La science-fiction mexicaine s’est très vite acoquinée à d’autres sous-genres. C’est le cas avec Le Vaisseau des monstres, qui conjugue les codes de l’horreur, de la comédie musicale et de la science-fiction.
I’m your Venus !
Des cinq films présents dans la rétrospective Mexico Science-Fiction de ce 33ème Festival International du Film d’Amiens, Le Vaisseau des Monstres (La Nave de los Monstruos, 1959) est sans doute celui qui caractérise le plus ce sous-genre du cinéma de genre qu’est le film de série B mexicaine. On y retrouve en effet tous les ingrédients, des références piochées ça et là, mélangées rigoureusement et donnant un résultat empli de maladresses, limité par son manque évident de moyens, mais rendu largement regardable par son authenticité, sa profonde honnêteté et un grand sens de l’autodérision. Car contrairement à beaucoup de séries B tournées à la même époque aux Etats-Unis, les films de science-fiction mexicains lorgnent davantage vers la comédie, assumant délibérément la pitrerie des personnages, l’absurdité des situations et la kitscherie indéfinissable des costumes et décors. Et de ce point de vue là, Le Vaisseau des Monstres tient vraiment le haut du chapeau.
Le scénario, comme tout scénario d’invasion extraterrestre, pourrait tenir en deux lignes et se résoudre plusieurs fois d’un simple tir de pistolet-laser bien placé. Mais vous conviendrez que s’il suffirait à un pistolero de dézinguer les belles créatures aliens dès qu’elles mettraient un pied sur terre, l’entreprise serait beaucoup moins passionnante. Aussi, le cinéma de genre mexicain peut se targuer d’avoir largement concurrencé Hollywood dans l’art de manier le rebondissements ubuesques, et l’étirement de séquences – le summum restant, de ce point de vue-là, les combats de la série de films consacrés au catcheur Santo. Le pitch de départ du Vaisseau des Monstres est donc dans un premier temps assez banal : un vaisseau spatial arrive sur Terre, avec à son bord des spécimens extraterrestres très dangereux. Et puis, très vite, tout se complique. On apprend que la navette vient tout droit de Vénus, et que ses capitaines de bord – deux magnifiques et pulpeuses Vénusiennes répondant aux doux noms de Gamma et Beta – parcourent l’univers pour trouver des mâles reproducteurs qu’elles pourraient ramener sur leur planète pour pallier la disparition totale des mâles Vénusiens. L’idée est visionnaire, presque politique, le métissage serait la seule façon de préserver les espèces, et en premier lieu, l’espèce Vénusienne. Leur arrivée sur Terre est en fait la dernière étape d’un très long périple aux quatre coins de la galaxie, où elles ont kidnappé différents mâles, de différentes espèces, tous très hideux, et donc jugés inopportuns pour devenir de bons reproducteurs. Mais heureusement pour elles… elles tombent sur des mexicains ! Le film – comme les cinq autres – vise clairement un public populaire et masculin. La figure du beau mexicain, tombeur invétéré, séduisant en chansons est autant tournée en dérision qu’elle est glorifiée, tandis que les femmes sont réduites à des silhouettes parfaitement modelées dans leurs tenues argentées et moulantes.
Plus qu’un film de science-fiction, Le Vaisseau des Monstres est vraiment un film de genres, au pluriel, et sûrement, à ce titre, l’un des plus représentatifs du cinéma de genre mexicain dans son ensemble. Si l’on y retrouve, en effet, soucoupes volantes avec filins apparents, ordinateurs de bord en carton, costumes rétro-futuristes en papier aluminium et petits robots en latex, le film empreinte autant aux codes du cinéma d’horreur hollywoodien. Se côtoient pêle-mêle, femmes vampires et monstres en tous genres, dont chacun des costumes gagnerait n’importe quel concours de déguisement le plus nul de l’année à Halloween. On trouve bien sûr dans la fine équipe, un alien – pour le quota – dont le look ressemble étrangement à ceux du film américain Invasion of the Saucer-Men (Edward L. Cahn, 1957) sorti deux ans plus tôt, un monstrueux cyclope aux allures de kaiju japonais miniature, un autre hideux spécimen, sûrement le fruit d’un amour consanguin entre une mouche et une crotte – peut-être même le premier spécimen de merde-mouche, variante de la mouche à merde – et enfin, le plus fun et anti-charismatique de la bande, un squelette humain à gueule de loup qui parle grâce à des fils actionnant ses mâchoires : une spécificité ethnique fort amusante. Des codes du film d’horreur et du fantastique qui côtoient ceux de la comédie musicale – le film contient plusieurs numéros chantés – et de la comédie romantique.
A défaut de vous regarder les cinq films que nous vous présentons – on ne peut pourtant que vous y encourager, bien qu’il soit difficilement trouvable – jetez au moins un œil à ce Vaisseau des Monstres (La Nave de los Monstruos) qui a lui seul synthétise bon nombre des codes surexploités par le cinéma de genre mexicain des années ’40 aux années ’60… Ah non ! Pardon, Santo le catcheur, n’est pas là. Il fallait bien qu’il en manque un.