni mauvais. Le personnage en devient particulièrement charismatique, rappelant même Asami, héroïne vicieuse du mythique Audition de Takashi Miike (1999).

Bien entendu, Machine Girl berce dans les grandes traditions du splatter : bains de sang à tous les étages, morts spectaculaires, personnages absurdes, etc. On y retrouve les maquillages et prothèses bricolées qui sont devenues la marque de fabrique d’Iguchi ou son confrère Yoshihiro Nishimura, ainsi que les effets numériques au rabais qui donnent tout son aspect nanardesque au film. Le jeu d’acteur assez bancal ne fait que renforcer ce côté série Z qui entache quelque peu la narration et ses dialogues certes convenus, les rôles ayant été attribués à des débutants et anciennes actrices pornographiques. Pourtant, on baigne dans la référence utilisée de manière intelligente, et rendant un véritable hommage au genre. Machine Girl croule sous les références, que ce soit au cinéma américain, japonais, ou même aux sentais, mais parvient à se distinguer de manière intelligente et délurée en s’appropriant une identité visuelle unique. On pensera ainsi à Planète Terreur (Robert Rodriguez, 2007) lorsque l’acolyte vengeresse d’Ami greffe une mitraillette à sa jambe amputée, ou même au mythique Testuo (Shinya Tsukamoto, 1989) alors que l’héroïne affronte une femme protégée par un soutien-gorge foreuse. Malgré son côté nanar assumé et ses défauts, Iguchi signe un hommage cinématographique à tous ces classiques du genre qui l’ont amené a réaliser à son tour des films qui aujourd’hui encore restent uniques et appréciés par un large public international.

Machine Girl ayant connu un petit succès, Iguchi embraye sur une séquelle répondant au doux nom de Shyness Machine Girl (2009), sorti uniquement en DVD. Bien moins rythmé, réalisé et interprété, ce second volet se distingue davantage par son côté burlesque où l’on suit les aventures d’une jeune fille ayant une mitraillette… dans le cul. Par la suite, Iguchi focalisera ses réalisations autour de ce qui l’a fait mondialement connaître : l’absurde, le nanardesque et le vulgaire. Une perte de taille lorsqu’on songe à ses premières réalisations (autres que pornographiques bien entendu) qui se concentraient davantage sur l’aspect horrifique en proposant des univers visuels aussi délirants qu’ingénieux. Machine Girl est le dernier représentant de cette période ô combien fructueuse d’Iguchi, qui tentera tout même en 2011 un retour aux sources avec la réalisation du (TRÈS) décevant Tomie Unlimited. Fort heureusement, Outbuster propose dans son catalogue l’œuvre phare du réalisateur pour une soirée entre fous-rires et cours de cinéma avancé.


A propos de Jade Vincent

Jeune sorcière attendant toujours sa lettre de Poudlard, Jade se contente pour le moment de la magie du cinéma. Fan absolue de Jurassic Park, Robin Williams et Sono Sion, elle espère pouvoir un jour apporter sa pierre à l'édifice du septième art en tant que scénariste. Les rumeurs prétendent qu'elle voue un culte non assumé aux found-footages, mais chut... Ses spécialités sont le cinéma japonais et asiatique en général.


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